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Il sourit et, s’adressant à Hardin, il ajouta : « Nous avons donné communication de cette nouvelle au Journal. »

Hardin rit sous cape. De toute évidence, c’était pour le plaisir de lui annoncer l’arrivée du chancelier que Pirenne l’avait admis dans le saint des saints.

« Pour parler net, dit-il d’un ton paisible, qu’attendez-vous de Dorwin ? »

Ce fut Tomas Sutt qui répondit. Il avait la déplaisante habitude de parler aux gens à la troisième personne quand il se sentait d’humeur noble.

« Il est bien évident, observa-t-il, que le Maire Hardin est un cynique invétéré. Il ne peut manquer de savoir que l’empereur ne laisserait personne empiéter sur ses droits.

— Pourquoi ? Que ferait-il donc ? »

Il y eut un mouvement de gêne dans l’assistance. «Vous tenez là, fit Pirenne, des propos qui frisent la trahison.

— Dois-je considérer qu’on m’a répondu ?

— Oui ! Si vous n’avez rien d’autre à dire…

— Pas si vite. J’aimerais poser encore une question. Hormis ce coup de maître diplomatique – qui peut ou non rimer à quelque chose –, a-t-on pris des mesures concrètes pour faire face à la menace anacréonique ?

Yate Fulham passa une main sur sa terrible moustache rousse.

« Vous voyez là une menace, vous ?

— Pas vous ?

— Ma foi, non… L’empereur… » commença l’autre d’un ton suffisant.

« Par l’Espace ! » Hardin s’énervait. « Qu’est-ce que cela signifie ? A chaque instant, l’un de vous dit ‘‘l’empereur’’ ou ‘‘l’Empire’’ comme si c’était un mot magique. L’empereur est à cinquante mille parsecs d’ici et je suis bien sûr qu’il se fiche pas mal de nous. Et même si ce n’est pas le cas, que peut-il faire ? Les unités de la flotte impériale qui se trouvaient dans ces régions sont maintenant aux mains des quatre royaumes et Anacréon en a eu sa part. C’est avec des canons qu’il faut se battre, pas avec des mots.

« Maintenant, écoutez-moi. Nous avons eu deux mois de répit, parce qu’Anacréon s’est imaginé que nous possédons des armes atomiques. Or, nous savons tous que c’est une pure fiction. Nous avons bien une centrale atomique, mais nous n’utilisons l’énergie nucléaire qu’à des fins industrielles, et encore modestement. Ils ne vont pas tarder à s’en apercevoir, et si vous croyez qu’ils vont être contents d’avoir été bernés, vous vous trompez.

— Mon cher ami…

— Attendez : je n’ai pas fini. C’est très bien de faire intervenir des chanceliers dans cette histoire, mais nous aurions plutôt besoin de gros canons de siège, armés de beaux obus atomiques. Nous avons perdu deux mois, messieurs, et nous n’en avons peut-être pas deux autres à perdre. Que proposez-vous de faire ? »

Lundin Crast, fronçant son long nez d’un air mécontent, déclara : « Si vous proposez la militarisation de la Fondation, je ne veux pas en entendre parler. Ce serait nous jeter dans la politique. Nous sommes une communauté scientifique, monsieur le Maire, et rien d’autre.

— Il ne se rend pas compte, ajouta Sutt, que la fabrication d’armements priverait l’Encyclopédie d’un personnel précieux. Il ne saurait en être question, quoi qu’il arrive.

— Parfaitement, renchérit Pirenne. L’Encyclopédie d’abord… toujours. »

Hardin eut un grognement agacé. L’Encyclopédie semblait les obséder tous.

« Ce Conseil a-t-il jamais pensé que Terminus pouvait avoir d’autres intérêts que l’Encyclopédie ?

— Je ne conçois pas, Hardin, dit Pirenne, que la Fondation puisse s’intéresser à autre chose qu’à l’Encyclopédie.

