J’étais dans une première affaire, qui s’appelait le Café de la Gare, qui a tout de suite marché, puis après ça, j’ai joué tout seul, ça a tout de suite marché. Donc j’avais pas une intention au départ. Je me suis pas dit : j’ai une culture donnée, à quoi est-ce que je vais utiliser ce talent. Non. J’ai découvert un talent au fur et à mesure que j’apprenais un métier, et je me suis retrouvé dans une situation…
Je me suis présenté en 1981 aux élections, pour ne pas être élu, parce qu’il faut quand même pas me soupçonner d’avoir voulu être élu, ça me fâcherait, ça me vexerait disons… je me dis que… le public étant totalement désintéressé de la politique, comme moi j’aime la politique, je trouve un moyen d’intéresser le public à la politique. Voilà.
Alors vous posez la question comme si j’avais pu calculer l’affaire, en fait… je vais vous répondre, pour l’argent, que quand j’ai gagné une certaine somme que je veux pas dépasser à cause des impôts, je m’arrête, en général dans l’année… la gloire m’intéresse parce que c’est ma vocation, et enfin, les comédiens veulent être le plus connu du plus grand nombre… En dehors de ça, je dirais que ce qui m’anime le plus, c’est l’efficacité du résultat. C’est vraiment ça qui me fait le plus marrer, qui me fait le plus plaisir. J’y passe beaucoup d’heures, aux Restaurants du Cœur, mais c’est d’une efficacité ! Qui a de quoi réjouir !
QUESTION : Vous avez démontré, en fait, on le sait, que les médias aujourd’hui, journaux, télévisions en particulier, radios, ont un impact considérable. Le problème que je me pose de temps en temps, c’est les gens qui en sont responsables, c’est-à-dire pas spécialement artistes, les journalistes en particulier, sont-ils parfois assez formés pour savoir ce qu’ils disent, et ne risquent-ils pas d’avoir dans les mains un instrument beaucoup trop puissant, qui risque d’orienter le public vers des voies… peu importe, qui sont fausses, mauvaises, vers d’autres…
COLUCHE : Oui, à qui on va donner finalement le pouvoir suprême au-dessus de tout ça, de juger si les actions sont bien ou pas bien ? Il y a beaucoup de raisons pour qu’un pouvoir décide que mon truc est pas acceptable, parce que d’abord c’est une loi, j’ai pas à avoir fait une loi, il faut être député pour déposer une loi, donc je l’ai fait déposer par des députés, ça sera légal, mais si vous voulez, sur le principe philosophique, il y a quelque chose de gênant pour les purs et durs. Et ceux-là, ils sont à droite, hein, ils sont pas à gauche. Les fermes et définitifs, je vais te dire… Bon, alors, ça, c’est une raison. D’autre part, à cause de ma personnalité, y a beaucoup de gens, je pense par exemple au Figaro, à des gens qui sont très importants, qui représentent à la fois France-Soir et le Figaro, c’est-à-dire le groupe Hersant, qui représentent un grand nombre de lecteurs en France, et un grand nombre de lecteurs spécialisés je dirais, parce que France-Soir est très populaire, et le Figaro est très bourge (bourgeois, pardon…), ce qui veut dire que finalement il a voulu, en ne suivant pas mon opération, montrer sa force, et il a démontré sa faiblesse. Parce que ce pouvoir des médias, il n’a d’intérêt que s’il y a quelqu’un. Je vais vous dire : moi, j’ai augmenté dans ma tranche de cent quarante-quatre pour cent l’audience. Celui qui vient juste derrière moi, il a augmenté de soixante pour cent, et celui qui est le plus loin de moi, c’est-à-dire le matin à 5 heures, il a encore augmenté de seize pour cent.
Ça veut dire que, quand on a une raison d’ouvrir une radio, après on la laisse, pour être sûr de retrouver le mec le lendemain. Quand on a une raison d’ouvrir une radio à une heure précise, c’est qu’à cette heure-là on peut l’écouter. Donc le pouvoir du média, il est pas si important que ça sans les orateurs.
