Le deuxième volet de la question, c’est ce qu’on pourrait demander à Nestlé. Il y a beaucoup de gens qui sont intéressés à avoir le label Restaurants du Cœur. Par exemple, un grossiste de la chaussure française, qui donc m’intéressait pas du tout (je bouffe pas de grolles !), a trouvé cette combine de mettre dans chaque paire de chaussures « en achetant les chaussures Machin, vous venez de donner un repas, ou de participer à un repas pour les Restaurants du Cœur », et donc il a pu nous débloquer de l’argent de son budget de publicité.
C’est-à-dire qu’on pourrait envisager dans l’avenir d’avoir des tas de gens qui nous servent tout au long de la chaîne bénévolement, qui auraient le droit d’utiliser le logo « Restaurants du Cœur ».
Par exemple, on a mis les grosses banques sur le coup, parce que évidemment la publicité qu’on leur fait, elle vaut de l’argent. Le Crédit Agricole pourrait bien avoir l’affaire. Pour ça, ils nous ont fait des avantages qu’ils ne donnent jamais, le crédit « a remere » par exemple, c’est-à-dire l’intérêt maximum sur toutes les sommes qui vous restent, sans avoir à les bloquer trois mois ou six mois.
Ça, déjà, c’est très important, parce que ça nous a tout de suite permis d’augmenter notre chiffre à trois mois. On a demandé aux entreprises de les payer à trois mois, et on a eu tant de repas en plus à distribuer pendant les trois mois.
D’autre part, ils nous ont donné en cadeau, pour les avoir choisis, un million de francs, et ils ont fait travailler des entreprises privées à ouvrir notre courrier 24 heures sur 24, en faisant les 3x8.
Ils ont été vraiment très sympas, ils ont fait leur métier au-delà de ce qu’ils font pour leurs clients riches.
Parce que c’est un truc qui les intéresse, d’être liés en tant que sponsors à une affaire qui a ce retentissement national. Ça nous permet aussi d’envisager de tenir dans l’avenir avec d’autres choses que des dons. Il y a un bénévolat qui est intéressé par une espèce de sponsoring. Il y a des routiers qui voudraient bien avoir le droit de mettre sur leurs camions « Restaurants du Cœur ». Il y aura aussi de plus en plus de restaurateurs qui feront le hachis Parmentier une fois par semaine, c’est-à-dire que ça nous coûtera pas un rond, à trois heures de l’après-midi, à l’heure où de toute façon ils ont pas de clients, et dans leur ville ou dans leur quartier, ils seront le Restaurant du Cœur. Ça les intéresse.
QUESTION : Coluche, je voudrais connaître votre sentiment sur le texte d’une affiche politique que j’ai découverte il y a quelques jours sur les murs de ma commune. Voici le texte, il est très court, je pense que vous devez le connaître, mais enfin je le relis pour tout le monde : « Coluche et des milliers de braves gens ont collecté 20 millions de francs pour ceux qui ont faim. Le même jour, les hommes politiques qui se faisaient de la pub autour de lui — (donc on parle bien des médias, là), passaient commande de 1200 chars à 20 millions de francs chaque. Devinette : où sont les en foirés ? » Fin de citation de l’affiche. C’est signé L.O., je pense que ça veut dire « Lutte ouvrière ». Alors je voudrais connaître votre sentiment sur cette question.
Deuxième question, c’est une parenthèse : puisque vous êtes un pote à Goldman, j’aimerais que vous puissiez nous dire ce qu’il a bien pu faire à certains médias pour qu’on le traîne autant dans la boue, alors qu’a mon avis c’est quand même quelqu’un qui a une certaine valeur.
