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Or, au milieu de la rue Bochard-de-Saron, brille l’œil rouge d’un autre poste de police.

L’homme se trouve ainsi placé entre deux postes: qu’il marche droit devant lui une centaine de pas, ou, derrière lui, qu’il parcoure environ la même distance, il aboutira à la police.

Cet homme, c’est l’assassin du marquis de Perles, c’est le père de Magali et de Zizi, c’est Pierre Gildas.

Il avait quitté Neuilly et était rentré dans Paris avec le sentiment du soulagement, une bonne besogne accomplie. Il avait passé le reste de la nuit dans un hôtel du quartier, et avait profondément dormi.

L’acte qu’il venait d’accomplir lui apparaissait natureclass="underline" c’était simplement l’exécution d’une résolution prise, la fin d’une angoisse dans sa vie.

* * * * *

Pierre Gildas, sous le nom de Robert Florent vient d’entrer au service du comte de Pierfort.

Le comte de Pierfort écrivait. Dans les lignes qu’il traçait, il eût été impossible de reconnaître l’écriture de Gérard.

Voici ce qu’il écrivait:

«Cher monsieur,

«Mon bon parent Gérard d’Anguerrand, dont le dévouement pour ainsi dire fraternel vient de me rendre d’immenses services, m’a dit quelle obligation j’ai a contractée envers vous, et avec quelle charmante bonne grâce vous vous êtes fait le chevalier de la comtesse de Pierfort.

«Je ne veux pas tarder un instant à vous en exprimer ma gratitude émue, car il est possible que je sois obligé de reculer de quelques jours la visite où j’aurai l’honneur de vous apporter mes remerciements.

«En attendant que j’aie ce grand plaisir de vous connaître et de vous remercier, veuillez donc me tenir dès cet instant pour

«Votre très reconnaissant et très obligé.

«Comte de PIERFORT.»

Sur l’enveloppe, Gérard écrivit: À monsieur Max Pontaives, en sa villa de Neuilly.

Puis il se tourna vers Pierre Gildas et lui tendit la lettre en lui disant:

– Voilà. Vous porterez ça demain, et vous remettrez vous-même en mains propres… Au fait, quelle heure est-il? Dix heures et demie à peine… Avec un taxi, vous arriveriez pour onze heures… Je suis sûr qu’il serait temps encore, et je tiens à ce que ce mot parvienne au plus tôt.

– J’y vais, monsieur le comte, dit Pierre Gildas.

– Oui, au fait… Neuilly n’est pas loin…

– Neuilly? fit Pierre Gildas d’une voix étranglée, sans songer à regarder l’enveloppe.

– C’est l’une des dernières maisons de la rue de Seine, un endroit désert qui touche au fleuve… une très belle villa…

L’assassin tremblait. Son visage décomposé s’inondait de sueur.

Il fit un effort terrible et parvint à bégayer:

– Il n’y a personne dans cette maison…

– Vous confondez avec la villa où le marquis de Perles a été assassiné ces jours-ci, dit Gérard d’une voix très calme et très naturelle.

L’assassin chancela sur ses jambes. Il jeta un regard flamboyant sur Gérard et, la voix rauque, la gorge en feu, oubliant toute marque de respect, il gronda:

– Comment savez-vous, vous! que c’est de cette maison-là que je parle!

– Dame! fit Gérard sans paraître remarquer l’attitude de son intendant, il n’y a que deux villas à cet endroit. Celle où je vous envoie est parfaitement habitée. Celle dont vous me parlez est déserte, en effet. Il n’y a pas d’erreur possible: c’est bien la villa où s’est commis un crime dont vous me parlez. Ah ça! dites donc, est-ce que le crime que vous avez commis, vous, aurait quelque rapport avec celui de Neuilly?…

– Non, non, bégaya Pierre Gildas hagard.

