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De deux Chiens.

Deux Chiens gardaient au logis. L’un, tout joyeux, dit à l’autre: – Frère, je viens d’apprendre que notre Maître se marie dans sa maison des champs. Or, tu sais qu’il n’est point de noces sans festin; c’est pourquoi, si tu veux m’en croire, nous irons tous deux en prendre notre part, et la chère que nous y ferons, Dieu le sait! – Cela dit, ils partent, et prennent si mal leur chemin, qu’ils s’engagent dans certains marécages, et ne s’en retirent que tout couverts de fange Dans cet état, ils arrivent au lieu de la noce. Ils comptaient sur un grand accueil de la part des conviés, mais fort mal à propos, dès qu’ils parurent, chacun s’écria contre leur malpropreté. À peine étaient-ils entrés dans la salle du festin, qu’on les en chassa, l’un à coups de pied, et l’autre à coups de bâton. Tout se passa de sorte que nos deux Chiens crottés s’en retournèrent fatigués, affamés et battus.

De la Mule.

Une Mule grasse et rebondie, ne faisait que parler, dans sa jeunesse, de sa Mère la Jument; mais elle changea de langage, lorsqu’elle se vit, dans sa vieillesse, réduite à porter la farine au moulin. Alors, elle se ressouvint de l’Âne, et confessa de bonne foi qu’il était son Père.

Du jeune Homme et de la Fortune.

Un jeune Homme s’était couché sur le bord d’un puits: pendant qu’il y dormait, la Fortune passa. Celle-ci n’eut pas plutôt reconnu le danger où l’autre était, qu’elle courut à lui, et le tira par le bras. – Mon fils, lui dit-elle en l’éveillant, si vous étiez tombé dans ce puits, on n’aurait pas manqué de m’en imputer la faute. Cependant, je vous laisse à penser si c’eut été la mienne ou la vôtre. -

Du jeune Homme et de l’Hirondelle.

Une Hirondelle se hâta un peu trop de repasser les mers, et vint quelques jours avant l’arrivée du printemps revoir le pays d’où elle s’était retirée aux approches de l’hiver. Un jeune Homme la vit arriver dans un jour assez beau. – Bon, dit-il en lui-même, voici l’avant-courrière de la belle saison; plus de froid, ainsi je puis me passer de cette robe, qui commence à me peser sur les épaules. – Cela dit, il courut la vendre, et dissipa par de folles dépenses l’argent qu’il en eut. Il ne tarda guère à s’en repentir; car quelques jours après, le froid revint, et si rude, que le jeune Homme en fut saisi, faute de robe, et mourut, aussi bien que l’Hirondelle, dont l’augure lui avait été si funeste.

De l’Astrologue volé.

Un Voleur entra dans la maison d’un Astrologue. Cependant celui-ci se donnait en pleine place pour un prophète des plus clairvoyants dans l’avenir. Comme il s’y vantait d’avoir acquis, par l’inspection des astres, la connaissance de tout ce qui devait arriver dans les siècles les plus reculés, un des assistants qui avait aperçu le Voleur, l’interrompit. – Et le moyen, lui dit-il, de croire que tu sais l’avenir, quand je vois, à n’en pas douter, que tu ne sais pas même le présent? Car enfin, mon ami, si tu le savais, tu courrais au plus vite chez toi en chasser le Voleur que je viens d’y voir entrer. -

De Jupiter et des Besaces.

Après que les Hommes eurent été formés, Jupiter s’aperçut qu’ils avaient des défauts si grands qu’ils ne pourraient eux-mêmes les souffrir, s’il ne leur en ôtait la connaissance. Il jugea donc à propos de les éloigner de leur vue; et pour cet effet, il prit tous ces défauts, et en remplit plusieurs Besaces; puis il les distribua, donna à chacun la sienne, et la lui mit sur le dos; de telle manière que les défauts d’autrui pendaient dans la poche de devant, et ceux du porteur dans celle du derrière.

De la Poule trop grasse.

