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Des Pêcheurs.

Des Pêcheurs tiraient leurs filets hors de l’eau: comme ils les sentaient plus pesants que de coutume, ils en concevaient bonne espérance. La pêche, se disaient-ils les uns aux autres, sera sans doute des meilleures; et Dieu sait quels poissons nous allons voir dans nos rets. Leur joie fut courte, car lorsqu’après beaucoup de fatigue, ils eurent vu le fond de leurs filets, ils n’y trouvèrent qu’un gros caillou, que le courant de la rivière y avait amené.

Des Grenouilles.

Les Grenouilles virent dans le fort de l’été leurs marais à sec. – Où nous retirerons-nous? s’écrièrent-elles alors. – Dans ce puits que vous voyez tout proche de vous, dit une des plus jeunes. – L’eau l’emplit jusqu’à deux doigts du bord; ainsi, il nous sera très-aisé d’y entrer. – Fort bien, répliqua une des plus vieilles; mais quand l’eau viendra à baisser, et que nous nous trouverons au fond de ce puits, à vingt pieds au moins de son ouverture, en sortirions-nous aussi aisément que nous y serons entrées? -

Des deux Ennemis.

Deux Hommes, qui se haïssaient mortellement, s’étaient embarqués sur le même vaisseau. Comme il cinglait à pleines voiles, une tempête s’éleva, et si grande, que le navire, battu des vents et fracassé par les vagues, s’entrouvrit. Dans cette extrémité, les deux passagers que l’eau commençait à gagner, se consolaient, quoiqu’ils se vissent sur le point d’être submergés. – Si je péris, disaient-ils l’un et l’autre au fond du coeur, mon ennemi périt aussi. -

Du Lion, de l’Ours et du Renard.

Le Lion et l’Ours s’entre-déchiraient, et cela pour quelques rayons de miel qu’ils avaient trouvés dans le creux d’un chêne. Chacun d’eux prétendait en faire son profit, sans le partager avec son compagnon. Ils eussent beaucoup mieux fait d’en faire deux parts; car tandis qu’ils s’acharnent l’un sur l’autre, un Renard se glisse sans bruit près du miel, le lape et se sauve.

De l’Astrologue.

Un Astrologue contemplait les astres en marchant: il eût beaucoup mieux fait de regarder à ses pieds; car tandis qu’il lève les yeux et les tient toujours fixés vers le ciel, voici que sans voir un puits qu’on avait creusé sur son chemin, il en approche, et de si près, qu’il s’y précipite et s’y noie.

Du Dauphin et du Thon.

Un Dauphin poursuivait un Thon, dans le dessein de se venger de quelque offense qu’il en avait reçue. Ce dernier gagne le rivage, l’autre l’y suit. Et le Thon, pour échapper, sauta sur le sable, et le Dauphin s’y lança avec lui. Mais voici que froissés de leur chute, ils y demeurèrent tous deux étendus. Cependant l’air de la terre agit sur eux. Ils s’affaiblissent hors de leur élément, et meurent, non sans s’être repentis de n’avoir consulté que leur ressentiment.

Du Fossoyeur et du Médecin.

Un Fossoyeur enterrait son Voisin. Comme il achevait de combler la fosse, il aperçut le Médecin qui avait traité le défunt pendant sa maladie. – Je vous croyais si habile, lui dit-il, que je m’étais imaginé que vous tireriez votre malade d’affaire. – J’ai fait tout ce que j’ai pu pour cela, répliqua le docteur; mais cet Homme était malsain. – Et s’il ne l’avait pas été, repartit le Fossoyeur en secouant la tête, aurait-il eu besoin de vous? -

De l’Oiseleur et de la Vipère.

Un Oiseleur cherchait à prendre des Oiseaux. Comme il se baissait pour tendre ses réseaux, une Vipère le piqua au pied. – Ah! s’écria l’Homme, je n’ai que ce que je mérite. Pourrais-je être surpris qu’on m’ôte la vie, tandis que je ne pense, moi, qu’à la ravir aux autres? -

De l’Âne qui change de Maître.

