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– Misérable sorcière! tais-toi, ou je t’étrangle! rugit Gérard. Cette voix! je te dis que c’est la sienne!…

– Georges!… Georges!… Est-ce donc toi!…

– Lise! Lise! hurla Gérard délirant. Où es-tu?…

Me voici!…

La Veuve jeta une clameur déchirante, comme si on lui arrachait le cœur. Elle se jeta devant l’escalier. Gérard la saisit par les deux épaules, la secoua un instant, et, d’une violente poussée, l’envoya rouler au fond de la chambre. En quelques bonds, il fut au pied de l’escalier, vit la porte de la salle basse…

– Fermée! rugit-il. Oh! je l’enfoncerai!… Lise!…

Je suis là!…

– Georges! répondit la voix faible de Lise.

– Attends! attends!

De nouveau il se rua dans l’escalier et se retrouva dans la pièce du haut à l’instant où La Veuve se relevait, le visage ensanglanté par une large balafre.

– La clef! râla Gérard en la saisissant à la gorge. La clef! ou tu es morte!…

La Veuve darda sur lui un regard mortel; puis, comprenant qu’elle était à la merci de cet homme et que rien ne pouvait pour le moment réparer l’irréparable événement qui venait de se produire, elle tira la clef de sa poche, et, sans un mot, la laissa tomber à ses pieds…

Quelques instants plus tard, Gérard était devant Lise. Il ouvrit ses bras. Et à ce moment, quelle que fût l’âme de cet homme qui vivait hors de toutes les lois, il ne put s’empêcher d’hésiter.

Au lieu des paroles de passion qui bouillonnaient dans sa pensée, d’une voix faible, il laissa tomber ces pauvres mots:

– Valentine… ma pauvre sœur…

Lise alla à lui une flamme de bonheur intense transfigurait son visage… Lentement, doucement, elle mit ses deux bras autour du cou de Gérard, elle appuya sa tête sur son épaule et murmura:

– Je ne m’appelle pas Valentine… je m’appelle Lise…ô Georges… tu n’es pas mon frère… tu es mon époux bien-aimé… je puis t’aimer sans honte!…

Gérard tressaillit d’épouvante. Sa première pensée fut que la raison de Lise, ébranlée, sombrait dans la folie.

– Eh bien! oui! balbutia-t-il en la serrant nerveusement dans ses bras. Mais ne songe à rien de tout cela en ce moment… viens… fuyons…

– Oui, oui, fuyons… Oh! Georges! Georges! je le savais bien que tu me reviendrais!… Ta lettre m’ordonnait d’avoir confiance… J’ai eu confiance, Georges… je t’attendais!…

Dans les circonstances les plus émouvantes, Gérard gardait son sang-froid et, pour ainsi dire d’instinct, agissait rapidement, sûrement, presque sans réflexion… Il écarta de son esprit toute pensée autre que la nécessité de fuir et de trouver un refuge immédiat.

Il entraîna Lise au dehors, elle, s’appuyant sur lui, et lui, marchant d’un pas calme et mesuré comme un de ces bons bourgeois qui, le matin, conduisent leur dame au haut de la Butte pour leur montrer le panorama enfumé de Paris.

La Veuve avait descendu l’escalier après avoir rapidement tamponné la blessure qu’elle portait au front. Elle atteignit la porte au moment où Gérard et Lise étaient déjà vers le milieu de la rue Saint-Vincent. Elle se mit en marche, les suivant de loin, sans prendre d’ailleurs aucune précaution pour ne pas être vue.

Elle voyait Gérard et Lise à une cinquantaine de pas devant elle, et elle ne voyait pas autre chose…

À ce moment, elle sentit une main très lourde se poser sur son épaule et elle entendit une voix rauque, éraillée, qui grondait.

– Alors, on reconnaît plus les aminches? V’là cinq minutes que j’suis derrière vous, La Veuve! Pas plan d’vous faire tourner les mirettes de mon côté… Pourtant, j’ai pas beaucoup besoin d’attirer l’attention sur mézigo…

La Veuve releva la tête et vit la colossale stature de Biribi. Alors, elle frémit. Alors, tout à coup, ses nerfs se détendirent. Alors sa pensée retrouva sa lucidité.

