Mon argument, c’est pourquoi les revendre alors qu’on en a tellement, et qu’on en consommerait si peu nous-mêmes. C’est ça l’argument.
Maintenant, pour ce qui est des pays en voie de développement, et principalement je dirais des pays en voie de pas développement, les pays les plus misérables du monde, j ai fait commencer un travail, mais j’aurai vachement besoin d’aide là-dessus, parce que j’ai pas trouvé les bons éléments.
Il existe à l’armée ce qu’on appelle un « biscuit de guerre », C’est-à-dire un truc immangeable, qui contient tout ce qu’il faut pour survivre. Sauf qu’il faut être à côté d’un robinet, parce que c’est un étouffe-chrétien que je vous raconte pas…
Moi, je vais faire faire un « biscuit de paix ». C’est un truc qui sera plus plat qu’un MacDo, et qui contiendra du miel, des noix, du sel, de tout ce qui faut… Enfin, je suis en train de le faire étudier, et… je peux pas vous dire, parce que là je m’avance un peut peu, on n’a pas fini vraiment de travailler dessus, mais ça va coûter 1,20 F au maximum, par pièce. Et ce sera un biscuit qui contient tout ce qu’il faut pour vivre.
Mais il va falloir vraiment m’aider, parce que là je suis planté là-dessus. J’ai l’idée, je le vois le truc, je sais bien comment il faut que ça soit, mais j’ai pas encore trouvé vraiment les spécialistes qui m’ont confirmé que ce truc-là n’allait pas vieillir d’abord, qu’il serait consommable toute sa vie, et que d’autre part, il n’y aurait pas de déperdition e ses qualités.
Pour l’instant, on est sur un produit qui est limité dans le temps. Mais enfin, de toute façon, avec le nombre de bouches qu’il y a à nourrir, je vois pas pourquoi on les entreposerait, hein… Enfin, c’est vrai qu’il y a d’autres idées à trouver là-dessus.
C’est certain, que par rapport à la misère du monde en général, puisqu’il y a même des peuplades en Afrique qu’il est impossible de nourrir du jour au lendemain (il faut d’abord les soigner, avant qu’on soit capable de les nourrir, puisque leur corps est tellement peu habitué, qu’il accepterait pas la nourriture — ça, c’est vraiment un autre travail qui est davantage à confier à la médecine), mais… c’est sûr qu’il y a des tas de misères dans le monde…
Moi, encore une fois, j’ai fait ce bel effet-là parce qu’il s’agit de nourriture, que c’est une tradition française, et qu’il faut savoir que ce sont les pauvres les plus généreux, et que c’est eux qui bouffent le plus aussi. Les riches achètent moins en poids de nourriture, individuellement, que les pauvres. Les gens les plus pauvres, dans une société, ont tendance à dépenser beaucoup dans un domaine où ils peuvent, c’est-à-dire ils se rattrapent sur la nourriture. Donc ça touche vraiment les gens à un truc précis.
QUESTION : Coluche, je vais me permettre de vous poser deux questions. En 1981, vous l’avez fait remarquer tout à l’heure, et on se plaît aussi à le constater, vous avez fait un vrai tabac médiatique en posant votre candidature entre guillemets «bidon ». Pourquoi n’avoir pas, à ce moment-là, monté votre opération Restaurants du Cœur ? Cela voudrait-il dire qu’en 1986, il y a plus de pauvres qu’en 1981, et que cet appauvrissement, comme dit Jacques Chirac, comme il l’a dit hier au soir, serait dû au pouvoir socialiste ? Première question.
Seconde question, qui me sert de transition justement avec l’heure de vérité à laquelle est passé Jacques Chirac hier au soir : à une question qui lui a été posée, consécutive à l’émission de TF1, et à son absence à cette émission, Monsieur Chirac a répondu qu’en tous les cas il n’avait pas voulu cautionner une opération qui, à son avis, servait à réactiver les soupes populaires (et son propos était tout à fait péjoratif)… et je voulais connaître, sur ce deuxième propos, votre sentiment, Coluche.
