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À cette pensée, elle souriait, la figure illuminée de bonheur.

Dans cette seconde, à dix pas au-dessous d’elle, elle vit deux yeux flamboyants… Une femme la regardait descendre, et il y avait une si mortelle expression de haine sauvage dans ces yeux égarés, que Lise, en reconnaissant Adeline, chancela de terreur, avec un faible cri…

Vivement, Gérard, la voyant trébucher, la saisit dans ses bras… et il la voyait toute pâle, tremblante, terrifiée…

– Mon Dieu, mon Dieu, qu’as-tu, mon adorée?…

– Là!… Oh! regarde!… Là!… Adeline!… ma sœur…

Adeline, parvenue au pied de l’escalier, s’était retournée subitement, elle les vit qui descendaient parmi des groupes plus rares, le gros de la foule s’étant écoulé par les portes larges ouvertes…

Un frisson la secoua de la tête aux pieds.

Un instant, ses yeux flamboyants de haine s’attachèrent sur Gérard.

Mais elle se dompta encore; elle eut comme un léger haussement d’épaules, un mouvement vers la porte… À ce moment, elle vit Lise qui pâlissait… elle vit que Lise l’avait vue!… et elle vit – oh! cela surtout! – elle vit Gérard qui, d’un geste vif et tendre, tout alarmé, la prenait dans ses bras…

Dans le même instant, la folie de haine, de rage et de meurtre envahit le cerveau d’Adeline. Quelque chose comme un rugissement éclata sur ses lèvres, et, tout à coup, elle eut son revolver à la main, elle visa au moment où Gérard l’apercevait…

Elle visa… non pas Lise, mais Gérard, et gronda:

– Meurs donc assassiné, toi qui as assassiné mon cœur!

Elle fit feu… La détonation retentit, aussitôt suivie de cris d’effroi, d’exclamations parties de tous côtés.

Et elle vit que Gérard n’était pas atteint!

Lise, à l’instant suprême, d’un bond, avait couvert l’adoré, et c’était elle qui tombait, son corsage rose taché à la poitrine comme d’une fleur pourpre… souriante quand même… heureuse d’avoir sauvé le bien-aimé…

Dans les groupes qui avaient assisté à cette scène, il y eut tout d’abord un recul de stupéfaction terrible, une espèce de fuite, des cris de femmes dont quelques-unes s’évanouissaient, des cris d’hommes appelant le commissaire de service, en même temps que deux ou trois municipaux s’avançaient sur Adeline…

Gérard, à demi agenouillé, fou de désespoir, soutenait la jeune fille évanouie – ou morte – et comme la figure de la meurtrière lui apparaissait audacieuse, pleine de défi, sa douleur éclata, son poing crispé se tendit vers Adeline.

À ce moment, celle-ci vit un homme s’élancer vers Gérard.

– Charlot! murmurait l’homme avec un accent de triomphe. Je m’en doutais! j’en étais sûr!…

– Lise!… Lise!… ma bien-aimée! râlait Gérard. Ce n’est rien, n’est-ce pas?… Parle-moi… Ouvre tes yeux…

– Votre nom? fit tout à coup l’homme.

– Finot! rugit Adeline en elle-même. L’agent Finot!… Il va l’arrêter!… Oh! je voulais le tuer… mais cela! oh! non!… pas cela!…

– Comte de Pierfort! avait répondu Gérard en se relevant, et en regardant autour de lui.

Du premier coup d’œil, il avait deviné le policier!

– Allons donc! tonna l’agent. Vous êtes Charlot, le faussaire et l’assassin, et… je t’arrête, je t’emp…

Finot n’acheva pas.

Les témoins de cette scène, témoins muets et immobiles de stupeur et d’horreur, virent l’agent tomber à la renverse sous le coup de tête que Charlot lui envoyait en pleine poitrine, et rouler jusqu’au bas de l’escalier… En même temps, il y eut le bondissement éperdu d’un homme, et, parmi les cris, les reflux violents des groupes épouvantés, Charlot se rua…

En quelques bonds, il eut gagné la porte.

Au bas des marches, il sauta dans une automobile.

* * * * *

– Mon enfant! ma pauvre enfant!… Tu n’as jamais voulu croire ta pauvre mère!… Je te l’avais bien dit qu’il t’arriverait malheur, avec ce jeune homme!…

– C’est la mère!

– La petite n’est donc pas comtesse de Pierfort?…

– C’était la maîtresse du comte…

– Un joli comte… il paraît que c’est un coquin…

– La petite est gentille, tout de même…

– Ma pauvre fille!… Messieurs… mes bons messieurs par pitié, aidez-moi à la porter dans une voiture… Je veux la soigner chez moi… oh! je la sauverai… ou j’en mourrai!…

– Pauvre femme!…

Trois ou quatre gentlemen soulevaient Lise, la portaient dehors, la déposaient dans une auto fermée, et la mère montait en remerciant, parmi ses sanglots.

– Votre adresse, ma brave femme, dit un municipal la larme à l’œil. C’est pour l’enquête, vous comprenez?…

Et le municipal ouvrait son calepin.

– Oui, oui, mon brave militaire… Mon adresse?…madame veuve Leblanc, matelassière, avenue d’Orléans, 160… Mon Dieu… ma pauvre fille!…

– La fille d’une matelassière! murmura une jeune femme très élégante à l’oreille de son mari. Qui s’en serait douté, Gustave?

Gustave haussa les épaules et sourit.

L’auto s’était mise en route, emmenant la blessée et la pauvre mère.

Elle filait, rapidement, conduite par une espèce de colosse dont la silhouette ressemblait étrangement à celle de Biribi.

À l’intérieur, la pauvre mère s’était penchée sur Lise. Alors, un double jet de flamme jaillit de ses yeux haineux et, avec un accent de joie effroyable, La Veuve murmura:

– Cette fois, ma petite Valentine d’Anguerrand, je ne te lâche pas!…

* * * * *

À ce moment, le vestibule de l’Opéra était envahi par toute la brigade secrète, sous la conduite du commissaire de service.

– Qu’y a-t-il? que se passe-t-il? demandait le magistrat affolé.

Un monsieur très bien mis, très flegmatique, et qui avait, d’un œil rêveur et sceptique, suivi ces diverses péripéties, s’approcha du commissaire…

C’était Max Pontaives.

Il tira gravement son chronomètre et, d’un ton froid, prononça:

– Vous n’arrivez en retard que de huit secondes, monsieur le commissaire. C’est peu, et c’est beaucoup, c’est tout…

Puis Max Pontaives salua d’un geste élégant, et se tournant vers une jeune femme très richement habillée:

– Allons souper, ma chère Magali.

– Oh! cette pauvre petite… c’est affreux! murmura Magali.

– J’ai vu la blessure. La balle a seulement déchiré un peu les chairs de l’épaule… La petite en reviendra; mais moi, je ne suis pas fâché d’apprendre que mon ami le comte de Pierfort s’appelait en réalité Charlot.

– Je ne comprends pas, dit Magali.

– Bah! vous comprendrez plus tard… Allons souper!

LXIV LES DAMNÉS