Alors voilà, le titre donc de la réunion, c’est « un nouveau pouvoir », avec un point d’interrogation.
Qu’est-ce que c’est qu’un nouveau pouvoir ? si vous voulez, ça dépend du nombre de gens influents sur les choses de la société, que ce soit les mœurs ou la politique. Si beaucoup de gens décident que c’est un nouveau pouvoir, eh bien, c’en est un.
C’est marrant que vous posiez cette question, parce que vous, vous êtes un pouvoir qui, finalement, est secret, alors qu’on aurait bien besoin d’un pouvoir qui ne le serait pas.
Qu’est-ce que j’ai fait avec les Restaurants du Cœur ? Eh bien, d’abord, il faut dire que j’ai utilisé les médias sans leur dire au départ. J’étais sur Europe 1, j’avais une émission populaire qui me permettait de lancer une idée, et j’ai lancé cette idée.
Après ça, quand j’en ai parlé pendant deux mois à peu près, je suis allé voir les dirigeants d’Europe 1 et je leur ai dit, maintenant, ça ne va pas être facile de faire marche arrière, parce qu’on reçoit un courrier énorme, et ils ont dit, bon, d’accord, on va faire une journée.
Après ça, j’ai commencé à dire qu’il n’y avait qu’à taper dans les excédents de production, parce que ça nous permettrait d’avoir de la nourriture pas chère, et donc de nourrir tout le monde.
Après, je suis allé au ministère de l’Agriculture, et je leur ai dit voilà ce que j’ai fait, alors maintenant, il faudrait…
Le défaut des lois en général, disait un homme de pouvoir, c’est qu’elles sont souvent en avance sur les mœurs, à part quelques-unes qui sont très en retard. Vous voyez les élections d’aujourd’hui par exemple, personne ne sait de quoi il s’agit. Personne ne sait comment il faut voter, ni pour qui ni pour quoi. On sait pas. C’est très vague dans le public.
L’intérêt des Restaurants du Cœur, c’est que d’abord on fait quelque chose qui est populaire, et qui fera l’objet d’une loi ensuite.
Et puis autre chose, à propos du pouvoir, est-ce qu’il y en a un nouveau, est-ce qu’il y en a pas un nouveau, en tout cas, il y en a un qui est à prendre. Ça, c’est sûr.
Parce que si on regarde un peu les sondages, on s’aperçoit que dans l’année il a été fait 540 sondages, comme d’habitude en France par an, alors que les États-Unis en font je crois 180. Là, c’est un truc extraordinaire, nous, on est extrêmement balèzes, on est très forts. Alors, il y a un sondage qui dit que soixante-deux pour cent des Français pensent que les hommes politiques sont des menteurs. Il y en a soixante-dix pour cent qui pensent qu’ils s’en foutent, et quatre-vingt-quinze pour cent qui pensent que c’est tous les mêmes.
Mais il y en a soixante-deux pour cent qui pensent que c’est des menteurs, au sens euh… tranché du terme, c’est quand même important, des menteurs… Et le même sondage dit que quarante-trois pour cent des Français pensent que la presse est trop militante, qu’elle est trop attachée à la politique.
Ça veut dire que… Par exemple, j’ai entendu Mourousi parler hier ou avant-hier sur Canal Plus du fait qu’il allait pas voter. Je pense que Yves Mourousi, c’est un leader d’opinion. Je pense que si une petite douzaine de personnes comme ça disaient ça en France, on arriverait à des pourcentages d’abstention effarants.
Car si on regarde bien, à part les politiciens, et puis la presse qui s’est donnée ce titre de quatrième pouvoir avant de l’avoir parce qu’évidemment elle risquait de passer à travers, à part des gens comme ça, je vois pas très bien qui pourrait le prendre, le pouvoir…
Alors, en fait, la question est-ce que c’est un nouveau pouvoir, ça dépend aussi si vous le voulez ou pas ! Et pour qu’on sache si c’est bien, si ça plaît à tout le monde, il faut le faire.
