D’où semblent couler des ténèbres,
Tes yeux, quoique très noirs, m’inspirent des pensers
Qui ne sont pas du tout funèbres.
Tes yeux, qui sont d’accord avec tes noirs cheveux,
Avec ta crinière élastique,
Tes yeux, languissamment, me disent: «Si tu veux,
Amant de la muse plastique,
Suivre l’espoir qu’en toi nous avons excité,
Et tous les goûts que tu professes,
Tu pourras constater notre véracité
Depuis le nombril jusqu’aux fesses;
Tu trouveras au bout de deux beaux seins bien lourds,
Deux larges médailles de bronze,
Et sous un ventre uni, doux comme du velours,
Bistré comme la peau d’un bonze,
Une riche toison qui, vraiment, est la sœur
De cette énorme chevelure,
Souple et frisée, et qui t’égale en épaisseur,
Nuit sans étoiles, Nuit obscure!»
V. – Le monstre ou Le paranymphe d’une nymphe macabre
I
Tu n’es certes pas, ma très chère,
Ce que Veuillot nomme un tendron.
Le jeu, l’amour, la bonne chère,
Bouillonnent en toi, vieux chaudron!
Tu n’es plus fraîche, ma très chère,
Ma vieille infante! Et cependant
Tes caravanes insensées
T’ont donné ce lustre abondant
Des choses qui sont très usées,
Mais qui séduisent cependant.
Je ne trouve pas monotone
La verdeur de tes quarante ans;
Je préfère tes fruits, Automne,
Aux fleurs banales du Printemps!
Non, tu n’es jamais monotone!
Ta carcasse a des agréments
Et des grâces particulières;
Je trouve d’étranges piments
Dans le creux de tes deux salières
Ta carcasse a des agréments!
Nargue des amants ridicules
Du melon et du giraumont!
Je préfère tes clavicules
À celles du roi Salomon,
Et je plains ces gens ridicules!
Tes cheveux, comme un casque bleu,
Ombragent ton front de guerrière,
Qui ne pense et rougit que peu,
Et puis se sauvent par derrière,
Comme les crins d’un casque bleu.
Tes yeux qui semblent de la boue,
Où scintille quelque fanal,
Ravivés au fard de ta joue,
Lancent un éclair infernal!
Tes yeux sont noirs comme la boue!
Par sa luxure et son dédain
Ta lèvre amère nous provoque;
Cette lèvre, c’est un Eden
Qui nous attire et qui nous choque.
Quelle luxure! et quel dédain!
Ta jambe musculeuse et sèche
Sait gravir au haut des volcans,
Et malgré la neige et la dèche
Danser les plus fougueux cancans.
Ta jambe est musculeuse et sèche;
Ta peau brûlante et sans douceur,
Comme celle des vieux gendarmes,
Ne connaît pas plus la sueur
Que ton œil ne connaît les larmes,
(Et pourtant elle a sa douceur!)
II
Sotte, tu t’en vas droit au Diable!