D’ailleurs, c’est vraiment un problème aujourd’hui, les orateurs, le langage des hommes politiques, qui se reprochent les uns et les autres la crise, alors qu’on sait qu’elle est pas française. C’est ça aussi qui fait chier, on s’en fout de tout ça. Qu’ils disent la vérité ! Et puis, dans une période de crise, on a envie de les entendre s’entendre, plutôt que s’engueuler !
Quant aux journalistes qui pourraient détourner la conversation et dire quelque chose, je vais vous dire la différence fondamentale qu’il y a entre notre profession… et je ne suis pas corporatiste, hein, contrairement à ce qu’on pourrait croire, mais en tout cas, il y a un truc qui est certain, c’est que nous, on fait une profession de générosité, alors que les journalistes font une profession qui est très proche de la méchanceté. Ils voudraient souvent sanctionner, avec leurs questions contenant des fois la réponse, ils cherchent un petit peu à être agressifs. Or, si la méchanceté suffisait pour faire fortune, il y a beaucoup de journalistes qui seraient célèbres. Malheureusement, ça n’a jamais suffi à personne, il faut quand même du talent. Et n’oublions pas que le pouvoir qui est échu aux journalistes aujourd’hui à travers le fait que les hommes politiques ont perdu les pédales, ce pouvoir, il appartient à quatre-vingts pour cent à des gens qui, il y a encore cinq ans, étaient des lèche-bottes. C’étaient des mecs qui faisaient les pompes des hommes politiques il y a cinq ans. Ou il y a dix ans. Qui ont aujourd’hui hérité de ce nouveau pouvoir à cause de la faiblesse du discours politique.
Donc, c’est souvent des gens qui sont prêts à militer pour leur truc, et qui savent pas exactement quoi dire eux-mêmes, si on leur donne pas d’idées de base.
C’est vrai, il pourrait y avoir une autre vedette qui dise le contraire. D’ailleurs, y a Le Pen, pour tout vous dire… Sauf que, bon… on a remplacé nos vedettes de la politique. Avant, on avait Marchais, qui nous faisait marrer, et qui risquait pas de gouverner, donc qui était dans le cas à la fois d’être marrant et pas dangereux. Aujourd’hui, on a Le Pen. Qui est aussi dans le cas de pouvoir dire la vérité, puisqu’il gouvernera pas.
La différence que je dirais, pour dire une connerie, c’est que Marchais était de l’almanach Vermot, et que l’autre est de l’almanach Wehrmacht… Mais en dehors de ça, je vois pas bien la différence, parce que de toute façon, c’est inutile, quoi, et c’est sans intérêt… Ça nous fait pas courir un risque, en tout cas.
Quand j’ai dû commencer par prospecter les ministères concernés par mon affaire, je suis d’abord allé à l’Agriculture. Après ça, je suis allé à la Solidarité. C’était le minimum qu’ils pouvaient faire que de me recevoir et de me donner du pognon, puisque c’est carrément leur métier.
Donc, si vous voulez, vu que, moi, j’avais voté pour Mitterrand en 1981, quand je me suis pointé à droite pour leur demander de m’aider, ils m’ont dit : dites donc, vous n’allez pas nous la faire avec votre affaire socialiste, vous allez pas nous demander d’aiguiser le couteau pour nous le planter dans le dos. Ils ont été très réticents. Et puis finalement, sur le terrain, ça s’est toujours très bien passé. Dans toutes les municipalités où on avait besoin d’être réélu, c’est-à-dire dans toutes les municipalités, tout le monde était content de voir arriver les Restaurants du Cœur, c’était plus connu que le pape.
Mais, en dehors de ça, les instances se sont fait quelquefois tirer un peu les oreilles, oui, il y a eu le parti communiste et le R.P.R… Alors, le parti communiste, comme j’ai dit, il gouvernera pas, par contre le R.P.R., ça pourrait bien lui arriver. A mon avis, avec les contacts que j’ai encore en ce moment, je crois pas que le R.P.R. fera passer cette loi en octobre, pour plusieurs raisons : que ça doit pas être moi qui fais une loi, d’abord, surtout pas moi je dirais même, et que ces gens-là n’ont pas de leçons à recevoir d’une personne aussi vulgaire que moi. En règle générale.