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QUESTION : Si vous deviez donc vous effacer pour que votre loi passe, le feriez-vous ?

COLUCHE : Comment… la question se pose pas. De toute façon, dans l’idée du public, ça sera toujours la loi Coluche. Mais effectivement, c’est pas moi qui la déposerai. Elle est déposée au Sénat par Taittinger, à l’Assemblée par le groupe socialiste.

Mais, il y a autre chose. C’est pas un jouet que j’ai fait pour le garder. Les Restaurants du Cœur, au départ, c’est une association à but non lucratif, et maintenant ça va être remplacé dans sa fonction par la Fondation des Restaurants du Cœur, laquelle va avoir une vocation réelle de fondation, c’est-à-dire de fédérer les associations de manière à leur redistribuer les bénéfices de cette affaire. Les Restaurants du Cœur doivent disparaître au profit des associations. Je ne l’ai fait que pour leur donner. Mais dans certaines conditions. À condition qu’ils y fassent des repas à 5 F, et pas à 26 F. Alors ça, évidemment, je vais me battre avec eux pour ça, on va discuter. Mais, en tout cas, je l’ai fait que pour leur donner. Donc là-dessus, je suis imbattable, c’est le sans faute total. Non, ça c’est vrai.

Je ne sais pas si ça répond à la question, mais c’est pas nécessaire que je m’écarte, ça n’a rien à voir, et puis de toute façon, dans l’avenir, il se pourrait très bien que dans cinq ans, ou dans trois ans, je sois plus du tout vedette, et que ça soit, je sais pas, moi… Daniel Guichard qui soit la vedette la plus comique de France, ou la plus populaire, ça se pourrait sans pour ça qu’il soit un comique…

QUESTION : Coluche, vous avez parlé de redistribution, ce qui m’a beaucoup intéressé, est-ce que vous croyez qu’on peut fonder une société sur ce mode de distribution ? La, je me mets à la place des personnes à qui vous allez porter le paquet, et je vous dirai que je sentirais la dignité drôlement atteinte… Je trouve que c’est très bien, étant donné actuellement la situation de la France, Mais est-ce qu’on peut véritablement instituer ce que vous avez fait très généreusement en principe ? Est-ce que vous ne pourriez pas trouver une autre formule qui… quand même… c’est une forme déguisée de la mendicité…

COLUCHE : Ah… qui indique qu’il y a des gens qui ne mangent pas. C’est-à-dire, on le montre, et c’est ça qui est déplaisant ? Je vous répondrai d’abord très simplement que si jamais il y a quelqu’un qui a une meilleure idée que moi, je ferai ce que je peux pour l’aider. Que donc, c’est ouvert, et que si des fois vous en avez une, il ne faut pas vous gêner. Mais vous avez quarante-huit heures…

Que, d’autre part, c’est la forme pour l’instant, et pour ce qui est pratiqué par les associations, je dirais c’est la forme la plus humaine qu’on ait trouvée. Les paquets qu’on distribue, le papier lui-même en plastique est offert par Carrefour, pour tout vous dire en ce moment (ça change parce qu’ils se relaient), et donc celui qui vient chez nous, il a le choix entre un steak, dans une barquette en plastique recouverte de Cellophane avec la date et le poids, comme au Prisunic. Pour une personne, hein, il a droit à cette viande fraîche, qui est de l’arrière de bœuf (parce qu’on n’achète plus les avants, c’était pas bon, on n’achète plus que des arrières, on a augmenté la qualité), soit une saucisse de volaille, qui est faite dans l’est de la France, qui est très bonne, soit des raviolis, soit des boîtes de poisson à cuisiner. Ça, c’est pour la viande. En légumes, on a le droit soit à des pâtes, soit à des pommes de terre, soit à du riz, soit à des lentilles, soit à des haricots, au choix. Pour le reste, on a droit soit à un fromage, soit à un yaourt, on a toujours un fruit, toujours un morceau de pain, et souvent une boisson. Et très souvent aussi, quelque chose en plus, parce qu’il y a toujours des dons en nature qui nous arrivent, principalement des gâteaux et des chocolats.

On distribue (euh… que je vous dise pas de conneries, parce que j’ai pas le papier) quatre fois par semaine une plaquette de beurre par famille et… non, trois fois par semaine du beurre, et quatre fois par semaine un litre de lait. Par famille. Celui qui vient chez nous, il passe devant un comptoir, il dit ce qu’il veut, il l’emmène, il en prend pour autant de gens qu’il veut, y compris pour sa voisine, personne ne lui demande une vérification quelconque, il emmène tout ça chez lui, et il est obligé de dire à personne qu’on lui a donné, c’est de la nourriture qui a l’air de sortir du Prisunic.

Alors, peut-être on peut trouver plus humain comme distribution, mais franchement, j’ai pas trouvé.

QUESTION : Je voudrais vous poser une question, au sujet de votre loi, loi Coluche comme vous l’appelez. Je voulais vous demander si les avantages fiscaux que vous prévoyez en faveur de la Fondation qui remplacera l’opération Restaurants du Cœur, est-ce que vous prévoyez d’étendre ces avantages aux différentes associations qui poursuivent déjà, ou qui ont eu l’occasion de poursuivre le même genre de but, on peut citer le Secours populaire, l’Armée du Salut, les mouvements laïques, les mouvements chrétiens, etc. !

COLUCHE : Alors, je vais vous expliquer. Effectivement donc, une fondation fédère les associations que vous avez citées, qui ont déjà signé avec moi un premier accord au départ de notre affaire, disant qu’on allait s’entraider. Il s’agit de la Croix-Rouge, du Secours populaire, du Secours catholique (non, le Secours catholique y était pas, parce qu’il ne voulait pas signer avec le Secours populaire, mais en dehors de ça, ils ont pas chacun leurs pauvres…). Il y avait les Compagnons d’Emmaüs, les Petits Frères des Pauvres, enfin il y a je crois onze associations qui ont signé avec nous. On était douze dans la Fonda, au début de mon opération.

Donc, il est évident que la loi dit que ces sommes vont être recueillies sous le nom des Restaurants du Cœur, dans une fondation qui fédérera les associations caritatives, comme on les appelle, pour leur fonction nourricière. C’est-à-dire que moi je veux pas donner d’argent au Secours populaire pour acheter des vêtements, ou un emplacement plus important pour distribuer de la nourriture. Je ne veux donner de l’argent au Secours populaire que pour la nourriture. C’est-à-dire que jusqu’à concurrence de deux milliards de francs, ce qui permettrait de nourrir un million de personnes, parce que la vérité, c’est qu’il faut nourrir un million de personnes par jour en France, c’est ça. Nous, on a fait un score extraordinaire, parce qu’on est à 126 000 par jour. Aujourd’hui, on a eu une opération qui est lancée par le ministère de la Solidarité, qui va se servir de nos structures parce qu’on est les seuls à en avoir d’aussi importantes.

Le Secours populaire me dit par exemple : ma sensibilité consiste à recevoir des gens dans une pièce et à les faire manger tous ensemble parce que c’est fraternel, et tout ça. Mais c’est des gens qui ont commencé leur œuvre il y a quarante ans.

A l’époque où il n’y avait que des clochards à nourrir, et il y en avait en tout en France 30 000.

C’étaient des gens qui étaient pour la plupart alcooliques, et qui avaient pour la plupart choisi leur condition, il faut bien le dire.