COLUCHE : Il n’y a qu’une seule réponse à vos deux questions. Effectivement, dans son discours, parce qu’il est en campagne électorale, Chirac a intérêt à faire croire que les pauvres qu’on nourrit aujourd’hui ont quatre ans d’âge, alors que vous savez les mecs qui font la queue chez moi et qui ont quatre ans, il y en a pas des masses… Maintenant, s’il fallait redistribuer les pauvres qui existent, c’est certain que les hommes politiques seraient tous en cause, et que c’est leur jeu de se les renvoyer.
Pour ce qui est du cautionnement qu’il n’a pas donné, il a quand même pas évité de le donner non plus parce qu’il aurait très bien pu interdire à Alain Juppé d’y venir. Je me suis rendu à la mairie de Paris pour le voit, je l’ai pas fait spécialement discrètement, ni derrière son dos. C’est vrai que j’ai demandé à le voir et qu’il ne m’a pas reçu, c’est vrai aussi que j’aurais du mal à lui faire croire que je suis R.P.R., je pense pas que j’essaierai d’ailleurs, et je pense que c’est la seule chose qui l’intéresse.
La seule chose que je constaterai, c’est qu’il dit du mal des restaurants du Cœur finalement parce qu’il les croit socialistes. Il fait une erreur, que le public n’a pas faite, et les hommes politiques font suffisamment d’erreurs pour faire attention à ce qu’ils disent. Sur quelque chose qui est populaire il a tort de dire ça.
Les deux seuls à qui il reproche quelque chose, c’est le parti socialiste, et le Secours populaire, qui comme vous ne l’ignorez pas, est communiste.
Moi, j’ai vu Bérégovoy et Monory, puisque j’y étais dans l’émission pour les Restaurants du Cœur, et ils ont dit devant le public français qu’ils étaient tous les deux d’accord pour faire aboutir cette loi. Alors, comme ils seraient l’un et l’autre ministres des Finances, il est bien évident que si ça n’aboutit pas, comme c’est une loi de finances qu’il faut transformer, moi, j’aurai tout le loisir de les traiter de menteurs pour le restant de leurs jours, et que ça, c’est quelque chose que je risque de leur faire payer un peu cher. Donc, peut-être qu’ils feront pas les cons.
Mais c’est vrai que le R.P.R. pur et dur, venant fort au pouvoir, pourrait très bien dire que finalement c’est injuste de ne le faire que pour les Restaurants du Cœur, profitant du fait que c’est plus maintenant mais au mois d’octobre, et que la sensibilisation faite aujourd’hui va s’estomper… Voilà, c’est vrai, il y a des risques, et puis, c’est leur jeu de dire ça. Mais, à mon avis, c’est une connerie… Moi j’aurais été conseiller en communication de Chirac, je lui aurais pas fait dire ça. J’aurais pas fait dire non plus à Fabius qu’il avait fait le sale boulot… ni qu’il aimait les pauvres, parce qu’on le croit pas…
QUESTION : Coluche, je sais que vous avez un métier difficile, où il y a peu d’élus. Il y a aussi dans votre métier beaucoup de misère. Avec votre générosité et votre pouvoir — j’en parle parce que je ne suis pas dans le métier — est-ce que vous pensez faire quelque chose pour tous vos collègues qui ont des difficultés à vivre !
COLUCHE : Non. Je peux vous répondre nettement non. Pour une raison simple, c’est qu’on a une profession dans laquelle on ne peut pas aider qui que ce soit. C’est pas nous qui jugeons. Il n’y a pas de piston dans notre métier. C’est sûr qu’il y a des filles qui se font baiser par les producteurs, pour réussir, mais elles réussissent qu’à se faire baiser… C’est tout ce qu’on leur connaît comme réussite ! Celles qui ont réussi se sont fait baiser aussi, c’est bien la preuve que c’est pas un critère…