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Gaal se leva d’un bond, courut jusqu’à la porte et constata qu’elle ne s’ouvrait pas. Il ne lui restait plus qu’à s’habiller et attendre.

On vint le chercher pour l’emmener ailleurs, mais il n’était toujours pas libre. On l’interrogea avec beaucoup de courtoisie. Tout cela était extrêmement civilisé. Il expliqua qu’il venait de la planète Synnax ; qu’il avait suivi les cours de tel et tel collège et avait passé son doctorat de mathématiques à telle date. Il dit qu’il avait demandé à être employé au projet du docteur Seldon, et que sa candidature avait été acceptée. Il répéta inlassablement ces détails ; et, invariablement, on en revenait à ce projet Seldon. Comment en avait-il entendu parler, quelles devaient être ses fonctions, quelles instructions secrètes avait-il reçues, de quoi s’agissait-il en fait ?

Il répondit qu’il n’en savait rien. Il n’avait reçu aucune instruction secrète. Il était un savant et un mathématicien. Il ne s’intéressait pas à la politique.

Pour finir, l’homme qui l’interrogeait demanda doucement :

« Quand Trantor sera-t-elle détruite ?

— Je ne saurais vous le dire, bredouilla Gaal.

— Quelqu’un d’autre pourrait-il le dire ?

— Comment pourrais-je affirmer une chose pareille pour quelqu’un d’autre ? » Il sentait la sueur perler à son front.

« Quelqu’un vous a-t-il parlé de cette destruction ? demanda l’interrogateur. Vous a-t-on cité une date ? » Et comme le jeune homme hésitait, l’autre reprit : « Vous avez été suivi, docteur. Nous étions à l’astroport quand vous êtes arrivé ; nous avions quelqu’un sur la tour d’observation ; et, bien entendu, nous avons pu surprendre votre conversation avec le docteur Seldon.

— Dans ce cas, dit Gaal, vous connaissez son opinion sur cette question.

— C’est possible. Mais nous aimerions vous entendre la répéter.

— Il pense que Trantor risque d’être anéantie d’ici cinq siècles.

— Il l’a prouvé… mathématiquement ?

— Oui, répliqua Gaal d’un ton de défi.

— Vous estimez, je suppose, que ces… calculs sont valables ?

— Ils sont certainement valables s’ils sont l’œuvre du docteur Seldon.

— Eh bien, nous nous reverrons.

— Attendez. J’ai le droit d’avoir un avocat. J’exige qu’on respecte mes droits de citoyen de l’Empire.

— Ils seront respectés. » Ils le furent.

Un homme de grande taille entra ; dans son visage long et mince, il n’y avait pas place, semblait-il, pour un sourire.

Gaal leva les yeux. Il se sentait abattu, perdu. Tant d’événements s’étaient succédé depuis trente heures à peine qu’il était sur Trantor.

« Je m’appelle Lors Avakim, dit l’homme. Le docteur Seldon m’a chargé de prendre en main vos intérêts.

— Ah ? Eh bien, écoutez-moi. Je demande qu’on fasse sur-le-champ appel devant l’empereur. Je suis détenu sans raison. Je suis innocent, vous entendez, innocent. » Il se tordait les mains de nervosité. « Il faut que vous obteniez une audience de l’empereur, le plus vite possible. »

Avakim vidait soigneusement sur le sol le contenu d’un porte-documents. Gaal, s’il avait été plus lucide, aurait pu reconnaître le mince ruban métallique d’un Cellomet, fait pour prendre place dans une capsule personnelle, ainsi que l’enregistreur de poche.

Nullement ému par la sortie de Gaal, Avakim leva les yeux vers son client. «  La Commission a sûrement fait brancher un écouteur électronique ici pour surprendre notre conversation. C’est illégal, mais ils le font toujours. »

Gaal serra les dents sans répondre.

