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La gare de débarquement était un édifice titanesque. C’était à peine si l’on distinguait tout en haut le plafond : des nuages auraient pu tenir à l’aise dans ce vaste hall. Et Gaal ne voyait même pas de mur devant lui : rien que des employés, des guichets et des allées, s’étendant à perte de vue.

L’employé du guichet avait l’air agacé. Il répéta : « Avancez, avancez.

— Où… où est-ce que ?… » commença Gaal.

L’homme, d’un geste, lui montra le chemin : « Pour la station de taxis, c’est à droite, et le troisième couloir à gauche. »

Gaal s’éloigna ; dans le vide au-dessus de lui flottaient des lettres de feu : TAXIS POUR TOUTES DIRECTIONS.

Une silhouette se détacha de la foule, s’arrêta devant le guichet que Gaal venait de quitter. L’employé fit à l’intention du nouveau venu un hochement de tête affirmatif. L’inconnu répondit par un petit signe identique et suivit le jeune immigrant.

Il était arrivé à temps pour savoir quelle serait sa destination.

Gaal s’arrêta devant une grille.

Un petit panonceau annonçait « Surveillant ». L’homme posté sous le panneau demanda sans même lever les yeux : « Quelle direction ? »

Gaal n’en savait rien, mais quelques secondes d’hésitation étaient assez pour que se formât derrière lui une longue queue de voyageurs impatients.

« Vous allez où ? » répéta le surveillant.

Gaal n’avait que peu d’argent, mais après tout il ne s’agissait que d’une nuit et, demain, il aurait une situation. Il essaya de prendre un air dégagé :

« Je voudrais trouver un bon hôtel. »

Le surveillant n’eut pas l’air impressionné.

« Ils sont tous bons. Auquel voulez-vous descendre ?

— Au plus proche », murmura Gaal, en désespoir de cause.

Le surveillant pressa un bouton. Une mince ligne de lumière se dessina sur le sol, parmi d’autres de couleurs et d’éclats différents. Gaal reçut un ticket légèrement phosphorescent.

« Un crédit douze », dit le surveillant.

Gaal chercha de la monnaie dans ses poches.

« Où dois-je aller ? demanda-t-il.

— Suivez la ligne lumineuse. Le ticket s’éteindra quand vous vous tromperez de direction. »

Gaal se mit en marche. Des centaines de personnes arpentaient comme lui la vaste salle, chacun suivant son itinéraire qui croisait ou chevauchait parfois celui du voisin.

Gaal parvint à sa destination. Un homme vêtu d’un uniforme bleu et jaune criard, en plasto-textile imputrescible, s’empara de ses deux valises.

« Direct pour le Luxor », dit-il.

L’homme qui suivait toujours Gaal l’entendit. Il entendit aussi Gaal dire : « Très bien », et il le vit monter dans le petit appareil au nez camus.

Le taxi s’éleva à la verticale. Gaal regardait par la fenêtre incurvée, en se cramponnant instinctivement à la banquette. La foule sous ses pieds semblait se contracter : on aurait dit maintenant de petits groupes de fourmis disséminés à travers l’immensité du hall.

Puis un mur se dressa devant le taxi. Il commençait à une certaine hauteur au-dessus du sol et sa partie supérieure se perdait dans le lointain. Il était percé d’une multitude de trous qui étaient autant de bouches de tunnels. Le chauffeur se dirigea vers l’une des entrées et s’y engouffra, tandis que Gaal se demandait comment on faisait pour ne pas se tromper de tunnel.

Ils étaient maintenant plongés dans les ténèbres, que trouait de loin en loin la lueur colorée d’un signal. L’air sifflait derrière la vitre.

Gaal se pencha en avant pour lutter contre le freinage, puis le taxi déboucha du tunnel et redescendit au niveau du sol.

« Le Luxor-Hotel », annonça le chauffeur. Il déchargea les bagages de Gaal, accepta d’un air condescendant un pourboire d’un dixième de crédit, fit monter un client qui attendait et décolla.

