Выбрать главу

Il est drôle, ce petit vieux bedonnant. De tous les présents, le seul dont il aurait pu venir à bout était madame Kléber, et

encore, à cause de son état. Une image séduisante surgit dans mon esprit : le commissaire, cramoisi, culbutait la jeune sorcière et l'étranglait entre ses doigts boudinés et velus, tandis que madame Kléber suffoquait, les yeux exorbités, son odieuse langue pendante.

" Darling, lam scared ' ! " piailla la femme du docteur d'une voix flûtée en se tournant vers son époux. Il lui caressa l'épaule en un geste rassurant.

Une intéressante question fut alors posée par le monstrueux M.-S.-san aux cheveux rougeoyants (son nom est trop long pour l'écrire en entier) : " Professeur, décrivez-nous plus en détail le foulard. Un oiseau avec un trou à la place de l'oil, un triangle, ça d'accord. Mais a-t-il une autre particularité ? "

1 Chéri, j'ai peur !

OJ

II faut dire que ce curieux monsieur prend part à la discussion collective presque aussi rarement que moi. Mais lorsqu'il dit quelque chose, c'est, à l'instar de l'auteur de ces lignes, toujours à bon escient. La soudaineté et l'opportunité de sa question en parurent d'autant plus remarquables.

Sweetchild-sensei : " Pour autant que je me souvienne, à part le trou et sa forme originale, ce tissu n'a rien de particulier. Il est de la taille d'un grand éventail, à cela près que l'on pourrait aisément le cacher dans un dé à coudre. A Brahmapur, ce genre de tissu d'une extrême finesse n'est pas une rareté. "

" Donc, la clé est à rechercher dans l'oil de l'oiseau et dans la forme triangulaire ", résuma Fandorine-san avec une admirable assurance.

Il était réellement magnifique.

Plus je pense à son triomphe et à toute cette histoire en général, plus fort est mon coupable désir de leur prouver à tous que Gintaro Aono est bon à quelque chose. Moi aussi j'ai de quoi les étonner. Je pourrais, par exemple, raconter quelque chose d'intéressant au commissaire Gauche à propos de l'incident d'hier, avec le sauvage à la peau noire. A ce propos, le sage Fandorine-san a reconnu que tout ne lui paraissait pas clair dans cette affaire. Et alors que tout n'est pas clair pour lui, voilà tout à coup que ce " sauvage de Japonais " trouve le mot de l'énigme. Ce pourrait être intéressant, non ?

Hier, désorienté par l'injure, j'ai momentanément perdu tout bon sens. Puis, une fois calmé, j'ai commencé à confronter les différents éléments, à supputer et, dans mon esprit, a pris forme tout un schéma logique que j'ai bien l'intention de soumet-

tre au policier. Qu'il en tire lui-même les conclusions. Et voici ce que je dirai au commissaire.

Tout d'abord je lui rappellerai la grossièreté proférée par madame Kléber à mon encontre. Sa remarque était extrêmement injurieuse, et d'autant plus que faite en public. Et elle a été prononcée au moment précis où je voulais faire part de mes observations. Madame Kléber n'avait-elle pas déjà en tête de me clouer le bec ? N'est-ce pas suspect, monsieur le commissaire ?

Poursuivons. Pourquoi joue-t-elle les faibles femmes alors qu'elle est aussi vigoureuse qu'un combattant de sumo ? Vous me direz que c'est une bagatelle, un détail sans importance. Eh bien, moi, je vous répondrai, monsieur le policier, qu'un individu qui feint en permanence a forcément quelque chose à cacher. Il suffit de prendre mon cas. (Ha, ha. Ça, évidemment, je n'irai pas le dire.)

Ensuite j'attirerai l'attention du commissaire sur le fait que les Européennes ont une peau blanche, très fine. Pourquoi les puissants doigts du nègre n'y ont-ils pas laissé la moindre marque? N'est-ce pas étrange ?

Et, pour finir, lorsque le policier conclura que je n'ai rien d'autre à faire valoir que les suppositions oiseuses d'un Asiate à l'esprit vindicatif, je sortirai ma carte maîtresse, une information qui fera instantanément tressaillir monsieur le commissaire.

