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Comme dans Alien ?

Pardon ?

Non. Rien.

Sigourney Weaver n'ayant jamais fricot avec un roi, elle prfra laisser tomber l'affaire...

Ils rangrent ensemble. Avisant son minuscule lavabo, Philibert la supplia de lui laisser nettoyer la vaisselle. Son muse tant ferm le lundi, il n'aurait que a faire le lendemain... Ils se quittrent crmonieusement.

La prochaine fois, c'est vous qui viendrez...

Avec plaisir.

Mais je n'ai pas de chemine, hlas...

H ! Tout le monde n'a pas la chance d'avoir un

cottage Paris...

Camille ?

Oui.

Vous faites attention vous, n'est-ce pas ?

J'essaye. Mais vous aussi, Philibert...

Je... J...

Quoi ?

Il faut que je vous dise... La vrit, c'est que je ne travaille pas vraiment dans un muse, vous savez... Plutt l'extrieur... Enfin dans des boutiques, quoi... Je... Je vends des cartes postales...

Et moi, je ne travaille pas vraiment dans un bureau, vous savez... Plutt l'extrieur aussi... Je fais des mnages...

Ils changrent un sourire fataliste et se quittrent tout penauds.

Tout penauds et soulags.

Ce fut un dner russe trs russi.

12

Qu'est-ce qu'on entend ?

T'inquite, c'est le grand Duduche...

Mais qu'est-ce qu'il fout ? On dirait qu'il inonde la cuisine...

Laisse tomber, on s'en tape... Viens plutt par l toi...

Non, laisse-moi.

Allez, viens quoi... Viens... Pourquoi t'enlves pas ton tee-shirt ?

J'ai froid.

Viens je te dis.

Il est bizarre, non ?

Compltement givr... Tu l'aurais vu partir tout l'heure, avec sa canne et son chapeau de clown... J'ai cru qu'il allait un bal costum...

Il allait o ?

Voir une fille, je crois...

Une fille !

Ouais, je crois, j'en sais rien... On s'en fout... Allez, retourne-toi, merde...

Laisse-moi.

H, Aurlie, tu fais chier la fin...

Aurlia, pas Aurlie.

Aurlia, Aurlie, c'est pareil. Bon... Et tes chaussettes, tu vas les garder toute la nuit aussi ?

13

Alors que c'tait formellement interdit, strictly forbidden, Camille posait ses vtements sur le linteau de sa chemine, restait au lit le plus longtemps possible, s'habillait sous sa couette et rchauffait les boutons de son jean entre ses mains avant de l'enfiler.

Le bourrelet en PVC n'avait pas l'air trs efficace et elle avait d changer son matelas de place pour ne plus sentir l'affreux courant d'air qui lui vrillait le front. Maintenant son lit tait contre la porte et c'tait tout un binz pour entrer et sortir. Elle tait sans cesse en train de le tirer ici ou l pour faire trois pas. Quelle misre, songeait-elle, quelle misre... Et puis, a y est, elle avait craqu, elle faisait pipi dans son lavabo en se tenant au mur pour ne pas risquer de le desceller. Quant ses bains turcs, n'en parlons pas...

Elle tait donc sale. Enfin sale peut-tre pas, mais moins propre que d'habitude. Une ou deux fois par semaine, elle se rendait chez les Kessler quand elle tait sre de ne pas les trouver. Elle connaissait les horaires de leur femme de mnage et cette dernire lui tendait une grande serviette-ponge en soupirant. Personne n'tait dupe. Elle repartait toujours avec un petit frichti ou une couverture supplmentaire... Un jour pourtant, Mathilde avait russi la coincer alors qu'elle tait en train de se scher les cheveux :

Tu ne veux pas revenir vivre ici un moment ? Tu pourrais reprendre ta chambre ?

Non, je vous remercie, je vous remercie tous les deux, mais a va. Je suis bien...

Tu travailles ?

Camille ferma les yeux.

Oui, oui...

Tu en es o ? Tu as besoin d'argent ? Donne-nous quelque chose, Pierre pourrait te faire une avance, tu sais...

Non. Je n'ai rien termin pour le moment...

Et toutes les toiles qui sont chez ta mre ?

Je ne sais pas... Il faudrait les trier... Je n'ai pas envie...

Et tes autoportraits ?

Ils ne sont pas vendre.

Qu'est-ce que tu fabriques exactement ?

Des bricoles...

Tu es passe quai Voltaire ?

Pas encore.

Camille ?

Oui.

Tu ne veux pas teindre ce fichu schoir ? Qu'on s'entende un peu ?

Je suis presse.

Tu fais quoi exactement ?

Pardon ?

C'est quoi ta vie, l... a ressemble quoi en ce moment ?

Pour ne plus jamais avoir rpondre ce genre de question, Camille dvala les escaliers de leur immeuble quatre quatre et poussa la porte du premier coiffeur venu.

14

Rasez-moi, demanda-t-elle au jeune homme qui se trouvait au-dessus d'elle dans le miroir.

Pardon ?

Je voudrais que vous me rasiez la tte, s'il vous plat.

La boule zro ?

Oui.

Non. Je ne peux pas faire a...

Si, si, vous pouvez. Prenez votre tondeuse et allez-y.

Non, c'est pas l'arme ici. Je veux bien vous couper trs court, mais pas la boule zro. C'est pas le genre de la maison... Hein Carlo ?

Carlo lisait Tierc Magazine derrire sa caisse.

De quoi ?

La petite dame, elle veut qu'on la tonde... L'autre esquissa un geste qui voulait dire peu prs

j'en ai rien foutre, je viens de perdre dix euros dans la septime, alors me faites pas chier...

Cinq millimtres...

Pardon ?

Je vous la fais cinq millimtres sinon vous n'oserez mme plus sortir d'ici...

J'ai mon bonnet.

J'ai mes principes.

Camille lui sourit, hocha la tte en signe d'acquiescement et sentit le crissement des lames sur sa nuque. Des mches de cheveux s'parpillaient sur le sol pendant qu'elle dvisageait la drle de personne qui lui faisait face. Elle ne la reconnaissait pas, ne se souvenait plus quoi elle ressemblait l'instant prcdent. Elle s'en moquait. Dsormais, ce serait beaucoup moins galre pour elle d'aller prendre une douche sur le palier et c'tait la seule chose qui comptait.

Elle interpella son reflet en silence : Alors ? C'tait a le programme ? Se dmerder, quitte s'enlaidir, quitte se perdre de vue, pour ne jamais rien devoir personne ?

Non, srieusement ? C'tait a ?

Elle passa sa main sur son crne rpeux et eut trs envie de pleurer.

a vous plat ?

Non.

Je vous avais prvenue...

Je sais.

a repoussera...

Vous croyez ?

J'en suis sr.

Encore un de vos principes...

Je peux vous demander un stylo ?

Carlo ?

Mmm...

Un stylo pour la jeune fille...

On ne prend pas de chque moins de quinze euros...

Non, non, c'est pour autre chose...

Camille prit son bloc et dessina ce qu'elle voyait dans la glace.

Une fille chauve au regard dur tenant dans sa main le crayon d'un turfiste aigri sous le regard amus d'un garon qui s'appuyait sur son manche balai. Elle nota son ge et se leva pour payer.

C'est moi, l ?

Oui.

Mince, vous dessinez vachement bien !

J'essaye...

15

Le pompier, ce n'tait pas le mme que la dernire fois, Yvonne l'aurait reconnu, tournait inlassablement sa petite cuillre dans son bol :