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— Il était gonflé, chapeau !

Formide ! Ça c’est un exploit dans l’arnaque, vous ne trouvez pas ? C’est la première fois, à ma connaissance, qu’un voleur fait chanter sa victime en lui tenant comme langage le raisonnement suivant : « Si tu ne paies pas, je dis que je t’ai volé ! »

— Ce garçon était prêt à tout, poursuit le notaire. « Je n’ai absolument rien à perdre », affirmait-il. « Si vous ne payez pas, je fais des aveux complets, pas à la police directement, mais aux compagnies d’assurances ; et vous serez inculpé d’escroquerie, radié de l’ordre, déshonoré. »

« Je me suis affolé, continue l’homme de loi (qui chez lui joue au jeu de l’oie). Je lui ai promis de lui apporter de l’argent ici le lendemain…

— Et vous êtes venu avec des bijoux, fais-je. Vous avez-prétendu ne pas posséder de liquide.

— Comment le savez-vous ?

— Je le sais. Votre calcul était superbe : vous achetiez son silence avec des objets volés, puisque vous aviez déclaré la disparition, entre autres, des bijoux en question. Ainsi vous vous protégiez contre ses futurs aveux. Dauvers étant en possession d’une petite fortune en bijoux à vous, qui donc aurait attaché un quelconque crédit à ses déclarations !

Cette fois, le silence du notaire est une réponse.

— Pourquoi les choses se sont-elles gâtées ?

— Il a pris les bijoux. Il semblait d’accord. Et puis il a reçu une visite. Au retour il semblait changé. Il était pâle et n’avait plus les bijoux. Il m’a dit : « Je dois filer, mais comme je ne peux pas monnayer encore votre bimbeloterie, vous allez me donner trois millions en liquide ; je vous accompagne jusqu’à votre étude…

— Alors vous avez pris peur et l’avez frappé ?

— Oui.

— Ensuite, le jugeant mort, vous avez repensé au conduit et vous avez entrepris d’aimables travaux de maçonnerie peu en rapport avec votre profession libérale, plaisanté-je… Voyez-vous, Larnacq, je vais vous faire un aveu, moi aussi ; si, tenaillé par la crainte, vous n’étiez pas venu tout à l’heure renifler ce qui se passait, il est probable que votre crime serait resté impuni…

— Tandis qu’il va l’être ! déclare Bérurier.

Altier, le Gros, ôte sa veste et défait sa ceinture. Illico, son pantalon lui tombe aux talons, mais il n’en a cure. Béru et l’élémentaire pudeur des masses, ça fait deux ! Il assure la boucle de la lanière de cuir dans sa main, fait décrire un tour mort à la ceinture autour de ses doigts et, aussi superbe qu’un dompteur de cirque acclamé par les foules, il claque son fouet improvisé contre le coin d’un meuble.

— Qu’est-ce que vous allez faire ? halète le notaire.

— Qu’est-ce que tu vas faire ? demandé-je.

— Tu le sais très bien, dit Bérurier. Ce Dauvers a beau être une ordure, j’oublie pas son martyre au fond du trou. Je peux pas admettre. Dans le fond, je suis content que ma mère ait accouché d’un garçon. Ça me permet de régler mes comptes. Je t’ai annoncé que quand on piquerait le sagouin qu’a emmuré le revenant, j’y ferais sa fête. Je vais donc la lui faire. Si on se tenait pas parole à soi-même, San-A., à qui t’est-ce qu’on la tiendrait ! Faut être logique !

Je ne réponds pas, mais je sors discrètement afin d’aller raconter tout ça à ma brave Félicie.

Et puis, la séance que va entreprendre le Gros n’a pas besoin de témoin, hein ?

Faut être logique !

FIN