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Ô Bacchus, endormeur des remords anciens!

Et d’autres, dont la gorge aime les scapulaires,

Qui, recélant un fouet sous leurs longs vêtements,

Mêlent, dans le bois sombre et les nuits solitaires,

L’écume du plaisir aux larmes des tourments.

Ô vierges, ô démons, ô monstres, ô martyres,

De la réalité grands esprits contempteurs,

Chercheuses d’infini, dévotes et satyres,

Tantôt pleines de cris, tantôt pleines de pleurs,

Vous que dans votre enfer mon âme a poursuivies,

Pauvres sœurs, je vous aime autant que je vous plains,

Pour vos mornes douleurs, vos soifs inassouvies,

Et les urnes d’amour dont vos grands cœurs sont pleins!

CXII. – Les deux bonnes sœurs

La Débauche et la Mort sont deux aimables filles,

Prodigues de baisers et riches de santé,

Dont le flanc toujours vierge et drapé de guenilles

Sous l’éternel labeur n’a jamais enfanté.

Au poète sinistre, ennemi des familles,

Favori de l’enfer, courtisan mal renté,

Tombeaux et lupanars montrent sous leurs charmilles

Un lit que le remords n’a jamais fréquenté.

Et la bière et l’alcôve en blasphèmes fécondes

Nous offrent tour à tour, comme deux bonnes sœurs,

De terribles plaisirs et d’affreuses douceurs.

Quand veux-tu m’enterrer, Débauche aux bras immondes?

Ô Mort, quand viendras-tu, sa rivale en attraits,

Sur ses myrtes infects enter tes noirs cyprès?

CXIII. – La fontaine de sang

Il me semble parfois que mon sang coule à flots,

Ainsi qu’une fontaine aux rythmiques sanglots.

Je l’entends bien qui coule avec un long murmure,

Mais je me tâte en vain pour trouver la blessure.

À travers la cité, comme dans un champ clos,

Il s’en va, transformant les pavés en îlots,

Désaltérant la soif de chaque créature,

Et partout colorant en rouge la nature.

J’ai demandé souvent à des vins captieux

D’endormir pour un jour la terreur qui me mine;

Le vin rend l’œil plus clair et l’oreille plus fine!

J’ai cherché dans l’amour un sommeil oublieux;

Mais l’amour n’est pour moi qu’un matelas d’aiguilles

Fait pour donner à boire à ces cruelles filles!

CXIV. – Allégorie

C’est une femme belle et de riche encolure,

Qui laisse dans son vin traîner sa chevelure.

Les griffes de l’amour, les poisons du tripot,

Tout glisse et tout s’émousse au granit de sa peau.

Elle rit à la Mort et nargue la Débauche,

Ces monstres dont la main, qui toujours gratte et fauche,

Dans ses jeux destructeurs a pourtant respecté

De ce corps ferme et droit la rude majesté.

Elle marche en déesse et repose en sultane;