« Mais, reprit Avakim en s’asseyant, l’enregistreur que j’ai apporté – un appareil d’aspect tout à fait innocent – a la propriété de brouiller les ondes de tout écouteur indiscret. Et c’est une chose dont ils ne s’apercevront pas tout de suite.

— Alors, je peux parler ?

— Naturellement.

— Eh bien, je veux avoir une audience de l’empereur. » Avakim eut un petit sourire glacé ; il y avait quand même place sur son étroit visage pour cela : un recroquevillement des joues. « Vous êtes de province ? dit-il.

— Je n’en suis pas moins citoyen de l’Empire. Aussi bon citoyen que vous ou que n’importe quel membre de cette Commission de la Sécurité Publique.

— Bien sûr, bien sûr. Seulement, comme vous vivez en province, vous ne vous rendez pas bien compte de ce qui se passe sur Trantor. L’empereur n’accorde pas d’audiences.

— Mais devant qui peut-on faire appel ? Il n’existe pas d’autre procédure ?

— Non. En fait, il n’y a pas de recours. Légalement, vous avez le droit d’en appeler à l’empereur, mais vous n’obtiendrez pas d’audience. L’empereur actuel n’est pas de la dynastie des Entuns, vous savez. En réalité, Trantor est, hélas ! aux mains de quelques familles de l’aristocratie dont les membres forment la Commission de Sécurité Publique. C’est là une évolution qu’a parfaitement prévue la psychohistoire.

— Ah oui ? fît Gaal. Mais alors, si le docteur Seldon peut prévoir l’histoire de Trantor dans les cinq cents ans à venir…

— Il peut la prévoir aussi bien pour quinze cents ans.

— Quinze mille si vous voulez. Mais pourquoi n’a-t-il pas pu hier prédire ce qui allait se passer aujourd’hui et m’avertir ? » Gaal s’assit et se prit la tête à deux mains. « Je vous demande pardon… Bien sûr, la psychohistoire est une science statistique, incapable de prédire avec exactitude l’avenir d’un seul individu. Je ne sais plus ce que je dis.

— Mais si. Le docteur Seldon estimait que vous seriez arrêté ce matin.

— Comment ?

— C’est la triste vérité. La Commission se montre de plus en plus hostile à ses travaux. Elle exerce une surveillance sans cesse accrue sur les nouveaux membres qui viennent se joindre au groupe de recherches. Les graphiques montraient que nous avions intérêt à faire éclater l’affaire tout de suite. La Commission agissait avec une telle lenteur que le docteur Seldon vous a rendu visite hier afin de lui forcer la main. C’était la seule raison.

— Ça alors… commença Gaal.

— Je vous en prie. C’était nécessaire. On ne vous a pas choisi, vous, pour des motifs personnels. Vous comprenez bien que les plans du docteur Seldon, qui sont le fruit de près de dix-huit ans de calculs, ne laissent de côté aucune des probabilités. Votre arrestation n’est que l’une d’entre elles. Ma visite n’a d’autre raison que de vous rassurer : vous n’avez rien à craindre, tout finira bien. C’est une quasi-certitude en ce qui concerne le projet, et une assez forte probabilité en ce qui vous concerne personnellement.

— Quels sont les chiffres ? interrogea Gaal.

— Pour le projet, un peu plus de 99,9 pour cent.

— Et pour moi ?

— Il paraît que la probabilité est de 77,2 pour cent.

— J’ai donc un peu plus d’une chance sur cinq d’être jeté en prison ou exécuté.

— Les probabilités d’exécution n’atteignent même pas un pour cent.

— Allons donc, mais les calculs effectués sur un seul individu ne veulent rien dire. Envoyez-moi donc le docteur Seldon.

— C’est malheureusement impossible. Le docteur Seldon, lui aussi, a été arrêté. »

La porte s’ouvrit avant que Gaal eût pu pousser le cri qui montait à ses lèvres. Un gardien entra, s’approcha de la table, s’empara de l’enregistreur qu’il examina sous tous les angles, puis le fourra dans sa poche.