Elle le regardait, interloque.
Voil, c'est bon. J'ai dit tout ce que j'avais sur le coeur et maintenant j'arrive plus me relever parce que j'ai mal au c... aux fesses. Alors ? Qu'est-ce que t'es en train de coudre, l ?
C'est toi, Franck ? C'est bien toi ? C'est la premire fois de ma vie que je t'entends causer aussi longtemps... Tu n'es pas malade au moins ?
Nan, je suis pas malade, je suis juste fatigu. J'en ai plein le dos, tu comprends ?
Elle le dvisagea longuement puis secoua la tte comme si elle sortait enfin de sa torpeur. Elle souleva son ouvrage :
Oh, ce n'est rien... C'est Nadge, une gentille petite qui travaille l le matin. Je lui raccommode son pull... D'ailleurs, est-ce que tu peux me passer le fil dans l'aiguille, l, parce que je ne trouve plus mes lunettes ?
Tu veux pas te rasseoir dans ton lit que je prenne le fauteuil ?
peine s'tait-il avachi, qu'il s'endormit. Du sommeil du juste.
Le bruit du plateau le rveilla.
C'est quoi, a ?
Le dner.
Pourquoi tu descends pas ?
On est toujours servis dans nos chambres le soir...
Mais il est quelle heure, l ?
Cinq heures et demie.
Qu'est-ce que c'est que ce dlire ? Ils vous font bouffer cinq heures et demie ?
Oui, le dimanche c'est comme a. Pour leur permettre de partir plus tt...
Pff... Mais qu'est-ce que c'est ? a pue, non ?
Je ne sais pas ce que c'est et je prfre ne pas savoir...
C'est quoi l ? Du poisson ?
Non, on dirait plutt un gratin de pommes de terre, tu ne crois pas ?
Arrte, a sent le poisson... Et a, c'est quoi, ce truc marron, l ?
Une compote...
Non?
Si, je crois...
T'es sre ?
Oh, je ne sais plus...
Ils en taient l de leur enqute quand la jeune femme rapparut :
a y est ? C'est bon ? Vous avez fini ?
Attendez, coupa Franck, mais vous venez juste de l'apporter y a deux minutes... Laissez-lui le temps de manger tranquillement quand mme !
L'autre referma la porte schement.
C'est tous les jours comme a, mais c'est encore pire le dimanche... Elles sont presses de partir... On ne peut pas leur en vouloir, hein ?
La vieille dame piqua du nez.
Oh ma pauvre Mm... Mais quelle merde tout a... Quelle merde...
Elle replia sa serviette.
Franck ?
Ouais.
Je te demande pardon...
Nan, c'est moi. Rien ne se passe comme je voudrais. Mais c'est pas grave, je commence avoir l'habitude depuis le temps...
Je peux le prendre maintenant ?
Oui, oui, allez-y...
Vous fliciterez le chef, mademoiselle, ajouta Franck, vraiment, c'tait dlicieux...
Bon, ben... je vais y aller, hein ?
Tu veux bien attendre que je me mette en chemise je nuit ?
Vas-y.
Aide-moi me relever...
Il entendit des bruits d'eau dans la salle de bains et se retourna pudiquement alors qu'elle se glissait sous ses draps.
teins la lumire mon grand...
Elle alluma sa lampe de chevet.
Viens, assieds-toi, l, deux minutes...
Deux minutes hein ? J'habite pas la porte ct, moi...
Deux minutes.
Elle posa sa main sur son genou et lui posa la dernire question laquelle il se serait attendu :
Dis-moi, cette jeune fille dont tu me parlais tout l'heure... Celle qui vit avec vous... Elle est comment ?
Elle est conne, prtentieuse, maigre et aussi tare que l'autre...
Fichtre...
Elle...
Elle quoi ?
On dirait une intello... Nan, on dirait pas, c'est une intello. Avec Philibert, ils sont toujours fourrs dans leurs bouquins et comme tous les intellos, ils sont capables de parler pendant des heures de trucs dont tout le monde se fout, mais en plus, ce qui est bizarre, c'est qu'elle est femme de mnage...
Ah bon ?
La nuit...
La nuit ?
Ouais... je te dis, elle est bizarre... Et tu verrais comme elle est maigre... a te ferait mal au cur...
Elle ne mange pas ?
J'en sais rien. Je m'en fous.
Elle s'appelle comment ?
Camille.
Elle est comment ?
Je te l'ai dj dit.
Son visage ?
H, pourquoi tu me demandes tout a ?
Pour te garder plus longtemps... Non, parce que a m'intresse.
Eh bien, elle a les cheveux trs courts, presque ras, dans les marrons... Elle a les yeux bleus, je crois J'en sais rien... enfin clairs en tout cas. Elle... oh, et puis je m'en fous, je te dis !
Son nez, il est comment ?
Normal.
...
Je crois bien qu'elle a des taches de rousseur aussi... Elle... pourquoi tu souris ?
Pour rien, je t'coute...
Non, j'y vais, tu m'nerves, l...
7
Je dteste le mois de dcembre. Toutes ces ftes, a me dprime...
Je sais, maman. C'est la quatrime fois que tu me le rptes depuis que je suis l...
a ne te dprime pas, toi ?
Et sinon ? Tu es alle au cinma ?
Qu'est-ce que tu veux que j'aille faire au cinma ?
Tu descends Lyon pour Nol ?
Bien oblige... Tu sais comment est ton oncle... Il se contrefiche bien de ce que je deviens mais si je rate sa dinde, a va tre encore toute une histoire... Tu m'accompagnes cette anne ?
Non.
Pourquoi ?
Je travaille.
Tu balayes les aiguilles du sapin ? demanda-t-elle sarcastique.
Exactement.
Tu te fous de moi ?
Non.
Note bien, je te comprends... Se taper tous ces cons autour d'une bche, c'est quand mme la grande misre, pas vrai ?
Tu exagres. Ils sont gentils quand mme...
Pfff... la gentillesse, a me dprime aussi, tiens...
Je t'invite, fit Camille en interceptant l'addition. Je dois y aller l...
Dis donc, tu t'es fait couper les cheveux, toi ? lui demanda sa mre devant la bouche de mtro.
Je me demandais si tu allais t'en apercevoir...
C'est vraiment affreux. Pourquoi t'as fait a ?
Camille dvala les escalators toute vitesse.
De l'air, vite.
8
Elle sut qu'elle tait l avant mme de la voir. l'odeur.
Une espce de parfum suave et sucr qui lui souleva le cur. Elle se dirigea vers sa chambre au pas de course et les aperut dans le salon. Franck tait avachi par terre et riait btement en regardant une fille se dhancher. Il avait mis la musique fond.
'soir, leur lana-t-elle au passage.
En refermant sa porte, elle l'entendit marmonner : T'occupe. On en a rien foutre, je te dis... Allez, bouge encore, quoi...
Ce n'tait pas de la musique, c'tait du bruit. Un truc de fou. Les murs, les cadres et le parquet tremblaient. Camille attendit encore quelques instants et vint les interrompre :
Il faut que tu baisses l... On va avoir des problmes avec les voisins...
La fille s'tait immobilise et se mit glousser.
H, Franck, c'est elle ? C'est elle ? H ? C'est toi la Conchita ?
Camille la dvisagea longuement. Philibert avait raison : c'tait tonnant.
Un concentr de btise et de vulgarit. Semelles compenses, jean fanfreluches, soutien-gorge noir, pull trous-trous, balayage maison et lvres en caoutchouc, rien ne manquait au tableau.
Oui, c'est moi, puis s'adressant Franck, baisse le son, s'il te plat...