L’Âne d’un Jardinier se lassa de se lever avant le point du jour pour porter des herbes au marché. Un jour il pria Jupiter de lui donner un Maître chez qui il pût, disait-il, au moins dormir. – Soit, dit le Maître des dieux -: et cela dit, voilà le Baudet chez un Charbonnier. Il n’y eut pas resté deux jours qu’il regretta le Jardinier. – Encore, disait-il, chez lui j’attrapais de temps en temps à la dérobée quelques feuilles de chou; mais ici que peut-on gagner à porter du charbon? des coups, et rien davantage. – Il fallut donc lui chercher une autre condition. Jupiter le fit entrer chez un Corroyeur, et le Baudet, qui n’y pouvait souffrir la puanteur des peaux dont on le chargeait, criait plus fort que jamais, et demanda pour la troisième fois un autre Maître. Alors le dieu lui dit: – Si tu avais été sage, tu serais resté chez le premier. Quand je t’en donnerais un nouveau, tu n’en serais pas plus content que des autres. Ainsi, reste où tu es, de peur que tu ne trouves encore ailleurs plus de sujet de te plaindre. -

Du Lion et de la Grenouille.

Un Lion se coucha sur les bords d’un marais, et s’y assoupit. Comme il y dormait d’un sommeil profond, une Grenouille se mit à croasser; à ce bruit, l’autre s’éveille; et comme il croit que quelque puissant Animal vient l’attaquer, il se lève, et regarde de tous côtés. Mais quel est son étonnement, lorsqu’il aperçoit celle qui l’avait si fort épouvanté?

Du Maure.

Un Homme se mit en tête de blanchir un Maure; il le baignait, lavait et frottait: mais ce fut temps perdu. Le Maure bien décrassé parut encore plus noir qu’il n’était auparavant.

Du Marchand et de la Mer.

Un Marchand chargea un vaisseau de marchandise, et partit pour les Indes. Lorsqu’il mit à la voile, le vent était favorable et la Mer tranquille: mais à peine eut-il perdu le port de vue, que le vent changea tout-à-coup; la Mer éleva ses vagues, poussa le navire sur un banc de sable et l’y fit échouer. Le Marchand vit périr toutes ses marchandises, et ne se sauva qu’avec peine sur quelques débris du vaisseau. Quelques jours après, comme il se promenait sur le rivage où il avait abordé, il vit la Mer calme, et qui semblait lui dire de se rembarquer de nouveau. – Perfide Mer, s’écria-t-il, c’est en vain que par une feinte tranquillité tu cherches à m’attirer. S’y fie qui voudra; quant à moi, je n’ai point encore oublié de quelle manière tu m’as traité ces jours passés, je ne suis pas d’humeur à me fier une seconde fois à qui vient de me donner des preuves de son infidélité. -

Des deux Coqs et du Faucon.

Deux Coqs se battirent à outrance, et cela pour l’amour d’une Poule qui les avait rendus rivaux. Le vaincu prit la fuite, et se retira dans un coin de la basse-cour, pendant que le vainqueur montait sur le haut du poulailler, pour y chanter sa victoire. Celui-ci ne s’en réjouit pas longtemps; car tandis qu’en battant des ailes, il ne pensait qu’à y faire éclater sa joie, le Faucon, qui l’avait aisément découvert sur le haut de ce toit, vint fondre sur lui et le mit en pièces.

Du Castor et des Chasseurs.

Des Chasseurs poursuivaient un Castor; dans le dessein de tirer profit de certaine partie de son corps. Ils avaient coutume d’en employer la chair comme un remède souverain contre plusieurs maux. Le Castor, qui savait leur intention, n’eut pas plutôt reconnu qu’il ne pouvait leur échapper, qu’il la prit à belles dents, et se la retrancha. Alors les Chasseurs, satisfaits d’avoir ce qu’ils cherchaient, cessèrent de le poursuivre, et se retirèrent. Ainsi le Castor, qui fort sagement jugea à propos de se défaire d’une partie qu’il ne pouvait conserver sans perdre le tout, se sauva par son jugement.