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Là j’avais Montand avec moi au départ, qui est très important. J’avais la promesse de Jean-Jacques Goldman de faire un disque pour les Restaurants du Cœur. C’est lui qui couvre avec Renaud (c’est aussi un camarade à moi) entièrement ce qui se vend en disques, ou presque, en France. C’est très important, et c’est les jeunes.

Alors, on s’est d’abord réunis entre nous. Il y avait des militants du R.P.R. qui étaient avec moi. Je pense à Daniel Guichard, à Gérard Lenorman, c’est vraiment des militants, qui font les galas, un truc que je ne fais pas. Eux, ils font les galas, ils vont chanter dans la première partie de Jacques Chirac.

Ces mecs-là, je leur ai dit : tu sais, je l’ai fait, mais le ministère de l’Agriculture (socialiste) m’a aidé. On s’en fout de ça, on y va. On va le faire. Ça c’est une des raisons que ça réussit, parce que c’est à partir d’une profession généreuse que ça se fait. C’est une profession qui est habituée à donner. Et puis le public sait ce qui se passe.

Il y a quelque chose de désagréable, c’est que ce qui a peut-être plu aux gens un peu plus que dans les autres affaires, c’est qu’ils sont sûrs que l’argent sort pas d’ici, qu’on va s’en servir. Alors que quand on l’envoie en Afrique, ils ont peur que ça n’aille pas aux Africains. Il y a un côté «comme c’est en France, c’est mieux ». Ça, c’est un peu emmerdant. Mais enfin, bon, on ne peut pas se plaindre non plus. Et puis ils ont bien marché, je crois surtout, parce qu’ils savent que nous, on ne va pas détourner l’argent. Ça, c’est vachement important aussi.

On est donc arrivés d’abord par la force de cette radio, j’avais la chance d’y faire une émission qui était vachement écoutée, ça m’a beaucoup aidé, alors je vais vous dire où on en est maintenant.

On a réuni à peu près 45 millions de francs en dons, en espèces. Je ne peux pas évaluer les dons en nature qu’on a recueillis. Je peux vous dire que la première semaine de distribution a été faite que sur les dons en nature, et que pendant les trois mois de l’hiver, on va dépasser sept millions de repas, qui nous coûtent 4,98 F rendus sur place, par personne. Avec le transport. Tout. Rendu sur place, ça nous coûte pas 5 F.

Autant vous dire que les associations font une drôle de gueule. J’ai assisté à une réunion à la Fondation des associations caritatives, et le Secours populaire s’est levé à un moment, il a dit : moi, monsieur, j’ai fait un million de repas l’année dernière. Les autres ont pas parlé, parce qu’ils en avaient pas fait autant, donc ils pouvaient pas parler.

Ça prouve que les associations sont loin derrière, qu’elles ont un prix de revient par repas beaucoup plus élevé que le nôtre, et qu’il y a une poussière énorme à réformer. Et je ne parlerai que de la poussière.

Alors, voilà, peut-être qu’aujourd’hui il s’agit d’un pouvoir… Moi, euh… je ne suis pas un mec de discours, donc je vais m’arrêter là, je vais vous laisser les questions. C’est bien de parler d’un nouveau pouvoir, et de se poser la question, mais vous, vous en êtes un. Une société aussi influente et secrète que la vôtre, ça me fait un peu penser à ce banquier suisse qui, pour les Restaurants du Cœur, m’a envoyé un chèque sans le signer en me disant qu’il voulait rester anonyme. Voyez. Voilà.

LOUIS DALMAS : J’ai deux questions à vous poser avant d’ouvrir le débat. La première. Vous avez parlé du pouvoir du show-business. Mais ce pouvoir repose essentiellement sur le contact avec le public. Est-ce qu’il n’est pas empreint d’une certaine fragilité dans la mesure où le pouvoir politique a toujours les moyens de couper ce contact ? S’il y a une censure des médias, par exemple, si on vous empêche de parler, si on vous empêche de profiter des émissions, que devient ce pouvoir ?

