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— Et dans le cas contraire ? Quelle est la menace sous-jacente ? Une sonde psychique ?

— J’espère que non.

— Moi de même. Vous n’oseriez pas avec un conseiller. D’ailleurs elle ne révélerait aucune trahison et une fois que je serais acquitté, je me ferais un plaisir d’avoir votre tête et peut-être même celle de madame le Maire, en passant. Tiens, cela vaudrait presque la peine que j’y passe… »

Kodell fronça les sourcils, puis hocha doucement la tête. « Oh ! non. Oh ! non. Trop de risques de dégâts au cerveau. Le rétablissement est parfois lent, et, pour vous, le jeu n’en vaudrait certainement pas la chandelle. Certainement pas. Vous savez, quelquefois, pour peu que la sonde soit utilisée sous l’empire de l’exaspération…

— Des menaces, Kodell ?

— Le simple constat d’une réalité, Trevize. Entendez-moi bien, conseiller : si je dois utiliser la sonde, je l’utiliserai et même si vous êtes innocent, vous n’aurez aucun recours.

— Que voulez-vous savoir ? »

Kodell bascula un interrupteur sur le bureau devant lui puis dit : « Mes questions comme vos réponses vont être enregistrées – en audio et en vidéo. Je ne vous demande aucune déclaration volontaire, ni aucune prise de position délibérée. Pas pour l’instant, du moins. Vous me comprenez, j’en suis sûr…

— Je comprends surtout que vous n’allez enregistrer que ce qui vous convient, remarqua Trevize, méprisant.

— C’est exact mais encore une fois, entendons-nous bien. Je ne déformerai en rien ce que vous allez me dire. Je l’utiliserai ou ne l’utiliserai pas, c’est tout. Mais vous saurez ce que je n’utiliserai pas, ainsi ne perdrons-nous ni mon temps ni le vôtre.

— On verra.

— Nous avons tout lieu de penser, conseiller Trevize » et quelque chose dans son ton officiel prouvait à l’évidence qu’il était en train d’enregistrer, « que vous avez déclaré ouvertement, et en maintes occasions, que vous ne croyiez pas en l’existence du Plan Seldon. »

Trevize répondit lentement : « Si je l’ai dit si ouvertement, et en maintes occasions, que vous faut-il de plus ?

— Ne perdons pas de temps en arguties, conseiller. Vous savez ce qu’il me faut, ce sont des aveux spontanés, de votre propre bouche, caractérisés par votre empreinte vocale personnelle, et dans d’indiscutables conditions de parfaite maîtrise de soi.

— Parce que, je suppose, tout usage de l’hypnose, par des moyens chimiques ou autres, altérerait les empreintes vocales ?

— De manière très nette.

— Et vous voulez vous empresser de prouver que vous n’avez employé aucune méthode répréhensible pour interroger un conseiller ? Je ne vous le reproche pas.

— J’en suis heureux, conseiller. Dans ce cas, poursuivons. Vous avez donc déclaré ouvertement, et en maintes occasions, que vous ne croyiez pas en l’existence du Plan Seldon. Admettez-vous ce fait ? »

Trevize répondit en choisissant soigneusement ses mots : « Je ne crois pas que ce que nous nommons “ Plan Seldon ” ait la signification que nous lui attribuons couramment.

— Déclaration vague. Pourriez-vous préciser ?

— Mon opinion est que la notion courante selon laquelle, il y a cinq siècles, Hari Seldon, appliquant les lois mathématiques de la psychohistoire, aurait défini le cours des événements humains jusque dans leurs moindres détails, cours qui nous conduirait du premier au second Empire Galactique selon la ligne de probabilité maximale, mon opinion est que cette notion est naïve. Ça ne peut pas exister.

— Entendez-vous par là que, selon vous, Hari Seldon n’aurait jamais existé ?

— Pas du tout. Bien sûr qu’il a existé.

— Qu’il n’a jamais été à l’origine de la science de la psychohistoire ?

— Non, bien évidemment non. Voyez-vous, directeur, je m’en serais volontiers expliqué devant le Conseil si on me l’avait permis et je vais le faire pour vous. La vérité que je m’apprête à révéler vous paraîtra si évidente… »

Le directeur de la sécurité avait calmement – et très ouvertement – arrêté l’enregistreur.

Trevize s’interrompit et fronça les sourcils : « Pourquoi avez-vous fait ça ?

— Vous me faites perdre mon temps, conseiller. Je ne vous ai pas demandé de discours.

— Vous me demandez bien d’expliquer mon point de vue, n’est-ce pas ?

— Pas du tout. Je vous demande de répondre à mes questions – simplement, directement, et sans dévier. Répondez uniquement aux questions et uniquement sur ce que je vous ai demandé. Faites ce que je vous dis, et ce ne sera pas long.

— Vous voulez dire que vous allez m’extorquer des déclarations destinées à accréditer la version officielle de ce que je suis censé avoir fait ?

— Nous vous demandons seulement de faire des déclarations sincères et je vous garantis qu’elles ne seront pas altérées. Je vous en prie, laissez-moi reprendre maintenant : nous parlions de Hari Seldon. » L’enregistreur était de nouveau en route et Kodell répéta calmement : « qu’il n’a jamais été à l’origine de la science de la psychohistoire ?

— Bien sûr, qu’il est à l’origine de ce que nous appelons la psychohistoire », dit Trevize, cachant mal son impatience, avec un geste passionné plein d’exaspération.

« … que vous définiriez comment ? s’enquit le directeur.

— Par la Galaxie ! On la définit couramment comme la branche des mathématiques traitant des réactions globales de vastes populations humaines face à des stimuli donnés dans des circonstances données. En d’autres termes, elle est censée prédire les changements historiques et sociaux.

— Vous dites “ censée ”. Fondez-vous cette remise en question sur des bases mathématiques ?

— Non, je ne suis pas un psychohistorien. Pas plus qu’aucun membre du gouvernement de la Fondation, ni qu’aucun citoyen de Terminus, ni… »

Kodell leva la main et dit d’une voix douce : « Conseiller, je vous en prie ! » Trevize se tut.

Kodell reprit : « Avez-vous quelque raison de supposer que Hari Seldon n’aurait pas fait les analyses visant à déterminer – aussi efficacement que possible – les facteurs permettant de maximiser la probabilité et de minimiser le délai de passage entre le premier et le second Empire, par le biais de la Fondation ?

— Je n’y étais pas », rétorqua Trevize, sardonique. « Comment le saurais-je ?

— Pouvez-vous affirmer qu’il ne l’a pas fait ?

— Non.

— Nieriez-vous, par hasard, que l’image holographique de Hari Seldon, apparue à chacune des crises historiques qui ont jalonné ces cinq derniers siècles, soit effectivement un cliché de Hari Seldon en personne, pris durant la dernière année de son existence, peu avant l’instauration de la Fondation ?

— Je suppose que je ne peux pas le nier.

— Vous “ supposez ”. Pouvez-vous m’affirmer qu’il s’agit d’un faux, d’une mystification montée dans le passé par quelque individu dans un but précis ? »

Trevize soupira. « Non. Je ne maintiens pas cela.

— Êtes-vous prêt à maintenir que les messages délivrés par Hari Seldon sont d’une manière ou d’une autre manipulés par un tiers ?

— Non. Je n’ai aucune raison de penser qu’une telle manipulation soit possible ou même d’un quelconque intérêt.

— Je vois. Vous avez pu assister à la toute dernière apparition de l’image de Seldon. N’avez-vous pas trouvé que son analyse – élaborée il y a cinq cents ans – correspondait très précisément à la situation présente ?