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Je rabats et gagne le seconde lourde. Celle-ci conduit à un escadrin. À pic, le monsieur ! Je le gravis et parviens à un vaste appartement occupant toute la surface de la salle de danse.

Des lourdes, encore et toujours… Des lourdes à ouvrir, à fermer… Et le regard éternellement tendu. Les gestes toujours réprimés… Le pétard qu’on sent palpiter sur sa peau !

Le jour où mon battant va prendre sa retraite, on pourra lui amener de la digitaline, je vous l’annonce ! Il l’aura mérité, le pauvre…

Je respire difficilement cet air âcre. Je n’aime pas l’odeur de ce bastringue. Elle est louche. Elle fait mal aux éponges…

Les piaules sont toutes des chambres pour la plupart. Un peu monacal de style : blanchies à la chaux et meublées de lits sommaires… Un lavabo, une chaise, deux porte-manteaux et envoyez l’Aga Khan, son appartement est prêt !

Elles offrent au moins l’avantage d’être sans complication. D’un regard on les inventorie…

Je pénètre dans chacune d’elles et je vois des fringues, tantôt d’hommes, tantôt de moukères, accrochées aux patères.

La maison prend des pensionnaires, à ce qu’il paraît…

Je réfléchis sec. Qu’est-ce que la femme qui se payait une piaule princière à l’Arycasa est venue fiche ici ?

Comme changement de style, ça se pose là ! De quoi prendre un chaud et froid qui n’est pas de volaille !

La pièce du fond n’est pas une chambre, mais un bureau… Elle est plus vaste que les autres. Un grand meuble métallique en occupe le centre. Il y a aussi un classeur et des fauteuils pivotants.

Ce changement de style me surprend. Ça fait bureau d’homme d’affaires… Pour serrer les factures d’un infâme bouiboui c’est trop bath !

J’ouvre le tiroir central du burlingue… Il est vide… Ça, c’est troublant… Les autres tiroirs sont pleins de vide aussi, si l’on excepte quelques ramettes de papier à écrire et des morceaux de crayon…

Je donne un coup de sabord au classeur. Il n’a jamais rien classé du tout !

Ces meubles sont là au bidon… La pièce a l’air d’un bureau mais c’est une simple pièce pour recevoir des gnaces.

Je m’apprête à virer de bord lorsque j’entends un bruit de pas dans l’escalier.

Un type arrive en fredonnant un vieux machin d’avant-guerre qui a fait les beaux soirs de Tino Rossi !

CHAPITRE XVI

Mon premier mouvement consiste à sortir mon pétard, mais je me dis que c’est un peu prématuré. L’essentiel étant de l’avoir à portée de la main… Je jette un regard aussi rapide que désespéré autour de moi et j’avise un fauteuil Pullman dans un angle de la pièce. Je peux me planquer derrière et voir venir…

Je me précipite, le temps de m’acagnarder contre le mur à l’abri du meuble et j’entends une clé fourgonner dans la serrure.

Il était moins une, je vous l’annonce. L’arrivant donne la lumière et une clarté crue éclate dans la carrée. Je m’aperçois alors que ce bureau ne comporte pas de fenêtre… C’est un endroit très secret…

Accroupi derrière le fauteuil je n’en mène pas large. C’est une position inconfortable pour voir venir l’existence… En cas de coups durs, on se fait repasser comme un futal de marié.

Le mec qui vient de s’annoncer dans le secteur décroche le bigophone, compose un numéro et se met à jacter à toute vibure. Sitôt qu’il a balanstiqué sa salive, il raccroche…

Je suis ses gestes grâce à son ombre qui se projette contre le mur. Je le vois s’agenouiller derrière son burlingue… Je me dis qu’il a découvert ma présence et que ça va tourner au caca avant longtemps… Je vous parie un extrait de naissance contre un extrait de café qu’il est en train de défourailler. Il va vaser de la praloche fourrée d’ici une paire de secondes. C’est emmouscaillant parce qu’un capitonnage de fauteuil intercepte la lumière mais pas les balles. Je me fais tout petit, tout petit, ce qui est un exploit difficile lorsqu’on pèse cent quatre-vingts livres…

Mais rien ne vient. Mon gnace demeure accroupi. J’entends un bruit curieux, pareil à celui que fait en se déplaçant une chose lourde montée sur un roulement à billes.

