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Les amants des prostituées

Sont heureux, dispos et repus;

Quant à moi, mes bras sont rompus

Pour avoir étreint des nuées.

C’est grâce aux astres nonpareils,

Qui tout au fond du ciel flamboient,

Que mes yeux consumés ne voient

Que des souvenirs de soleils.

En vain j’ai voulu de l’espace

Trouver la fin et le milieu;

Sous je ne sais quel œil de feu

Je sens mon aile qui se casse;

Et brûlé par l’amour du beau,

Je n’aurai pas l’honneur sublime

De donner mon nom à l’abîme

Qui me servira de tombeau.

XVI. – Le couvercle

En quelque lieu qu’il aille, ou sur mer ou sur terre,

Sous un climat de flamme ou sous un soleil blanc,

Serviteur de Jésus, courtisan de Cythère,

Mendiant ténébreux ou Crésus rutilant,

Citadin, campagnard, vagabond, sédentaire,

Que son petit cerveau soit actif ou soit lent,

Partout l’homme subit la terreur du mystère,

Et ne regarde en haut qu’avec un œil tremblant.

En haut, le Ciel! ce mur de caveau qui l’étouffe,

Plafond illuminé par un opéra bouffe

Où chaque histrion foule un sol ensanglanté;

Terreur du libertin, espoir du fol ermite:

Le Ciel! couvercle noir de la grande marmite

Où bout l’imperceptible et vaste Humanité.

Les Épaves

I. – Le coucher du soleil romantique

Que le soleil est beau quand tout frais il se lève,

Comme une explosion nous lançant son bonjour!

– Bienheureux celui-là qui peut avec amour

Saluer son coucher plus glorieux qu’un rêve!

Je me souviens! J’ai vu tout, fleur, source, sillon,

Se pâmer sous son œil comme un cœur qui palpite…

– Courons vers l’horizon, il est tard, courons vite,

Pour attraper au moins un oblique rayon!

Mais je poursuis en vain le Dieu qui se retire;

L’irrésistible Nuit établit son empire,

Noire, humide, funeste et pleine de frissons;

Une odeur de tombeau dans les ténèbres nage,

Et mon pied peureux froisse, au bord du marécage,

Des crapauds imprévus et de froids limaçons.

II. – Sur le Tasse en prison D’Eugène Delacroix

Le poète au cachot, débraillé, maladif,

Roulant un manuscrit sous son pied convulsif,

Mesure d’un regard que la terreur enflamme

L’escalier de vertige où s’abîme son âme.

Les rires enivrants dont s’emplit la prison

Vers l’étrange et l’absurde invitent sa raison;

Le Doute l’environne, et la Peur ridicule,

Hideuse et multiforme, autour de lui circule.

Ce génie enfermé dans un taudis malsain,

Ces grimaces, ces cris, ces spectres dont l’essaim

Tourbillonne, ameuté derrière son oreille,