" Monsieur Gauche, lui dirai-je avec un sourire poli, je ne possède pas votre brillant esprit et n'essaie pas de m'immiscer dans l'enquête (comment oserais-je, pauvre ignare que je suis ?), mais je considère de mon devoir d'attirer votre attention sur un autre fait. Vous dites vous-même que l'assassin de la rue de Grenelle se trouve parmi

OJ

nous. Monsieur Fandorine a exposé une hypothèse convaincante quant à la manière dont ont été supprimés les serviteurs de lord Littleby. Le vaccin contre le choléra est une ruse remarquable. L'assassin sait donc bien se servir d'une seringue. Et si ce n'était pas un médecin qui s'était présenté à l'hôtel particulier de la rue de Grenelle, mais une femme, une infirmière ? Elle aurait, moins encore qu'un homme, éveillé la méfiance, pas vrai ? Vous êtes d'accord avec moi ? Dans ce cas je vous conseille, comme si de rien n'était, de jeter un coup d'oil au bras de madame Kléber, à un moment où elle est assise, sa petite tête de vipère appuyée sur sa main et sa large manche retombant jusqu'au coude. A la saignée de son bras vous verrez les petits points à peine visibles que j'ai moi-même aperçus. Ce sont des marques de piqûres, monsieur le commissaire. Demandez au

docteur Truffo s'il fait des injections quelconques à madame Kléber, et le respectable médecin vous répondra ce qu'il m'a répondu à moi-même aujourd'hui : non, il ne lui en fait pas, car il est par principe opposé à l'administration de médicaments par voie intraveineuse. Et maintenant additionnez deux et deux, ô sage Gauche-sensei, et vous aurez matière à casser votre tête chenue. " Voilà ce que je dirai au commissaire, et il n'aura plus qu'à s'occuper sérieusement de madame Kléber.

Un chevalier européen en déduirait que je me conduis de façon ignoble et, en cela, il montrerait ses limites. C'est bien pour cela qu'il n'y a plus de chevaliers en Europe alors que les samouraïs existent toujours. Peu importe que le souverain notre empereur ait nivelé les classes et nous ait interdit le port des deux sabres à la ceinture, cela ne signifie pas pour autant la suppression du

U)

oo

titre de samouraï mais, au contraire, l'accession, à la classe des samouraïs, de toute la nation japonaise, afin que nous ne puissions nous prévaloir les uns face aux autres de notre ascendance. Nous ne faisons plus qu'un, avec, face à nous, le reste du monde. O, noble chevalier européen (qui sans doute n'existe que dans les romans) ! Pour combattre les hommes, use d'une arme d'homme, mais pour combattre les femmes, emploie une arme de femme. Tel est le code d'honneur des samouraïs ; il ne comporte rien de méprisable, car les femmes savent se battre aussi bien que les hommes. Ce qui contredit l'honneur du samouraï, c'est de recourir contre les femmes à une arme d'homme et contre les hommes à une arme de femme. Ce à quoi je ne m'abaisserai jamais.

J'hésite encore en me demandant si cela vaut la peine d'entreprendre la manouvre

envisagée, mais mon humeur est incomparablement meilleure qu'hier. A tel point que, sans difficulté, je viens de composer ce haïku pas mauvais du tout :

Sur la lame d'acier

Telle une étincelle de glace

La lune s'est enflammée.

VO

' O O T3

P"1 P"1 O

(!) (T> C/3

3

g

P p t-' <"*) . -. t?" M VV >~* . p ;p C/3 P

r~*' o CD H*T £-*-. O Ç^ £r rj £j P CD M*

p. S ^ £ S $ ^ -° ~ 3 f* 55- 8 P ^

RHwCi^rtÇ^^^pcijiystT-i (yj g

CD P

2. -s ^ !-.

^ "-1 O oo

^2 ^. P _

Y' s- n> Li a "

-. 5 a HT ? P-

CD CD

r-f

(D

P rj O h-l

CD r*** ^

CT)\ M S (D

i-f )-? r-t- K-'

P fD 2. a

^ S'S

3 £-^w o'-a

sarsfis

g-

<

CD^

c

(D

O

CD

^

5

CE"

g S

tu

C^ FrT Hj C/J (^j^

^ > g? 3' | T "| |.