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COLUCHE : C’est bien pour ça que notre profession nous permet de nous étaler parce qu’on est plusieurs. Par exemple, les seuls contacts que j’ai eus avec le R.P.R. dans cette affaire de Restaurants du Cœur, c’est par Daniel Guichard et Alice Donna, qui eux sont copain et copine, avec des gens du R.P.R., et si demain ça devait être un autre leader que moi pour les Restaurants du Cœur ou pour une autre idée, je serais tout à fait ravi. Moi, j’aiderai tous les gens qui ont une idée, qu’ils soient de mon métier ou pas, à faire quelque chose.

C’est vrai que peut-être le public va dire ça. Moi, je pense le contraire. Pour l’instant, c’est nouveau pour eux, ce pouvoir dont je me sers leur est offert, ça va leur donner la possibilité… c’est pas une loi qui les oblige, c’est une loi incitative et pas obligatoire, qui leur donne la possibilité, au lieu de donner 1 500 F à l’armée française… Parce qu’il faut savoir que le budget de l’armée, de l’industrie militaire, est beaucoup plus important que celui de l’industrie civile, et que tant qu’on inversera pas un peut peu les chiffres, on pourra pas sortir d’une situation…

Donc si le public arrive à comprendre qu’on lui a donné un billet pour avoir un peu de pouvoir sur son impôt directement, peut-être que la prochaine fois, il se dira : il faut suivre, parce que la dernière fois il a eu une bonne idée. Bon, peut-être au contraire… enfin… moi je me dis ça. Maintenant, effectivement, ils vont peut-être se lasser…

En tout cas, pour qu’ils se lassent réellement, il faudrait qu’un nouveau pouvoir arrivant aux affaires de la France, dise : ça n’est pas raisonnable de laisser voter une loi qui a été faite par un saltimbanque. Alors, à ce moment-là, le public dirait : eh bien finalement, on a fait tout ça pour rien, et Coluche a fait ça pour rien, donc la prochaine fois, quand je lancerai une idée, il dirait : on va pas refaire un truc pour rien.

Tandis que si on aboutit vraiment à une loi qui est votée, ça ils l’oublieront pas, les gens. Ils l’oublieront pas. Donc la prochaine fois que je sortirai une idée, ils diront : il faut suivre.

C’est pour ça que si j’avais quelque chose à venir vous demander, ça serait ça. Si vous pouvez aider à ce que cette loi ait lieu, faites-le. Parce que même si vous avez des soupçons pour le fait que ça favorise plus cette fondation qu’une autre, dites-vous bien qu’on leur fait mettre le doigt dans l’engrenage où ils vont laisser le bras.

Il faut absolument décharger l’État de ce qu’il ne sait pas faire, et de ce qu’il fait mal. Parce que ça fera moins de choses à lui reprocher dans l’avenir, et donc ça peut amener un discours un peu plus sympathique vis-à-vis d’eux d’une part, et d’autre part, quand on apprend dans la presse par exemple qu’un type a cambriolé une épicerie pour la caisse, et qu’en même temps il a emmené un jambon, moi, je me dis, sans vouloir faire de misérabilisme, que c’est quand même la base de la sécurité dans un pays que tout le monde ait à bouffer. C’est la base. Parce que quelqu’un qui a pas à manger un jour sur deux, il a mal à l’estomac, il aime pas la société, et on peut pas lui en vouloir. Physiquement, il ressent quelque chose. C’est particulier, quoi. Quand on est jeune, et que c’est une situation qu’on sait qu’elle est de passage, bon… pffftt… On s’en fout, on est jeune, on réagit bien, on est prêt à tout, on est prêt à supporter toutes les douleurs physiques.

Mais quand on a déjà travaillé une partie de sa vie, qu’on a des gosses, et qu’on peut plus les nourrir, et qu’on se sent l’estomac là… merde… ça doit être terrible. En tout cas, moi, je souhaite ça à personne…

QUESTION : Si j’ai bien compris votre propos, dans le Restaurant du Cœur, il y avait deux objectifs. Le premier, il a été pleinement atteint, c’était de nourrir les gens qui n’avaient pas à manger. Le second, j’ai envie d’employer le mot parce que j’ai pas peur du mot, encore moins de la chose, il était un petit peu anarchiste. Vous avez dit décharger l’État de ce qu’il ne sait pas faire, et peut-être à plus long terme faire prendre conscience aux gens que l’État remplit mal, ou même parfois pas du tout, son rôle. Est-ce que vous pensez que ce deuxième objectif sera aussi facilement atteint, est-ce que vous ne pensez pas que finalement on aime toujours bien égratigner l’autorité, mais quand il s’agit de la faire vaciller, c’est plus difficile ? Je sais que vous avez eu 16 % d’intentions de vote, mais là encore il ne s’agissait que d’intentions…

COLUCHE : Absolument. C’est pour ça que je vous dis que c’est pas un truc qu’on peut faire tout seul. C’est certain que si tout le reste de la société, en dehors de cette masse que représente le grand public, et qui serait donc le pied de la pyramide sociale, après ça, plus on monte, moins y a de monde, il est bien évident que si toute cette couche qu’il y a au-dessus veut pas que ça se fasse, ça se fait pas. Ça, c’est clair.

Mais encore une fois, on est dans une société qui n’est faite que de groupuscules, de minorités, qui s’entre-dévorent quand elles sont de la même origine, ou quand elles ont la même intention, et qui s’ignorent quand elles n’ont pas le même but ou la même intention.

Si vous voulez, dans cette situation ridicule politiquement en France aujourd’hui, le grand public a compris depuis bien longtemps que les accords qu’on peut prendre à droite sont faux, et que le désaccord apparent qu’il y a à gauche est faux aussi. C’est-à-dire que tout le monde va aux élections individuellement, la gauche en disant qu’elle est désunie, et la droite en disant qu’elle est unie, et c’est faux des deux côtés. Alors c’est quand même assez joli, comme résultat !

Il faut pas oublier non plus, dans la vie que nous vivons, que pour moi… je dis ça, c’est un peu sentencieux, mais quand même… la guerre dans le monde, la misère du monde, les résultats de tout ça, la sécheresse qu’a traversée l’Afrique (elle venait d’Amérique du Sud, on le savait, on connaissait cette sécheresse qui se déplaçait le long de l’Équateur, on avait prévu exactement à quelle date elle allait arriver, et on l’a laissée faire), les huit guerres… les huit conflits qu’il y a encore aujourd’hui dans le monde, malgré qu’on vient d’en arrêter cinq (donc une volonté qui a marqué que quand ils voulaient, ils pouvaient faire ce qu’ils voulaient), tout ça n’est pas le résultat de la connerie des gens qui nous dirigent, mais de leur intelligence.

C’est bien à force de raisonnements intelligents qu’ils ont décidé qu’il était préférable de faire une guerre ou de laisser mourir des gens. Alors, effectivement, si vous voulez parler d’anarchie et de contre-pouvoir, il y a plus à faire qu’à se regarder en face et à se poser des questions. C’est sûr. Moi, je vous dis, je ferai une demande pour rentrer dans votre mouvement quand votre mouvement voudra sortir de l’anonymat, parce que si vous voulez aller aux élections, moi, je veux bien être franc-maçon. Mais dans tous les autres cas… oui, pour parler avec des gens, remarque… c’est sympa.

Conclusion d’Henri Avrange, membre et représentant du Grand Conseil de l’Ordre du Grand Orient de France.