Parlant un peu de l’art, beaucoup de la nature,
Vantant le paysage, expliquant le sujet,
Et surtout me marquant le prix de chaque objet.
– Mais voilà qu’arrivé devant un portrait d’Ingres,
(Pédant dont j’aime peu les qualités malingres)
Je fus pris tout à coup d’une sainte fureur
De célébrer David, le grand peintre empereur!
– Lui, se tourne vers son fournisseur ordinaire,
Qui se tenait debout comme un factionnaire,
Ou comme un chambellan qui savoure avec foi
Les sottises tombant des lèvres de son roi,
Et lui dit, avec l’œil d’un marchand de la Beauce:
«Je crois, mon cher, je crois que David est en hausse!»
Une eau salutaire
Joseph Delorme a découvert
Un ruisseau si clair et si vert
Qu’il donne aux malheureux l’envie
D’y terminer leur triste vie.
– Je sais un moyen de guérir
De cette passion malsaine
Ceux qui veulent ainsi périr:
Menez-les au bord de la Senne,
Voyez – dit ce Belge badin
Qui n’est certes pas un ondin -
La contrefaçon de la Seine.
– «Oui – lui dis-je – une Seine obscène!»
Car cette Senne, à proprement
Parler, où de tout mur et de tout fondement
L’indescriptible tombe en foule
Ce n’est guères qu’un excrément
Qui coule.
Les belges et la lune
On n’a jamais connu de race si baroque
Que ces Belges. Devant le joli, le charmant,
Ils roulent de gros yeux et grognent sourdement.
Tout ce qui réjouit nos cœurs mortels les choque.
Dites un mot plaisant, et leur œil devient gris
Et terne comme l’œil d’un poisson qu’on fait frire;
Une histoire touchante; ils éclatent de rire,
Pour faire voir qu’ils ont parfaitement compris.
Comme l’esprit, ils ont en horreur les lumières;
Parfois sous la clarté calme du firmament,
J’en ai vu, qui rongés d’un bizarre tourment,
Dans l’horreur de la fange et du vomissement,
Et gorgés jusqu’aux dents de genièvre et de bières,
Aboyaient à la Lune, assis sur leurs derrières.
Épigraphe pour l’atelier de M. Rops, fabricant de cercueils à Bruxelles
Je rêvais, contemplant ces bières
De palissandre ou d’acajou,
Qu’un habile ébéniste orne de cent manières:
«Quel écrin! et pour quel bijou!
Les morts, ici, sont sans vergogne!
Un jour, des cadavres flamands
Souilleront ces cercueils charmants.
Faire de tels étuis pour de telles charognes!»
La nymphe de la senne
«Je voudrais bien – me dit un ami singulier,
Dont souvent la pensée alterne avec la mienne, -
Voir la Naïade de la Senne;
Elle doit ressembler à quelque charbonnier