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Comment, appuyé sur mes principes et disposant de la science que je me charge de lui enseigner en vingt leçons tout homme devient capable de composer une tragédie qui ne sera pas plus sifflée qu’une autre, ou d’aligner un poème de la longueur nécessaire pour être aussi ennuyeux que tout poème épique connu.

Tâche difficile que de s’élever vers cette insensibilité divine! Car moi-même, malgré les plus louables efforts, je n’ai su résister au désir de plaire à mes contemporains, comme l’attestent en quelques endroits, apposées comme un fard, certaines basses flatteries adressées à la démocratie, et même quelques ordures destinées à me faire pardonner la tristesse de mon sujet. Mais MM. les journalistes s’étant montrés ingrats envers les caresses de ce genre, j’en ai supprimé la trace, autant qu’il m’a été possible, dans cette nouvelle édition.

Je me propose, pour vérifier de nouveau l’excellence de ma méthode, de l’appliquer prochainement à la célébration des jouissances de la dévotion et des ivresses de la gloire militaire, bien que je ne les aie jamais connues.

Note sur les plagiats. – Thomas Gray. Edgar Poe (2 passages). Longfellow (2 passages). Stace. Virgile (tout le morceau d’Andromaque). Eschyle. Victor Hugo.

Projet de préface pour les Fleurs du Mal

(À fondre peut-être avec d’anciennes notes)

S’il y a quelque gloire à n’être pas compris, ou à ne l’être que très peu, je peux dire sans vanterie que, par ce petit livre, je l’ai acquise et méritée d’un seul coup. Offert plusieurs fois de suite à divers éditeurs qui le repoussaient avec horreur, poursuivi et mutilé, en 1857, par suite d’un malentendu fort bizarre, lentement rajeuni, accru et fortifié pendant quelques années de silence, disparu de nouveau, grâce à mon insouciance, ce produit discordant de la Muse des derniers jours, encore avivé par quelques nouvelles touches violentes, ose affronter aujourd’hui, pour la troisième fois, le soleil de la sottise.

Ce n’est pas ma faute; c’est celle d’un éditeur insistant qui se croit assez fort pour braver le dégoût public. «Ce livre restera sur toute votre vie comme une tache», me prédisait, dès le commencement, un de mes amis, qui est un grand poète. En effet, toutes mes mésaventures lui ont, jusqu’à présent, donné raison. Mais j’ai un de ces heureux caractères qui tirent une jouissance de la haine, et qui se glorifient dans le mépris. Mon goût diaboliquement passionné de la bêtise me fait trouver des plaisirs particuliers dans les travestissements de la calomnie. Chaste comme le papier, sobre comme l’eau, porté à la dévotion comme une communiante, inoffensif comme une victime, il ne me déplairait pas de passer pour un débauché, un ivrogne, un impie et un assassin.