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(4 pages dactylographiées)

Le dimanche 21 décembre 1941, le conseiller aux Affaires juives du ministère de l’Intérieur, le Dr Bernhard Losener, a grandement insisté pour me voir en privé. Le Dr Losener est arrivé à mon domicile dans un état d’extrême agitation. Il m’a informé que son subordonné, le conseiller adjoint aux Affaires raciales Dr Werner Feldscher, avait entendu dire « de source entièrement digne de foi, un ami », que les mille Juifs récemment évacués de Berlin avaient été exécutés dans la forêt de Rumbuli en Pologne. Il m’a en outre informé que le sentiment d’intense indignation qu’il éprouvait ne lui permettait plus d’assurer ses fonctions actuelles au ministère ; qu’il demandait par conséquent un transfert et d’autres tâches. J’ai répondu que je demanderais des éclaircissements sur cette affaire.

Le lendemain, à ma demande, j’ai rendu visite à l’Obergruppenführer Reinhard Heydrich, à son bureau de la Prinz-Albrecht-Strasse. L’Obergruppenführer a confirmé la véracité de l’information du Dr Feldscher et m’a pressé de découvrir sa source, de telles entorses à la sécurité ne pouvant selon lui être tolérées. Il a ensuite fait sortir son officier d’ordonnance et a déclaré qu’il souhaitait m’entretenir à titre privé.

Il m’a informé qu’en juillet, il avait été convoqué au QG du führer en Prusse-Orientale. Le Führer lui avait parlé sans détour en ces termes : Il avait décidé la solution complète et finale de la question juive. Le moment était venu. Il ne pouvait miser sur ses successeurs, qui n’auraient pas obligatoirement la volonté qui était la sienne ou les moyens militaires dont il disposait en l’état présent. Les conséquences de cette décision ne l’effrayaient nullement. Nos contemporains révèrent la Révolution française, mais qui se souvient des milliers d’innocents qui l’avaient payée de leur vie ? Les temps révolutionnaires sont régis par leurs propres lois. Après la victoire de l’Allemagne, personne ne poserait de questions sur la manière dont elle aurait été acquise. Et si, dans cette lutte à mort, l’Allemagne devait avoir le dessous, au moins ceux qui avaient espéré bénéficier de la défaite du national-socialisme seraient anéantis. Il était nécessaire d’extirper le support biologique du judaïsme, une fois pour toutes. Faute de quoi, le problème resurgirait pour empoisonner la vie des nouvelles générations. C’était la leçon de l’Histoire.

L’Obergruppenführer Heydrich m’a également affirmé que les pouvoirs nécessaires le mettant en mesure d’exécuter cet ordre du Führer lui avaient été accordés par le Reichsmarschall Goering le 31.7.41. Ces questions seraient discutées à la conférence interministérielle qui devait se réunir. Il insista pour que, d’ici là, j’utilise tous les moyens qui me paraîtraient adéquats pour découvrir l’identité de la source du Dr Feldscher. Cette matière relevait du degré de sécurité maximal.

Sur ce, j’ai suggéré qu’étant donné la gravité de la question et de ses conséquences, il serait opportun d’un point de vue juridique de disposer d’un ordre écrit du Führer. L’Obergruppenführer Heydrich a déclaré qu’une telle procédure n’était pas envisageable, en raison de considérations politiques, mais que si j’émettais des réserves, je n’avais qu’à les soumettre au Führer en personne. L’Obergruppenführer Heydrich a conclu notre entretien par une note enjouée, en me faisant remarquer que nous n’avions ni l’un ni l’autre à nous tracasser pour des questions de droit, vu que j’étais le premier maître d’œuvre juridique du Reich, et lui le premier policier.

Je jure que cela est le compte rendu exact de notre conversation, basé sur des notes rédigées par moi-même ce soir-là.

Signé, Wilhelm Stuckart (avoué)
Daté 4 juin 1942
Témoin, Josef Bühler (avoué)

5

Le jour déclinait sur la ville. Le soleil avait disparu derrière le Grand Dôme, auréolant d’or la coupole comme celle d’une mosquée géante. Dans un bourdonnement puissant, les projecteurs s’allumèrent tout le long de l’avenue de la Victoire et de l’axe Est-Ouest. Les foules de l’après-midi se dispersaient, pour se reformer en longues files devant les cinémas ou se regrouper dans les restaurants et les brasseries. Dans le ciel du Tiergarten, perdu dans l’obscurité, un dirigeable ronronnait.

Ministère des Affaires étrangères du Reich

Secret d’État

Dépêche de l’ambassadeur allemand à Londres, Herbert von Dirksen

Compte rendu de conversations avec l’ambassadeur Joseph P. Kennedy, ambassadeur des États-Unis en Grande-Bretagne

(Extraits ; deux pages, imprimées)

Reçu Berlin (13 juin) 1938

Bien qu’il ne connût pas l’Allemagne (l’ambassadeur Kennedy) savait de sources très diverses que l’actuel gouvernement accomplissait de grandes choses pour l’Allemagne, que les Allemands étaient satisfaits et qu’ils bénéficiaient de bonnes conditions de vie.

L’ambassadeur a ensuite évoqué la question juive, soulignant qu’elle était naturellement de grande importance pour les relations germano-américaines. Dans ce contexte, ce n’était pas tellement le fait que nous voulions nous débarrasser des Juifs qui nous était préjudiciable, mais plutôt le bruit et les clameurs dont nous entourions ce projet. Lui-même comprenait complètement notre politique juive ; il est originaire de Boston et dans cette ville, dans un club de golf comme dans d’autres associations, aucun Juif n’est et n’a été admis depuis cinquante ans.

Reçu Berlin 18 octobre 1938

Aujourd’hui également, comme lors de conversations précédentes, Kennedy a mentionné que de très fortes tendances antisémites existaient aux États-Unis et qu’une fraction importante de la population comprenait l’attitude allemande à l’égard des Juifs… D’après sa personnalité, je crois qu’il s’entendrait très bien avec le führer.

« Seuls, on n’y arrivera jamais.

— Il le faut.

— Je t’en prie. Laisse-moi les porter à l’ambassade. Ils les sortiraient par la valise diplomatique.

— Non !

— Tu ne peux pas être absolument sûr qu’il nous a trahi…

— Qui d’autre ? Et lis ceci. Tu crois vraiment que des diplomates américains seront disposés à se mouiller ?

— Mais si on nous trouve avec ça… C’est notre arrêt de mort.

— J’ai un plan.

— Un bon ?

— J’espère. »

Direction centrale de construction, Auschwitz, à Société allemande d’Équipement, Auschwitz/H.S. 31 mars 1943

Votre lettre du 24.3.43, n° 6056-43

(Extrait)

En réponse à votre lettre, les trois tours-conduits étanches au gaz devront être fabriquées conformément à la commande du 18.1.43, pour les Bw 30b et 30c, en conformité précise avec les dimensions et les caractéristiques des tours-conduits livrées jusqu’ici.