COLUCHE : Pour vous donner une idée. Il y a en ce moment dans toute la Belgique 39 Restaurants du Cœur. En France, il y en a 600. À Bruxelles, il y en a 17, à Paris, il y en a 4. Et sur ces 4, il y en a un qui nous est donné par l’archevêché, à l’église de Saint-Merri. Donc effectivement, il y a des forces qui pourraient s’allier pour détruire une affaire comme ça.

Et il faut que je vous dise aussi, je ne suis pas le premier à avoir eu cette idée, je suis le septième. La première loi qu’on a envoyée, elle date de 1956… six autres personnes, donc qui sont députés, l’un de la Creuse, l’autre de je ne sais pas où (je ne sais pas non plus où est la Creuse), ces types-là ont envoyé une loi qui disait exactement la même chose que moi, c’est-à-dire qui constatait le fait que les plus généreux sont les moins riches, et qu’il fallait donc faire une loi qui soit incitative pour les moins riches à donner aux associations.

C’est ce que j’ai fait faire, et c’est la septième fois qu’on propose ça. Ça veut dire que six fois on a enterré le député de la Creuse. Moi, je pense que je vais être plus difficile à enterrer que le député de la Creuse. Parce que j’ai pas l’intention d’arrêter ma carrière en même temps que les Restaurants du Cœur, et ils n’ont pas fini de m’entendre.

Aujourd’hui, j’ai une proposition… j’ai fait faire un projet de loi qui a fait l’objet d’une rectification par Alain Juppé du R.P.R., par Pierre-Christian Taittinger de l’U.D.F. (vice-président du Sénat), par le groupe socialiste, qui en a rajouté même par-dessus, et il y a un projet aussi du groupe communiste de M. Lajoinie. Ça veut dire que les quatre partis ont dit qu’ils étaient d’accord. Si jamais ils le font pas, ils montreront une nette volonté de l’avoir fait exprès. Et ça, euh… avec la gueule que j’ai ouverte, ils vont avoir du mal.

La loi doit être votée en octobre, et moi, en septembre, je remonte sur scène. J’y suis pas allé depuis cinq ans, et avec Lederman, vous pouvez être assurés que ça va se savoir. Donc, je compte là-dessus, et sur le show-business aussi.

Cette loi permet aux particuliers de donner sur leurs impôts directement une somme plafonnée, dont soixante-dix pour cent seraient pris en compte par l’État, c’est-à-dire qu’elle est vraiment incitative pour les bas revenus, puisque la loi à l’article 238 bis du Code général des Impôts ne bouge pas pour les autres. Il est évident qu’elle nous permettrait de ramasser suffisamment d’argent pour nourrir tout le monde. Donc, si jamais il y a un nouveau pouvoir politique qui s’y oppose, ce sera une volonté délibérée, et de là à ce que j’utilise le nouveau pouvoir en question pour décider d’autres personnes que Mourousi à dire qu’il faut pas voter, ça, je ferai ce que je peux…

De toute manière, il y a un truc qui est sûr, c’est que j’ai trouvé un créneau, et tant que je parlerai au public, je leur parlerai de ça. Je leur parlerai de la possibilité qu’ils ont de débarrasser le pouvoir de ce qu’il ne fait pas, ou de ce qu’il fait mal. Ça c’est mon intention.

Pour 1988, j’ai aussi une idée sur le chômage qu’ils vont avoir du mal à ne pas accepter. S’il y a un truc qui n’est pas populaire, c’est bien le chômage.

Pour les Restos du Cœur, mon idée n’est pas mirobolante, puisque je suis le septième à l’avoir eue. Seulement, la manière dont on utilise justement ce pouvoir en question, c’est ça qui est payant. Je m’engage par exemple, tous les ans au moment où les gens doivent décider de leurs impôts, à faire une journée… une représentation télévisée avec plein d’artistes en disant aux gens : je vous rappelle que c’est maintenant que vous avez le choix de ne pas laisser l’État décider du sort des pauvres, puisqu’il le fait mal.

LOUIS DALMAS : Coluche, j’ai une autre question à vous poser. Vous avez dit tout à l’heure que vous aviez ramassé 45 millions de francs. Que, à la fin des trois mois, vous alliez servir sept millions de repas à S F. Ça fait 35 millions. Que deviennent les 10 millions qui restent ?