COLUCHE : Je crois que, pour ce qui est de Goldman, il s’adresse aux adolescents, qui se foutent absolument des médias, des forces et des pas forces, et que donc il a donné aucune interview. Et comme il a rempli le Zénith pour un mois, c’est-à-dire une chose qui avait à l’époque jamais été faite, sans coller aucune affiche, sans aucune publicité, sans donner aucun article, il y a pas mal de gens qui se sont sentis vexés, dans des professions annexes à la nôtre, parce qu’on trouve encore des journalistes professionnels qui aiment le succès, mais pas à ce point-là.
Je crois que vraiment… c’est de la bêtise… ces gens-là ont fait une connerie. Parce que ça n’a pas empêché Goldman de remplir… Balavoine, quand il est mort, il a vendu 80 000 disques le même jour, et Goldman, qui est vivant, 100 000 le même jour. C’est le seul mec qui a fait ça… Et personne le sait. C’est un très gros vendeur. Il fait beaucoup d’effet aux jeunes, et si ce mec-là disait aujourd’hui qu’il faut se désintéresser de la politique, j’aime autant vous dire que dans quinze ans pour leur enlever ça de l’idée aux gosses, eh bien… ça sera dur.
Pour ce qui est de l’exploitation qu’on peut faire des Restaurants du Cœur, il y a pas que Farce Ouvrière qui a essayé, y a tout le monde.
En tout cas, nous on n’exploite pas les pauvres, on leur donne à bouffer. Ça, c’est clair. Et j’ai pas l’intention d’entrer dans les ordres, ni de m’acheter une soutane, ni de passer le reste de ma vie à faire des œuvres comme ça, je fais ça parce que j’ai la possibilité de le faire, et que franchement, dans ma vie d’homme, comme disait le frère tout à l’heure, ça m’aurait fait chier d’avoir la possibilité de disposer d’un pouvoir pour faire quelque chose de sympa, et ne pas le faire.
En dehors de ça, des exploitations, il y en a eu. J’ai vu des affiches socialistes dans le Nord, où il y avait un ruban tricolore en forme de cœur, et c’était écrit «les socialistes solidaires du cœur ». J’ai vu aussi «T’as voulu voir Vesoul, t’as vu Paris » du R.P.R., où il y avait écrit «T’as voulu voir le pouvoir d’achat, et t’as eu les Restaurants du Cœur ». Tout le monde l’a exploité.
Mais il faut dire aussi que ça faisait partie de notre idée, comme le disait le frère tout à l’heure, on est récupérés un peu de partout. On l’a cherché, parce qu’on avait besoin d’une récupération. Il fallait que tout le monde s’en serve, pour que le poids de cette affaire d’aujourd’hui reste un peu au mois d’octobre de l’année prochaine. Il fallait absolument qu’on soit récupérés, mais par tout le monde, c’était ça le problème. Et effectivement, on l’a été.
Et à partir du mois d’octobre, si la loi passe, on le fera tous les jours de l’année, toute l’année.
QUESTION : Coluche, ma première question va rejoindre les aides qu’on apporte aux pays en voie de développement, et leur utilisation dans ces pays. Est-ce que vous pensez que l’exemple des Restaurants du Cœur, dans leur conception, dépassera les frontières européennes ? Si votre réponse est oui, sur quel plan pensez-vous que le monde entier devra vous situer ? Ma deuxième question : jusqu’où les Restaurants du Cœur iront dans les pays de la Communauté européenne, en tant que communautés fortement industrialisées ? Merci.
COLUCHE : Pour ce qui est du développement des Restos du Cœur dans la Communauté européenne, je vous ai dit il y en a 39 en Belgique. C’est très important, parce qu’il se trouve que par la coïncidence des langues, ça s’appelle aussi Restaurants du Cœur. C’est important parce que j’ai déjà fait, je crois, 22 télévisions étrangères sur le sujet, et ce matin j’ai été reçu par la presse étrangère à Paris, j’ai fait une petite conférence de presse pour eux, et ça les intéresse vachement Mais ça ne pourra pas sortir de la Communauté européenne sous cette forme, parce qu’on ne place dedans que les excédents de production européens.