– De quoi! ricana Biribi. Qu’est-ce qui vous fiche à l’envers?…

– Biribi! songea La Veuve dans un rugissement de tout son être. Qu’est-ce que je disais donc que je suis maudite? Viens! Suis-moi!…

Elle saisit le colosse par un bras et l’entraîna avec elle.

– J’en ai à vous dégoiser, La Veuve! J’en ai!… commença Biribi.

– Tais-toi! Oh! si tu veux assurer ta fortune, tais-toi… Tais-toi et regarde!… Regarde ces deux… là…

qui tournent au coin de la rue… Regarde-les bien… Attention!… qu’ils ne nous voient pas!… pour Dieu! qu’ils ne nous voient pas!…

Gérard et Lise venaient de descendre une petite rue étroite et débouchaient sur le boulevard Rochechouart. Quelques secondes après eux, La Veuve et Biribi se trouvaient sur le boulevard.

– Tu vois l’homme qui marche devant nous? dit La Veuve.

– Oui, avec la môme au casque d’or…

– Eh bien! écoute, Biribi… Oh! les voilà qui prennent un taxi… Ils m’échappent… je suis perdue!…

– Ohé! fit Biribi en faisant signe à un chauffeur qui s’arrêta. Dis donc, l’camaro, tu vois le taxi qui file là-bas? C’est des aminches à nous. S’agit d’les rattraper sans les rattraper… – embarquez La Veuve… – Pourboire à la hauteur!

– Compris! fit le chauffeur en clignant de l’œil, tandis que Biribi, à son tour, sautait dans le taxi qui, de loin, se mit à suivre celui où Gérard et Lise avaient pris place.

XLVI UN LOGIS POUR LISE

Dans l’auto-taxi où ils venaient de monter, Gérard et Lise demeuraient silencieux. Depuis la rue Saint-Vincent, c’est à peine s’ils avaient prononcé quelques mots.

Le taxi filait vers l’adresse qu’avait donnée Gérard. Il s’arrêta bientôt rue Roquépine. Gérard descendit, fit descendre Lise, et, avec elle, pénétra dans une maison bourgeoise de tranquille apparence.

À l’entresol, il entra, lorsqu’il eut sonné, dans une vaste antichambre décorée avec un goût somptueux.

– Prévenez votre maître que je veux lui parler à l’instant, dit-il au valet de chambre.

Une minute plus tard, il était introduit dans un petit salon, et le maître de céans, c’est-à-dire Max Pontaives, apparaissait, la main tendue, un peu étonné de la visite qu’on aurait dû lui annoncer, mais cachant cet étonnement sous un sourire.

– Comment! dit-il, vous n’êtes pas mort? Vous n’êtes pas à Tombouctou, ou plus loin encore? Oh! pardon! ajouta-t-il en s’inclinant vivement devant Lise.

– Mon cher monsieur, dit Gérard, voulez-vous accorder dix minutes d’hospitalité dans ce salon à mademoiselle, et dix minutes d’entretien à moi dans votre cabinet?

– Mademoiselle est chez elle, dit Max Pontaives de son ton le plus courtois, et si vous voulez me suivre…

– Un instant! Je voudrais, pendant notre entretien, être sur que personne n’entrera chez vous…

– Justin! appela Pontaives.

Le valet de chambre reparut.

– Jusqu’à nouvel ordre, lui fut-il ordonné, n’ouvrir à personne.

Pontaives alluma une cigarette, poussa devant Gérard une table roulante qui supportait tout ce qu’il faut pour élaborer un cocktail, puis se jeta sur l’immense canapé qui occupait la profonde et vaste embrasure de la baie ouverte sur la rue. Il avait parfaitement remarqué que le baron d’Anguerrand était vêtu de bizarre façon et qu’il y avait sur son visage des traces de maquillage. Mais il était trop subtil Parisien pour s’étonner ouvertement de ces détails, et la présence de la jolie inconnue lui laissait entrevoir quelque aventure qu’il serait enchanté de connaître. Il attendit donc paisiblement que le baron s’expliquât.