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Où nagent dans la nuit l’horreur et le blasphème;

Un soleil sans chaleur plane au-dessus six mois,

Et les six autres mois la nuit couvre la terre;

C’est un pays plus nu que la terre polaire;

– Ni bêtes, ni ruisseaux, ni verdure, ni bois!

Or il n’est pas d’horreur au monde qui surpasse

La froide cruauté de ce soleil de glace

Et cette immense nuit semblable au vieux Chaos;

Je jalouse le sort des plus vils animaux

Qui peuvent se plonger dans un sommeil stupide.

Tant l’écheveau du temps lentement se dévide!

XXXI. – Le vampire

Toi qui, comme un coup de couteau,

Dans mon cœur plaintif es entrée;

Toi qui, forte comme un troupeau

De démons, vins, folle et parée,

De mon esprit humilié

Faire ton lit et ton domaine;

– Infâme à qui je suis lié

Comme le forçat à la chaîne,

Comme au jeu le joueur têtu,

Comme à la bouteille l’ivrogne,

Comme aux vermines la charogne,

– Maudite, maudite sois-tu!

J’ai prié le glaive rapide

De conquérir ma liberté,

Et j’ai dit au poison perfide

De secourir ma lâcheté.

Hélas! le poison et le glaive

M’ont pris en dédain et m’ont dit:

«Tu n’es pas digne qu’on t’enlève

À ton esclavage maudit,

Imbécile! – de son empire

Si nos efforts te délivraient,

Tes baisers ressusciteraient

Le cadavre de ton vampire!»

XXXII

Une nuit que j’étais près d’une affreuse Juive,

Comme au long d’un cadavre un cadavre étendu,

Je me pris à songer près de ce corps vendu

À la triste beauté dont mon désir se prive.

Je me représentai sa majesté native,

Son regard de vigueur et de grâces armé,

Ses cheveux qui lui font un casque parfumé,

Et dont le souvenir pour l’amour me ravive.

Car j’eusse avec ferveur baisé ton noble corps,

Et depuis tes pieds frais jusqu’à tes noires tresses

Déroulé le trésor des profondes caresses,

Si, quelque soir, d’un pleur obtenu sans effort

Tu pouvais seulement, ô reine des cruelles!

Obscurcir la splendeur de tes froides prunelles.

XXXIII. – Remords posthume

Lorsque tu dormiras, ma belle ténébreuse,

Au fond d’un monument construit en marbre noir,

Et lorsque tu n’auras pour alcôve et manoir

Qu’un caveau pluvieux et qu’une fosse creuse;

Quand la pierre, opprimant ta poitrine peureuse

Et tes flancs qu’assouplit un charmant nonchaloir,

Empêchera ton cœur de battre et de vouloir,

Et tes pieds de courir leur course aventureuse,

Le tombeau, confident de mon rêve infini

(Car le tombeau toujours comprendra le poète),

Durant ces grandes nuits d’où le somme est banni,