Выбрать главу

Ailleurs qu’en ton cher corps et qu’en ton cœur si doux?

Je sais l’art d’évoquer les minutes heureuses!

Ces serments, ces parfums, ces baisers infinis,

Renaîtront-ils d’un gouffre interdit à nos sondes,

Comme montent au ciel les soleils rajeunis

Après s’être lavés au fond des mers profondes?

– Ô serments! ô parfums! ô baisers infinis!

XXXVII. – Le possédé

Le soleil s’est couvert d’un crêpe. Comme lui,

Ô Lune de ma vie! emmitoufle-toi d’ombre;

Dors ou fume à ton gré; sois muette, sois sombre,

Et plonge tout entière au gouffre de l’Ennui;

Je t’aime ainsi! Pourtant, si tu veux aujourd’hui,

Comme un astre éclipsé qui sort de la pénombre,

Te pavaner aux lieux que la Folie encombre,

C’est bien! Charmant poignard, jaillis de ton étui!

Allume ta prunelle à la flamme des lustres!

Allume le désir dans les regards des rustres!

Tout de toi m’est plaisir, morbide ou pétulant;

Sois ce que tu voudras, nuit noire, rouge aurore;

Il n’est pas une fibre en tout mon corps tremblant

Qui ne crie: Ô mon cher Belzébuth, je t’adore!

XXXVIII. – Un fantôme

I

Les ténèbres

Dans les caveaux d’insondable tristesse

Où le Destin m’a déjà relégué;

Où jamais n’entre un rayon rose et gai;

Où, seul avec la Nuit, maussade hôtesse,

Je suis comme un peintre qu’un Dieu moqueur

Condamne à peindre, hélas! sur les ténèbres;

Où, cuisinier aux appétits funèbres,

Je fais bouillir et je mange mon cœur,

Par instants brille, et s’allonge, et s’étale

Un spectre fait de grâce et de splendeur.

À sa rêveuse allure orientale,

Quand il atteint sa totale grandeur,

Je reconnais ma belle visiteuse:

C’est Elle! noire et pourtant lumineuse.

II

Le parfum

Lecteur, as-tu quelquefois respiré

Avec ivresse et lente gourmandise

Ce grain d’encens qui remplit une église,

Ou d’un sachet le musc invétéré?

Charme profond, magique, dont nous grise

Dans le présent le passé restauré!

Ainsi l’amant sur un corps adoré

Du souvenir cueille la fleur exquise.

De ses cheveux élastiques et lourds,

Vivant sachet, encensoir de l’alcôve,

Une senteur montait, sauvage et fauve,

Et des habits, mousseline ou velours,

Tout imprégnés de sa jeunesse pure,

Se dégageait un parfum de fourrure.

III

Le cadre

Comme un beau cadre ajoute à la peinture,

Bien qu’elle soit d’un pinceau très vanté,

Je ne sais quoi d’étrange et d’enchanté

En l’isolant de l’immense nature,