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Elle est debout et se traîne vers l’antre aux ordinateurs quand la raison évidente pour laquelle ce n’est pas la meilleure idée la frappe. D’accord, Brady est parti, mais il ne serait pas parti s’il n’avait pas la possibilité de surveiller ses projets à distance, tout spécialement le répéteur, et rien de plus facile. Ce mec est doué en informatique — génial même, ça lui arrache la gueule de l’admettre mais c’est la vérité — et il s’est sûrement ménagé une porte d’entrée dans son système. Dans ce cas, il peut venir le contrôler à n’importe quel moment ; tout ce qu’il lui faut, c’est un ordinateur portable. Si elle lui éteint tout son bordel, il le saura, et il saura qu’elle est encore en vie.

Il reviendra.

« Alors je fais quoi ? » chuchote Freddi. Elle se traîne jusqu’à la fenêtre en frissonnant — il fait un putain de froid dans cet appartement une fois que l’hiver est là — et regarde dans la nuit. « Je fais quoi maintenant ? »

12

Hodges est en train de rêver de Bowser, le petit bâtard querelleur qu’il a eu quand il était petit. Son père avait embarqué Bowser chez le véto pour le faire piquer — en dépit des pleurs véhéments de Bill — quand le pauvre vieux Bowz avait mordu le petit livreur de journaux assez profondément pour nécessiter des points de suture. Dans son rêve, Bowser est en train de le mordre, lui, de lui mordre le flanc. Il ne veut pas lâcher, même quand le jeune Bill Hodges lui offre la meilleure friandise du sac, et la douleur est atroce. La sonnette retentit et il pense C’est le livreur de journaux. Va le mordre lui, c’est lui que t’es censé mordre.

Seulement, quand il remonte à la surface du rêve et émerge dans le monde réel, il s’aperçoit que ce n’est pas la sonnette, mais le téléphone à côté de son lit. Son téléphone fixe. Il tâtonne pour l’attraper, le fait tomber, le ramasse sur la couette et réussit un allô approximatif et pâteux.

« Je me suis dit que t’avais mis ton portable en silencieux », lui dit Pete Huntley.

Il a le ton bien réveillé et bizarrement jovial. Hodges cligne des yeux en direction de son réveil digital mais n’arrive pas à lire. Son flacon d’antalgiques, déjà à moitié vide, lui cache la vue. Bon sang, combien en a-t-il pris depuis hier ?

« Ça non plus, je sais pas faire », répond Hodges en luttant pour se redresser.

Il n’arrive pas à croire que la douleur ait empiré si vite. C’est comme si elle attendait d’être identifiée pour bondir toutes griffes dehors.

« T’as besoin d’apprendre à vivre, Kerm. »

Un peu tard pour ça, se dit-il tout en balançant ses jambes hors du lit.

« Pourquoi est-ce que tu m’appelles à… » Il déplace le flacon de calmants. « À sept heures moins vingt ?

— Pouvais pas attendre pour t’annoncer la bonne nouvelle, répond Pete. Brady Hartsfield est mort. Une infirmière l’a trouvé en faisant sa tournée du matin. »

Hodges se dresse comme un ressort, s’infligeant un coup de poignard qu’il ressent à peine.

« Quoi ? Comment ?

— L’autopsie sera pratiquée dans la journée mais le toubib qui l’a examiné penche pour le suicide. Il avait un résidu de quelque chose sur la langue et les gencives. Le médecin de garde en a prélevé un échantillon et l’assistant du légiste est en train d’en prélever un autre à l’heure où je te parle. Ils vont accélérer les analyses, vu que Hartsfield est une rock star et tout ça.

— Suicide », répète Hodges en triturant ses cheveux déjà électriques. La nouvelle est assez simple, mais il n’arrive pas à l’assimiler. « Suicide ?

— Il en a toujours été fan, dit Pete. Je crois bien que tu l’as dit toi-même, et plus d’une fois.

— Oui, mais… »

Mais quoi ? Pete a raison, Brady était un fan du suicide, et pas seulement de celui des autres. Il était prêt à mourir en 2009 si les choses avaient mal tourné pour lui au City Center, et un an plus tard il entrait en fauteuil roulant dans l’Auditorium Mingo avec un kilo et demi d’explosifs scotchés sous son siège. Autrement dit, le cul à ground zero. Sauf que ça, c’était avant, et depuis les choses ont changé. Non ?

« Mais quoi ?

— Je sais pas, dit Hodges.

— Moi, oui. Il a finalement trouvé un moyen de le faire. Aussi simple que ça. En tout cas, si tu pensais que Hartsfield était d’une manière ou d’une autre impliqué dans la mort d’Ellerton, Stover et Scapelli — et je dois te dire que moi-même j’y pensais —, tu peux arrêter de t’en faire. Il a déposé le bilan, lâché la rampe, fermé le parapluie, et on crie tous hourra.

— Pete, j’ai besoin d’un peu de temps pour assimiler.

– Ça, j’imagine, répond Pete. T’as une longue histoire avec lui. En attendant, faut que j’appelle Izzy. Lui faire commencer sa journée du bon pied.

— Tu me rappelleras quand tu auras le résultat des analyses ?

— J’y manquerai pas. En attendant, sayonara Mister Mercedes, exact ?

— Exact, exact. »

Hodges raccroche, va dans la cuisine et met la cafetière en route. Il devrait prendre un thé, le café va foutre le feu à ses pauvres entrailles en lutte, mais là tout de suite, il s’en fiche. Et il ne prendra aucun calmant, au moins pendant un moment. Il a besoin d’avoir les idées aussi claires que possible.

Il attrape son iPhone sur le chargeur et appelle Holly. Elle répond tout de suite et il se demande brièvement à quelle heure elle se lève. Cinq heures ? Même plus tôt ? Peut-être vaut-il mieux que certaines questions restent sans réponse. Il lui annonce ce que Pete vient de lui annoncer et pour une fois dans sa vie, Holly Gibney en oublie les euphémismes.

« Putain, tu déconnes !

— Non, sauf si Pete déconnait, et je crois pas, non. Il essaie jamais de déconner avant le milieu de l’après-midi et à cette heure-là, ses blagues sont jamais très bonnes. »

Silence d’une seconde, puis Holly demande :

« Tu y crois ?

— Qu’il est mort, oui. Il pourrait difficilement y avoir confusion d’identité. Qu’il s’est suicidé ? Ça me semble… » Il essaie de repêcher l’expression adéquate, ne la trouve pas, et répète ce qu’il a dit à son ancien coéquipier il y a moins de cinq minutes. « Je sais pas.

— C’est fini ?

— Peut-être pas.

— C’est aussi mon avis. Il faut qu’on trouve ce qui est arrivé à tous ces Zappit invendus au moment de la faillite de la compagnie. Je ne comprends pas le lien que Brady Hartsfield pouvait avoir avec eux, mais toutes les pistes mènent à lui. Et au concert où il a essayé de se faire sauter.