— Je n’ai pas dit la Fondation ; j’ai dit : Terminus. Je crains que vous ne compreniez pas bien la situation. Nous sommes environ un million sur Terminus et l’Encyclopédie n’emploie pas plus de cent cinquante mille personnes. Pour les autres, Terminus est une patrie. Nous sommes nés ici. Nous y vivons. Auprès de nos fermes, de nos maisons et de nos usines, l’Encyclopédie ne compte guère. Nous voulons protéger tout cela… »

Crast l’interrompit violemment : « L’Encyclopédie d’abord, tonna-t-il. Nous avons une mission à remplir.

— Au diable votre mission, cria Hardin. C’était peut-être vrai il y a cinquante ans. Mais une nouvelle génération est venue.

— Cela n’a rien à voir, répliqua Pirenne. Nous sommes des savants. »

Hardin sauta sur l’occasion. « Ah ! vous croyez cela ? Mais c’est une idée que vous vous faites ! Vous n’êtes, tous autant que vous êtes, qu’un parfait exemple de ce qui ronge la Galaxie depuis des millénaires. Quelle est cette science qui consiste à passer des centaines d’années à classer les travaux des savants du premier millénaire ? Avez-vous jamais songé à aller de l’avant, à étendre vos connaissances ? Non ! Vous vous contentez de stagner. Et c’est le cas de l’ensemble de la Galaxie, l’Espace sait depuis combien de temps. C’est pour cela que la Périphérie se révolte ; que les communications sont interrompues ; que sans cesse ont lieu des guerres régionales, et qu’enfin des systèmes entiers perdent le secret de l’énergie nucléaire et reviennent à des applications de la chimie élémentaire. Voulez-vous que je vous dise ? La Galaxie s’en va à la dérive ! »

Il se tut et se laissa retomber dans son fauteuil pour reprendre haleine, sans écouter les deux ou trois membres du Conseil qui s’efforçaient à la fois de lui répondre.

Crast finit par l’emporter. « Je ne sais pas où vous voulez en venir avec vos harangues enflammées, monsieur le Maire, mais vous n’apportez à la discussion aucun élément constructif. Je propose, monsieur le Président, que les remarques de Hardin soient considérées comme nulles et non avenues et que nous reprenions le débat où nous l’avions laissé. »

Jord Fara s’agita sur son siège. Jusque-là, Fara s’était tu. Mais maintenant sa voix puissante, aussi puissante que ses cent cinquante kilos, retentit comme une sirène de brume.

« N’avons-nous pas oublié quelque chose, messieurs ?

— Quoi donc ? interrogea Pirenne.

— Que, dans un mois, nous célébrons le cinquantième anniversaire de la Fondation. » Fara avait l’art d’énoncer avec la plus extrême gravité les pires platitudes.

« Et alors ?

— A l’occasion de cet anniversaire, continua paisiblement Fara, on procédera à l’ouverture du caveau de Hari Seldon. Avez-vous jamais songé à ce que pourrait contenir le caveau ?

— Je ne sais pas. Rien d’important. Un discours d’anniversaire enregistré, peut-être. Je ne crois pas qu’il faille attacher une signification particulière au caveau, même si le Journal, ajouta-t-il avec un mauvais regard vers Hardin, qui répondit par un sourire, a voulu monter cette cérémonie en épingle. Mais j’y ai mis bon ordre.

— Ah ! dit Fara, mais vous avez peut-être tort. Ne trouvez-vous pas, reprit-il en se caressant le nez, que l’ouverture du caveau a lieu à un moment étrangement opportun ?

— Très inopportun, vous voulez dire, murmura Fulham. Nous avons bien d’autres choses en tête.

— D’autres choses plus importantes qu’un message de Hari Seldon ? Je ne crois pas. » Fara devenait de plus en plus pontifiant, et Hardin le considéra d’un œil songeur. Où voulait-il en venir ?

« Vous avez tous l’air d’oublier, poursuivit Fara, que Seldon était le plus grand psychologue de notre époque et le créateur de notre Fondation. Il est donc raisonnable de penser que notre maître a fait usage de sa science pour déterminer le cours probable de l’histoire dans l’avenir immédiat. S’il l’a fait, ce qui ne m’étonnerait guère, il a certainement trouvé un moyen de nous prévenir du danger et peut-être même de nous suggérer une solution. L’Encyclopédie était une entreprise qui lui tenait fort à cœur, vous le savez. »

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