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De la Corneille et des Oiseaux.

La Corneille fournit un jour ses ailes de plumes qu’elle avait ramassées dans divers nids d’Oiseaux, et vint en faire parade devant ces derniers. Ceux-ci furent d’abord charmés de la bigarrure de son plumage; mais dès qu’ils l’eurent considérée de plus près, chacun s’aperçut de la ruse. Et les Oiseaux tout indignés tombèrent aussitôt sur elle, et lui arrachèrent à grands coups de bec, non seulement les plumes qui leur appartenaient, mais encore les siennes propres. La Corneille ainsi déplumée se trouva si hideuse, qu’elle courut se cacher, et n’osa plus se montrer, même devant les Corneilles.

Du Fermier et du Cygne.

Un Fermier tenait un Cygne, et croyait tenir une Oie. Comme il allait lui couper la gorge, le Cygne chanta; et l’Homme qui le reconnut à la voix, retira aussitôt le couteau. – Cygne, lui dit-il en le caressant, aux dieux ne plaise que j’ôte la vie à qui chante si bien. -

De la Poule et du Chat.

Une Poule avala par mégarde quelque insecte venimeux, et en tomba malade. Comme elle n’allait qu’en traînant l’aile, un Chat l’aborda: – Ma fille, lui dit-il d’un ton officieux, n’y aurait-il pas moyen de vous soulager? – Oui, repartit la Poule, il en est un des plus sûrs, et il ne tiendra qu’à toi de l’employer. – Et ce moyen, quel est-il, ma chère? reprit le Chat. C’est, répondit l’autre, de vouloir bien te tirer à quartier, et le plus loin qu’il te sera possible. -

D’un Chasseur et d’un Berger.

Un chasseur allait et revenait d’un air empressé de çà, de là, tantôt dans la forêt, puis dans la plaine. – Que cherchez-vous? lui dit un Berger qui le voyait s’agiter. – Un Lion, répondit l’autre, qui m’a dévoré, ces jours passés, un de mes meilleurs Chiens. Que je le trouve, et je lui apprendrai à qui il se joue. – Suivez-moi, reprit le Berger, et je vous montrerai la caverne où il se retire. – Ami, lui repartit l’autre en changeant de couleur, outre qu’il est un peu tard, je me sens à présent trop fatigué pour pouvoir m’y rendre aujourd’hui; mais compte que je reviendrai demain avant le point du jour te prier de m’y conduire. – Ce jour venu le Berger l’attendit et l’attend encore.

D’un Âne chargé d’éponges.

Un Âne chargé de sel se plongea dans une rivière, et si avant que tout son sel se fondit. Quelques jours après, comme il repassait chargé d’éponges près du même gué, il courut s’y jeter, dans la pensée que le poids de sa charge y diminuerait comme il avait diminué la première fois; mais le contraire arriva. L’eau emplit les éponges, et de telle sorte qu’elles s’enflèrent. Alors la charge devint si pesante, que le Baudet qui ne pouvait plus la soutenir, culbuta dans le fleuve, et s’y noya.

De l’Aigle percé d’une flèche.

Un Aigle s’arracha quelques plumes et les laissa tomber à terre. Un chasseur les ramassa, ensuite il les ajusta au bout d’une flèche, et de cette même flèche perça l’Aigle. – Hélas! disait l’Oiseau comme il était sur le point d’expirer, je mourrais avec moins de regret, si je n’avais été moi-même, par mon imprudence, la première cause de ma mort. -

Du Milan.

Le Milan eut autrefois la voix fort différente de celle qu’il a maintenant. Voici par quelle aventure; d’agréable qu’elle était, elle devint par l’imprudence de cet Oiseau, très-déplaisante. Un jour il entendit un Cheval qui hennissait: alors il se mit en tête de hennir comme lui; mais quelque peine qu’il se donnât pour y parvenir, il n’en put jamais venir à bout. Le mal fut qu’à force de vouloir contrefaire la voix du Cheval, il gâta la sienne, et s’enroua si fort, qu’il ne fit plus entendre qu’un cri rauque et effrayant.

D’une Femme.

Une Femme avait un ivrogne pour Mari. Voulant le délivrer de ce vice, elle imagina la ruse que voici. Quand elle le vit alourdi par l’excès de la boisson et insensible comme un mort, elle le prit sur ses épaules, l’emporta et le déposa au cimetière, puis elle partit. Quand elle pensa qu’il avait repris ses sens, elle revint au cimetière et heurta à la porte. L’ivrogne dit: – Qui frappe? – La Femme répondit: – C’est moi, celui qui porte à manger aux morts. – Et l’autre: – Ce n’est pas à manger, l’ami, mais à boire qu’il faut m’apporter. Tu me fais de la peine en me parlant de nourriture au lieu de boisson. – Et la Femme se frappant la poitrine: – Hélas, malheureuse, dit-elle, ma ruse n’a servi de rien. Car toi, mon Mari, non seulement tu n’en es pas amendé, mais tu es devenu pire encore, puisque ta maladie est tournée en habitude. – Cette fable montre qu’il ne faut pas s’attarder aux mauvaises actions, car même sans le vouloir, l’Homme est la proie de l’habitude.

Du Lion, du Sanglier et des Vautours.

Le Lion et le Sanglier acharnés l’un sur l’autre s’entre-déchiraient. Cependant des Vautours regardaient attentivement le combat, et se disaient les uns aux autres: – Camarades, à bien juger des choses, il n’y a ici qu’à gagner pour nous. Ces Animaux-ci ne quitteront point prise, que l’un des deux ne soit par terre. Ainsi, ou Lion, ou Sanglier, voici la proie qui ne peut nous manquer. – Ils n’y comptaient pas à tort; car ils l’eurent en effet et même plus grosse qu’ils ne pensaient. Le Sanglier fut étranglé sur l’heure par le Lion, et celui-ci que l’autre avait percé d’un coup de ses défenses, mourut quelques jours après de sa blessure, de sorte que les Vautours profitèrent de l’un et de l’autre.

De l’Âne qui porte une Idole.

Un Âne chargé d’une Idole passait au travers d’une foule d’Hommes; et ceux-ci se prosternèrent à grande hâte devant l’effigie du dieu qu’ils adoraient. Cependant l’Âne, qui s’attribuait ces honneurs, marchait en se carrant, d’un pas grave, levait la tête et dressait ses oreilles tant qu’il pouvait. Quelqu’un s’en aperçut, et lui cria: – Maître Baudet, qui croyez ici mériter nos hommages, attendez qu’on vous ait déchargé de l’Idole que vous portez, et le bâton vous fera connaître si c’est vous ou lui que nous honorons. -

Des Loups et des Brebis.

Un jour les Loups dirent aux Brebis: – Amies, en vérité nous ne saurions concevoir comment vous pouvez supporter les mauvais traitements que vos Chiens vous font à chaque moment. De bonne foi, à quoi vous servent ces brutaux à la queue de votre troupeau? À vous gêner continuellement, le plus souvent à vous mordre, et à vous faire mille violences. Croyez-nous, débarrassez-vous en, et sur l’heure, car enfin, que craignez-vous? n’êtes-vous pas assez fortes pour vous défendre seules contre quiconque voudrait vous nuire! – Sur ses discours les Brebis se crurent en effet fort redoutables, et dans cette pensée, l’on courut aussitôt congédier les Chiens; mais on ne tarda guère à s’en repentir. Les Loups n’eurent pas plutôt vu les Chiens éloignés qu’ils se jetèrent sur les Brebis, et les étranglèrent toutes.