Depuis l’instant où il avait débarqué, Gaal n’avait pas encore aperçu le ciel.

III

TRANTOR : Au début du treizième millénaire, cette tendance atteignit à son paroxysme. Siège du Gouvernement Impérial depuis des centaines de générations, et située dans la partie centrale de la Galaxie, parmi les mondes les plus peuplés et les plus évolués de tout le système, Trantor ne tarda pas à devenir l’agglomération humaine la plus dense et la plus riche que l’on ait jamais vue.

L’urbanisation progressive de la planète finit par donner naissance à une ville unique qui couvrait les quelque deux cents millions de kilomètres carrés de la surface de Trantor. La population compta jusqu’à quarante milliards d’habitants, lesquels se consacraient presque tous à l’administration de l’Empire, et encore suffisaient-ils à peine à cette tâche. (On se souvient que l’incapacité des derniers empereurs à assurer l’administration contribua pour une part importante à la chute de l’Empire.) Chaque jour, des astronefs par dizaines de milliers apportaient la production de vingt planètes agricoles pour garnir les tables de Trantor…

La capitale dépendait donc du monde extérieur pour son ravitaillement et pour tous les besoins de son existence, ce qui la mettait sans cesse à la merci d’une guerre de siège. Durant le dernier millénaire de l’Empire, il y eut d’innombrables révoltes qui firent prendre conscience aux empereurs de cet état de choses, et la politique impériale se borna dès lors à protéger ce talon d’Achille que constituait Trantor…

ENCYCLOPEDIA GALACTICA

Gaal ne savait pas si le soleil brillait ni s’il faisait jour ou nuit. Il avait honte de demander. La planète tout entière semblait vivre sous une carapace de métal. Le repas qu’on venait de lui servir était baptisé déjeuner, mais il savait que plus d’une planète vivait suivant une division du temps standard qui ne tenait pas compte de l’alternance parfois malcommode du jour et de la nuit. La période de gravitation variait suivant les planètes, et il ignorait quelle était celle de Trantor.

Il s’était empressé de suivre les panonceaux menant au solarium, mais il n’avait trouvé là qu’une salle baignée de rayons artificiels. Il s’y attarda quelques instants, puis regagna le hall du Luxor.

« Où puis-je prendre un billet pour un tour de la planète ? demanda-t-il à l’employé de la réception.

— Ici même.

— Quand a lieu le prochain départ ?

— Vous venez de le manquer. Il y en aura un autre demain. Prenez votre billet maintenant, nous vous garderons une place. »

Mais demain, ce serait trop tard. Il serait à l’université.

« Il n’existe pas de tour d’observation, de belvédère ? reprit-il. Quelque chose qui soit à l’air libre ?

— Si, bien sûr ! Je peux vous vendre un billet, si vous voulez. Attendez que je vérifie s’il ne pleut pas. » L’employé manœuvra un levier placé près de son coude et attendit que des lettres fluorescentes se dessinent sur un écran de verre dépoli. Gaal déchiffra en même temps que lui le bulletin.

« Beau temps, dit l’employé. Mais, d’ailleurs, je crois bien que c’est la saison sèche. Je vous dirai, ajouta-t-il, que je ne sors pour ainsi dire jamais. Cela fait trois ans que je n’ai pas mis le nez dehors. Vous savez, quand on a vu ça une fois… tenez, voilà votre billet. Il y a un ascenseur spécial au fond du hall. Vous verrez la pancarte : ’’Pour la Tour.’ ’ Vous n’aurez qu’à le prendre. »

C’était un de ces ascenseurs modernes mus par antigravité. Gaal pénétra dans la cabine et d’autres passagers s’engouffrèrent avec lui. Le liftier manœuvra un bouton. Gaal eut un instant l’impression d’être suspendu dans l’espace quand la gravité tomba à zéro, puis il reprit un peu de poids à mesure que l’appareil accélérait. Le mouvement bientôt se ralentit et Gaal sentit ses pieds quitter le sol. Il ne put réprimer un petit cri.