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Le Lion et le Moucheron

«Va-t-en, chétif insecte, excrément de la terre»: C’est en ces mots que le Lion Parlait un jour au moucheron. L’autre lui déclara la guerre. «Penses-tu, lui dit-il, que ton titre de roi Me fasse peur, ni me soucie? Un bœuf est plus puissant que toi, Je le mène à ma fantaisie.» A peine il achevait ces mots, Que lui-même il sonna la charge, Fut la trompette et le héros. Dans l’abord il se met au large; Puis prend son temps, fond sur le cou Du lion, qu’il rend presque fou. Le quadrupède écume, et son œil étincelle; Il rugit; on se cache, on tremble à l’environ: Et cette alarme universelle Est l’ouvrage d’un moucheron. Un avorton de mouche en cent lieux le harcelle: Tantôt pique l’échine et tantôt le museau. Tantôt entre au fond du naseau. La rage alors se trouve à son faîte montée. L’invisible ennemi triomphe, et rit de voir Qu’il n’est griffe ni dent en la bête irritée Qui de la mettre en sang lui fasse son devoir. Le malheureux lion se déchire lui-même, Fait résonner sa queue à l’entour de ses flancs, Bat l’air, qui n’en peut mais, et sa fureur extrême Le fatigue, l’abat: le voilà sur les dents. L’insecte du combat se retire avec gloire: Comme il sonna la charge, il sonne la victoire, Va partout l’annoncer, et rencontre en chemin L’embuscade d’une araignée; Il y rencontre aussi sa fin.
Quelle chose par là nous peut être enseignée? J’en vois deux dont l’une est qu’entre nos ennemis Les plus à craindre sont souvent les plus petits; L’autre, qu’aux grands périls tel a pu se soustraire, Qui périt pour la moindre affaire.

L’Âne chargé d’éponges et l’Âne chargé de sel

Un ânier, son sceptre à la main, Menait, en empereur romain, Deux coursiers à longues oreilles. L’un, d’éponges chargé, marchait comme un courrier; Et l’autre, se faisant prier, Portait, comme on dit, les bouteilles: Sa charge était de sel. Nos gaillards pèlerins Par monts, par vaux et par chemins, Au gué d’une rivière à la fin arrivèrent, Et fort empêchés se trouvèrent. L’ânier, qui tous les jours traversait ce gué là, Sur l’âne à l’éponge monta, Chassant devant lui l’autre bête, Qui, voulant en faire à sa tête, Dans un trou se précipita, Revint sur l’eau, puis échappa; Car au bout de quelques nagées, Tout son sel se fondit si bien Que le baudet ne sentit rien Sur ses épaules soulagées. Camarade épongier prit exemple sur lui, Comme un mouton qui va devant dessus la foi d’autrui. Voilà mon âne à l’eau; jusqu’au col il se plonge, Lui le conducteur et l’éponge. Tous trois burent d’autant: l’ânier et le grison Firent à l’éponge raison. Celle-ci devint si pesante, Et de tant d’eau s’emplit d’abord, Que l’âne succombant ne put gagner le bord. L’ânier l’embrassait, dans l’attente D’une prompte et certaine mort. Quelqu’un vint au secours: qui ce fut, il n’importe; C’est assez qu’on ait vu par là qu’il ne faut point Agir chacun de même sorte. J’en voulais venir à ce point.

Le Lion et le Rat

Il faut, autant qu’on peut, obliger tout le monde: On a souvent besoin d’un plus petit que soi. De cette vérité deux fables feront foi, Tant la chose en preuves abonde.
Entre les pattes d’un lion Un rat sortit de terre assez à l’étourdie. Le roi des animaux, en cette occasion, Montra ce qu’il était et lui donna la vie. Ce bienfait ne fut pas perdu. Quelqu’un aurait-il jamais cru Qu’un lion d’un rat eût affaire? Cependant il advint qu’au sortir des forêts Ce lion fut pris dans des rets, Dont ses rugissements ne le purent défaire. Sire rat accourut et fit tant par ses dents Qu’une maille rongée emporta tout l’ouvrage.
Patience et longueur de temps Font plus que force ni que rage.

La Colombe et la Fourmi

L’autre exemple est tiré d’animaux plus petits.

Le long d’un clair ruisseau buvait une colombe, Quand sur l’eau se penchant une fourmi y tombe, Et dans cet océan l’on eût vu la fourmi S’efforcer, mais en vain, de regagner la rive. La colombe aussitôt usa de charité: Un brin d’herbe dans l’eau par elle étant jeté, Ce fut un promontoire où la fourmi arrive. Elle se sauve; et là-dessus Passe un certain croquant qui marchait les pieds nus. Ce croquant, par hasard, avait une arbalète. Dès qu’il voit l’oiseau de Vénus, Il le croit en son pot, et déjà lui fait fête. Tandis qu’à le tuer mon villageois s’apprête, La fourmi le pique au talon. Le vilain retourne la tête: La colombe l’entend, part et tire de long. Le soupé du croquant avec elle s’envole: Point de pigeon pour une obole.