- Merci pour le cours magistral, ironisa Gauche en s'inclinant. Et c'est aussi la honte qui a amené votre client à essayer d'échapper à ses gardes ?
- That's thé point1, approuva Jackson, repassant du camp des ennemis à celui des alliés. The yellow bastard almost broke my wrist2.
1. Voilà le hic.
2. Ce sale jaune a failli me casser le poignet.
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- De nouveau vous tombez juste, c-commis-saire. Il n'avait aucune chance de s'enfuir du bateau, et d'ailleurs pour aller où ? Jugeant sa situation désespérée et ne p-prévoyant que de nouvelles humiliations, mon client (puisqu'il vous plaît de l'appeler ainsi) voulait sans doute aller s'enfermer dans sa cabine et en finir avec la vie selon le rituel des samouraïs. N'est-ce pas, monsieur Aono ? demanda Fandorine, s'adressant directement au Japonais pour la première fois. Celui-ci ne répondit pas, mais baissa la tête.
- Une déception vous aurait attendu, lui dit le diplomate d'une voix douce. Sans doute cela vous a-t-il échappé : votre p-poignard rituel vous a été confisqué par la police au cours de la perquisition. - Ah oui, vous voulez parler de... comment dit-on déjà ? Hirakira, harikari, fit Gauche souriant dans ses moustaches, l'air moqueur. C'est de la blague, je ne peux pas croire qu'un homme puisse tout seul s'ouvrir le ventre. Ce sont des sornettes. Tant qu'à précipiter le grand voyage, mieux vaut se fracasser la caboche contre un mur. Mais là-dessus non plus je n'irai pas discuter avec vous. Cela étant, j'ai une preuve qui n'admet aucune discussion : l'absence du scalpel parmi les instruments chirurgicaux. Qu'est-ce que vous avez à dire à ça ? Que le véritable assassin a chipé son scalpel à votre client, avec l'idée de commettre un meurtre et de faire porter le chapeau à Aono ? Ça ne tient pas debout ! Comment l'assassin aurait-il pu savoir que le professeur avait l'intention de nous faire part de sa découverte au cours du déjeuner ? Sweetchild lui-même venait tout juste de comprendre le mystère du foulard. Rappelez-vous sa façon d'entrer en courant dans le salon, complètement ébouriffé.
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- A vrai dire, rien n'est plus f-facile pour moi que d'expliquer l'absence du scalpel. En outre, nous sortons ici du domaine des suppositions pour entrer dans celui des faits concrets. Vous vous rappelez qu'après Port-Saïd des objets ont tout à coup commencé à disparaître de façon incompréhensible. Puis la mystérieuse épidémie a cessé aussi b-brusquement qu'elle avait commencé. Et vous savez quand ? Après la mort de notre passager clandestin à la peau noire. J'ai longuement réfléchi : pourquoi et comment s'était-il retrouvé sur le Léviathan ? Eh bien, voici ma réponse. Ce nègre a, selon toute p-probabilité, été ramené du fin fond de l'Afrique par des marchands d'esclaves arabes et conduit par bateau jusqu'à Port-Saïd. Pourquoi je pense cela ? Parce que après avoir échappé à ses maîtres, le nègre ne s'est pas caché n'importe où, mais sur un bateau. M-manifestement, il se disait que, puisqu'un bateau l'avait amené de chez lui, un bateau pourrait le remmener.
- Quel rapport avec notre affaire ? intervint Gauche, n'en pouvant plus. Votre nègre est mort le 5 avril, alors que Sweetchild a été tué hier ! Et puis allez au diable avec vos histoires à dormir debout ! Jackson, emmenez le prévenu !
Alors qu'il se dirigeait résolument vers la sortie, le diplomate attrapa fermement le commissaire par le coude et dit avec une odieuse politesse :
- Cher monsieur Gauche, j'aimerais mener ma d-démonstration à son terme. Patientez encore un tout petit peu, il n'y en a plus pour longtemps.
Gauche voulut se dégager, mais les doigts du blanc-bec le serraient comme un étau. Après avoir tiré brusquement son bras une fois, puis une autre,
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le policier préféra ne pas se ridiculiser et se tourna vers Fandorine.
- D'accord, encore cinq minutes, concéda-t-il du bout des lèvres en fixant haineusement les yeux bleus et sereins de l'impertinent.
- Merci b-beaucoup. Pour anéantir votre dernière preuve, cinq minutes sont amplement suffisantes... Je pensais que le fugitif devait avoir une cachette quelque part. Contrairement à vous, capitaine, je n'ai pas commencé par les cales et les soutes à charbon mais par le p-pont supérieur. En effet, seuls les passagers de première classe avaient vu " l'homme noir ". On pouvait donc raisonnablement supposer qu'il se cachait quelque part par ici. Et, effectivement, dans le troisième des canots situés à t-tribord, j'ai trouvé ce que je cherchais : des restes de nourriture et un baluchon, dans lequel se trouvaient des chiffons de couleurs vives, un rang de perles et divers autres objets brillants : un miroir, un sextant, un pince-nez et, notamment, un grand scalpel.
- Pourquoi devrais-je vous croire ? rugit
Gauche.
L'enquête était en train d'être réduite en poussière sous ses yeux.
- Parce que je n'ai aucun intérêt à dire cela et que je suis p-prêt à réitérer mes déclarations sous serment. Vous m'autorisez à continuer ? dit le Russe avec son écourant petit sourire. Merci. De toute évidence, le pauvre nègre se distinguait par un esprit de sage économie et ne comptait pas rentrer chez lui les mains vides.
- Stop, stop ! intervint Reynier en fronçant les sourcils. Mais pourquoi donc, monsieur Fando-
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rine, n'avez-vous pas fait part de votre découverte au capitaine ? De quel droit l'avez-vous cachée ?
- Je ne l'ai pas cachée. J'ai laissé le b-baluchon là où il était. Mais lorsque je suis revenu au canot quelques heures plus tard, alors que les recherches avaient pris fin, je ne l'ai plus retrouvé. J'étais p-persuadé que vos marins étaient tombés dessus. En fait, il est clair maintenant que vous avez été devancé par l'assassin du professeur, lequel s'est emparé de tous les trophées du nègre, y compris le scalpel de monsieur Aono. Il est p-probable que le criminel envisageait l'éventualité de... mesures extrêmes et, à tout hasard, gardait sur lui le scalpel, afin d'engager l'enquête sur une fausse voie. Dites-nous, monsieur Aono, vous a-t-on volé un scalpel ?
Le Japonais tarda à répondre, puis finit par acquiescer d'un signe de tête.
- Mais vous n'en avez rien dit parce qu'un officier de l'armée impériale n'avait aucune raison de p-posséder un scalpel, n'est-ce pas ?
- Le sextant est à moi ! déclara le baronet. Je pensais que... d'ailleurs, peu importe. C'était donc ce sauvage qui l'avait volé. Messieurs, si quelqu'un a la tête défoncée avec mon sextant, sachez que je n'y serai pour rien.
C'était le fiasco le plus complet. Gauche, désemparé, jeta un regard en biais à Jackson.
- Très désolé, commissaire, mais vous devoir continuer votre voyage, dit l'inspecteur en français, en tordant ses lèvres fines avec commisération. My apologies, Mr Aono. Ifyou just strech your hands... Thank y ou '.
1. Mes excuses, mister Aono. Tendez vos mains, s'il vous plaît... Merci.
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Les menottes émirent un grincement plaintif. Au milieu du silence qui s'ensuivit, retentit brusquement la voix sonore et affolée de Renata
Kléber : - Permettez, messieurs, mais alors qui est donc
l'assassin ?
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