Une Poule pondait tous les jours un oeuf à son Maître. – Elle m’en pondra deux, disait celui-ci en lui-même, si je lui donne double nourriture. – Là-dessus le voilà qui lui jette et rejette du grain d’heure en heure, et en abondance. Mais qu’arriva-t-il? La Poule, à force d’être bien nourrie, devint si grasse, que bientôt elle pondit moins, et enfin ne pondit plus.

De Jupiter et de la Tortue.

Un jour Jupiter manda les Animaux. Il voulait pour se récréer, les voir tous ensemble, et en considérer la diversité. Ceux-ci obéirent, et accoururent à grande hâte. La Tortue seule se fit attendre, et si longtemps, qu’on crut qu’elle ne viendrait pas. Elle arriva pourtant, mais la dernière; et sur ce qu’on s’en plaignait, elle voulut représenter qu’avant que de partir, il lui avait fallu transporter sa maison en lieu de sûreté; ce qui lui avait fait, disait-elle, perdre beaucoup de temps. Mais l’excuse fut si peu goûtée, qu’on ne lui donna pas le temps de la faire valoir. À peine eut-elle commencé à parler de sa maison, que Jupiter, qui voulait être obéi, et sans délai, la lui mit sur le dos. De là vient qu’en punition de sa faute, elle la porte encore aujourd’hui.

De la Biche et de la Vigne.

Deux Chasseurs poursuivaient une Biche: celle-ci se sauva dans une Vigne, et s’y cacha si bien sous le pampre, que les Chasseurs, qui l’avaient perdue de vue, rebroussèrent chemin. Cependant la Biche, qui se croyait hors de danger, rongeait les ceps qui la couvraient. Ce fut pour son malheur; car dès qu’elle les eut dépouillés de leurs feuilles, elle parut tellement à découvert, que les Chasseurs l’aperçurent en se retirant. Alors ils retournèrent sur leurs pas, atteignirent la Biche, et la tuèrent.

Du Laboureur et du Renard.

Un Laboureur ensemença ses terres, et tout y crût à merveille. Comme il était à la veille de couper ses grains: – Je t’empêcherai bien de serrer ta récolte, dit en lui-même un de ses voisins qui le haïssait. – Cela dit, il allume un flambeau, et l’attache à la queue d’un Renard qu’il avait pris dans un terrier aux environs de ses champs; ensuite il le traîne près de celui de l’autre, le pousse vers un guéret tout couvert de bleds, et le lâche. Il pensait par ce moyen réduire ces bleds en cendre; mais voici ce qui arriva. Le Renard au lieu d’aller en avant, rebroussa chemin pour retourner à son terrier; et comme il ne pouvait le gagner sans passer sur le champ de celui qui cherchait à se venger, il se lança tout au travers des bleds de ce dernier, et y mit le feu. Ainsi tout le mal tomba sur le méchant Laboureur qui vit tous ses grains consumés par son propre artifice.

Du Palefrenier et du Cheval.

Un Seigneur eut besoin aux champs d’un Cheval qu’il avait laissé à la ville, et manda à son Palefrenier qu’il eût à le lui amener au lieu où il était. Celui-ci, l’ordre reçu, partit avec le Cheval. Comme ils passaient tous deux au travers du pré de leur Maître, l’Homme s’aperçut que l’autre baissait la tête et y broutait à la dérobée quelque peu d’herbe. – Larron, lui dit-il en le frappant rudement, ne sais-tu pas bien que cette herbe appartient à notre Maître, et que d’en prendre comme tu fais, c’est lui faire du tort. – Mais toi-même, repartit le Cheval, qui ne me donnes jamais que la moitié de l’avoine qu’il m’achète, ignores-tu que cette avoine lui appartient, et que d’en dérober l’autre moitié, comme c’est ta coutume, pendant que je maigris à vue d’oeil, faute de nourriture, c’est lui faire un tort bien plus considérable que celui que tu me reproches? Cesse donc de me maltraiter. Si tu veux que je lui sois fidèle, commence par m’en donner le premier l’exemple. -