– Écoutez, votre ancien maître, dans la lettre où il vous présente à moi, parle d’un assassinat. Au surplus, il répond de vous. Ce que vous avez fait ne me regarde pas si vous êtes fidèle et discret…

– Je le serai… oh! je vous le jure!…

– Je vous crois. Eh bien! pour commencer portez donc cette lettre, qui sera la bienvenue malgré l’heure tardive. Quant à l’assassinat du marquis de Perles, je suis bien loin de vous soupçonner, puisque l’assassin est connu…

– Connu? râla Pierre Gildas, qui sentait son cerveau éclater.

– Oui. C’est un certain Jean Nib, un scélérat sur lequel la police ne tardera pas à mettre la main.

– Non! c’est moi, Pierre Gildas, qui ai tué le marquis. Je sens bien que je suis condamné, et qu’il faudra que j’y passe. Aujourd’hui ou demain… peu importe. Donc, monsieur, si vous voulez, allons ensemble au premier poste, et vous n’aurez qu’à leur dire: «Voilà l’assassin du marquis de Perles que je vous amène… Cet homme s’appelle Pierre Gildas. C’est lui qui a tué le marquis de Perles. Le marquis lui avait tendu un piège et l’avait envoyé en centrale, mais ça ne fait rien. Le marquis a fait de sa fille une catin et de son fils un voleur, mais ça ne fait rien. Il faut avoir tué pour savoir ce qu’il y a d’atroce à tuer… Tuer, ce n’est rien. Mais c’est après! Alors, il en a assez. Arrêtez-le ça lui rendra service!…»

Gérard sombre et fatal, écoutait l’aveu qui s’échappait des lèvres de l’assassin.

– Ainsi, dit-il, vous vous appelez Pierre Gildas, et c’est vous qui avez tué de Perles?

– Je vous l’ai dit!…

– Vous avez une fille?… Une fille que de Perles a séduite?… Est-ce que cette fille ne s’appellerait pas Magali?…

Gildas fit oui de la tête. Un livide sourire passa sur les lèvres de Gérard qui reprit:

– Écoutez-moi sans m’interrompre. Vous êtes Pierre Gildas, l’assassin du marquis de Perles. Dans huit jours, dans un mois, si vous n’êtes pas en sûreté quelque part, la police mettra la main sur vous. Alors c’est la cour d’assises et l’échafaud. Si on vous fait grâce de la vie, c’est le bagne. Au contraire, si vous acceptez la protection que je vous offre, vous n’êtes plus Pierre Gildas. Vous êtes Robert Florent. Vous avez des papiers au complet. Vous avez une identité nouvelle. C’est une vie toute neuve qui s’offre à vous. Dans peu de mois, peut-être dans peu de jours, les remords qui vous tourmentent s’aboliront… Seulement, si vous acceptez cela, dites-vous bien qu’il faudra m’obéir aveuglément et ne jamais chercher à savoir ce que vous devez ignorer. Voilà tout ce que j’exige de vous. Quant à moi, à partir de cette minute, pour moi, vous êtes Robert Florent, mon intendant… Allez maintenant porter cette lettre.

Pierre Gildas s’éloigna. Peu de temps après, il arrivait à Neuilly devant la villa Pontaives, au moment où Biribi et ses acolytes achevaient leur sinistre besogne.

Tout à coup, Pierre Gildas vit sortir trois hommes qui en portaient un quatrième, – un par les épaules, les deux autres par les jambes… Le corps fut déposé près de la grille. Les hommes rentrèrent (pour ratisser la fosse on s’en souvient).

– Voilà, mon vieux Nib de Nib! ricana l’un des porteurs. Attends-nous une minute, t’impatiente pas…

Pierre Gildas, un instant, considéra ce corps immobile.

– C’est là Jean Nib, murmura-t-il. Ils l’ont tué!…

Plus violente, plus irrésistible, la curiosité s’emparait de lui, de voir cet homme qui, à sa place, était l’assassin du marquis de Perles… Il se mit à ramper, jusqu’à ce qu’il touchât presque le visage…