Mort de curiosité, je risque un petit coup de périscope de côté. Ce que je vois me sidère. Le type a fait glisser son classeur métallique sur le plancher et, ce faisant, il a dégagé une large et profonde niche creusée dans le mur.

Là-dedans, se trouve un poste émetteur de radio… Du coup, je pige pourquoi cette pièce a l’aspect d’un honnête burlingue d’homme d’affaires. C’est uniquement pour cacher la merde au chat !

Le type, vu de dos, se présente comme un bonhomme grand et trapu. Il est brun, calamistré, et loqué avec une élégance surannée.

Il coiffe un écouteur, tourne des boutons… Un léger zonzonnement se fait entendre. Alors, il se met à manipuler le système émetteur avec une dextérité qui lui fait honneur et qui lui vaudrait un engagement immédiat dans la marine marchande.

Moi, je ne moufte toujours pas… J’attends… J’espère toutefois qu’il ne va pas raconter sa vie en morse… Ce serait dommage pour mes malheureux membres qui commencent à s’ankyloser vachement !

J’ai notamment la quille droite bouffée par les fourmis… C’est affreux…

Profitant de ce qu’il a les portugaises obstruées, je modifie un tantinet ma position. Un léger craquement, dû au fauteuil, se produit. Je retiens ma respiration, comme si un silence total pouvait compenser un bruit. Mais le sans-filiste n’a rien entendu.

Il continue de tapoter sur son émetteur…

Et puis, comme dirait le gros Béru : ça se corse encore (sous-préfecture Bastia)… On cogne à la lourde. Le zig de la radio pose une question, on lui fournit une réponse, valable sans doute car il dit un seul mot et entre le fauteuil et le mur je vois entrer trois zigs dans la carrée. Ils relourdent et se dispersent dans les fauteuils tandis que l’autre achève son émission sur ondes courtes. Personne ne pipe mot. Un gros gorille c’est abattu dans le fauteuil qui me masque et a failli m’écraser contre le mur. Ce sagouin pue la brillantine de bazar… C’est une odeur huilée, pénible…

Enfin le technicien pose ses écouteurs et remise sa panoplie de petit-sans-filiste. Il s’assied au bureau, écrit hâtivement sur l’une des feuilles de papier blanc garnissant un tiroir et se dresse. Il fait craquer ses articulations.

On parle ferme, avec animation, je vous en réponds. Ou je me cloque le finger in the eye où il est question de Bérurier. Je n’entrave pas l’espago, mais à la façon dont ces braves gens bavochent le mot « francese », à tout bout de champ, je comprends que la disparition de mon pote est à l’ordre du jour…

Cette fois, j’ai l’impression que j’ai paumé ma flûte droite. On me la fait dissoudre dans de la soude caustique… C’est pas possible autrement ! Et pourtant non, elle est là, sous moi, mais je ne la sens plus ! Quand je vais me relever, ça va être joyce, je vous promets…

Pourvu que ces pieds nickelés ne tiennent pas un conseil de famille ! Supposons que leurs pourparlers durent autant qu’une conférence internationale, vous mordez d’ici le topo ? Le mec San-Antonio bouffé par les fourmis derrière un fauteuil ! Bath tableautin pour décorer les murs du musée de l’Homme !

Le gros pas beau qui occupe « mon » siège à la parole. Il sort soudain de sa fouille un larfouillet et le compulse. Voilà qu’un papier s’en échappe tombe sur le parquet. Je zieute : c’est le permis de conduire de Bérurier. Une photo d’identité du Gros figure sur la carte rouge. Là-dessus, il a trente berges de moins et il est presque désirable… pour une guenon en chaleur. Il me regarde d’un œil décoloré. Le type qui lui a chouravé son porte-lasagne se baisse pour ramasser la carte. Ses doigts boudinés sont maladroits. Au lieu de saisir le bout de carton, il le chasse sous le fauteuil. Alors c’est la grosse tuile creuse. Cet endoffé de première classe se lève et pousse le fauteuil afin de ramasser le carton. Il m’aperçoit et ses yeux s’exorbitent comme s’il venait de découvrir un serpent à lunettes dans son futal.