Parce qu’effectivement je parle de ça pour les Restaurants du Cœur, mais il y a plein d’applications au système. À partir du moment où on est en position d’utiliser les médias pour faire autre chose que sa profession, ou d’utiliser sa profession pour faire autre chose, il y a beaucoup de possibilités.
Moi j’ai choisi les Restaurants du Cœur parce que d’abord on a des excédents de production en Europe. D’autre part, l’Europe achète en plus de la nourriture à l’étranger, qu’elle stocke pour revendre après sans jamais l’utiliser, pour des raisons de commerce extérieur, de change avec d’autres pays. On se retrouve donc avec des excédents effarants.
Si on prend l’exemple du beurre, le beurre ne peut pas être vendu plus de 4 F par la Communauté après l’avoir conservé vingt-quatre mois et les vingt-quatre mois de conservation d’un kilo de beurre coûtent 6 F… C’est-à-dire que s’ils nous le donnent, ils gagnent 6 F ! C’est beaucoup…
Notre système administratif est donc l’objet d’un tas de conneries de ce genre-là. L’affaire des Restaurants du Cœur, ça l’intéresse, parce que ça prend à la Communauté européenne très peu de quantités de nourriture, et que ça coûterait aussi très peu à l’État de faire un crédit d’impôt sur le sujet. Dans l’ensemble, c’est jouable sur les deux tableaux.
Alors, aujourd’hui, j’ai fait faire une loi par des énarques qui n’avaient pas réussi à devenir ministres, donc davantage intéressés par le fait d’en faire une alors qu’ils en auraient jamais l’occase donc ils ont fait ça vraiment bien, voyez… Après ça, je l’ai portée à droite, à gauche (c’est le cas de le dire), et puis ils ont tous mis leur grain de sel, ils ont tous pensé que c’était une bonne idée, on a réussi à en réunir quelques-uns avec beaucoup de difficultés, à la télé, dans une émission…
Si ça a pu se faire, cette affaire-là, c’est parce que c’est le show-business qui l’a faite. Tout le monde dit maintenant, c’est Coluche qui a fait tout ça, c’est pas exactement vrai, c’est vraiment l’utilisation du média Europe 1 et puis tous, tous qui étaient pas au courant… La notion que je tirerais de cette affaire-là, c’est que pour réussir à faire du bien, déjà il a fallu baiser tout le monde… Ça, c’est vrai ! Y a pas un mec qui m’a dit, moi je veux bien… Y a des mecs à qui j’ai dit voilà maintenant on va le faire, parce que voyez… Là, ils ont accepté.
J’avais fait l’opération d’Europe 1 avant que l’agriculture soit forcée d’accepter l’ouverture des produits européens… je les ai abusés partout, quoi !
Alors je disais qu’il n’y a que ma profession qui peut faire ça, dans l’état actuel des forces. Si c’est un parti politique qui a l’idée, les autres le suivront pas, donc la moitié des médias se ferme d’un côté, si c’est un journal qui a cette idée, les autres le suivront pas, si c’est une chaîne de télé, les autres suivront pas, parce que ce serait faire faire une publicité trop belle à quelqu’un.
Donc, il y a vraiment que dans le show-business où on peut trouver des frères et des sœurs… enfin des potes, nous on appelle ça, de toutes les couleurs… C’est vraiment le show-business où on peut trouver des gens qui sont engagés à droite et à gauche, et qui s’en foutent.
C’est un peu ça le rapport avec vous… Comme le disait mon introduction, vous laissez tout dehors, en entrant. Nous, c’est un peu le même style, on n’est animé que par le spectacle.
Quand j’ai amené cette idée-là, travaillant avec un mec qui s’appelle Lederman, qui n’est pas venu parce qu’il n’a pas été invité, mais qui est largement plus important que moi, dans l’affaire et dans ma carrière aussi, on a un sens du spectacle, on était sûrs qu’on allait faire un coup fumant, si on s’y mettait tous. Et quand on est tous animés par cette même idée que ça va faire un truc formidable, il faut en être.
Voilà. A partir du moment où nous, dans le spectacle, on a cet état d’esprit, on peut se réunir sur une idée, avec un ou deux leaders d’opinion dans l’affaire, qui amènent le reste.