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Moulus par le travail et tourmentés par l’âge,

Éreintés et pliant sous un tas de débris,

Vomissement confus de l’énorme Paris,

Reviennent, parfumés d’une odeur de futailles,

Suivis de compagnons, blanchis dans les batailles,

Dont la moustache pend comme les vieux drapeaux.

Les bannières, les fleurs et les arcs triomphaux

Se dressent devant eux, solennelle magie!

Et dans l’étourdissante et lumineuse orgie

Des clairons, du soleil, des cris et du tambour,

Ils apportent la gloire au peuple ivre d’amour!

C’est ainsi qu’à travers l’Humanité frivole

Le vin roule de l’or, éblouissant Pactole;

Par le gosier de l’homme il chante ses exploits

Et règne par ses dons ainsi que les vrais rois.

Pour noyer la rancœur et bercer l’indolence

De tous ces vieux maudits qui meurent en silence,

Dieu, touché de remords, avait fait le sommeil;

L’Homme ajouta le Vin, fils sacré du Soleil!

CVI. – Le vin de l’assassin

Ma femme est morte, je suis libre!

Je puis donc boire tout mon soûl.

Lorsque je rentrais sans un sou,

Ses cris me déchiraient la fibre.

Autant qu’un roi je suis heureux;

L’air est pur, le ciel admirable…

Nous avions un été semblable

Lorsque j’en devins amoureux!

L’horrible soif qui me déchire

Aurait besoin pour s’assouvir

D’autant de vin qu’en peut tenir

Son tombeau; – ce n’est pas peu dire:

Je l’ai jetée au fond d’un puits,

Et j’ai même poussé sur elle

Tous les pavés de la margelle.

– Je l’oublierai si je le puis!

Au nom des serments de tendresse,

Dont rien ne peut nous délier,

Et pour nous réconcilier

Comme au beau temps de notre ivresse,

J’implorai d’elle un rendez-vous,

Le soir, sur une route obscure.

Elle y vint! – folle créature!

Nous sommes tous plus ou moins fous!

Elle était encore jolie,

Quoique bien fatiguée! et moi,

Je l’aimais trop! voilà pourquoi

Je lui dis: Sors de cette vie!

Nul ne peut me comprendre. Un seul

Parmi ces ivrognes stupides

Songea-t-il dans ses nuits morbides

À faire du vin un linceul?

Cette crapule invulnérable

Comme les machines de fer

Jamais, ni l’été ni l’hiver,

N’a connu l’amour véritable,

Avec ses noirs enchantements,

Son cortège infernal d’alarmes,

Ses fioles de poison, ses larmes,

Ses bruits de chaîne et d’ossements!

– Me voilà libre et solitaire!

Je serai ce soir ivre mort;

Alors, sans peur et sans remord,

Je me coucherai sur la terre,

Et je dormirai comme un chien!

Le chariot aux lourdes roues

Chargé de pierres et de boues,

Le wagon enragé peut bien

Écraser ma tête coupable

Ou me couper par le milieu,