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— Vite, si tu savais combien tu m’écœures !

Sturgens, complètement abasourdi, ramassait les vêtements, les examinait un à un. Ce fut quand il découvrit une robe de petite fille, de sous-vêtements enfantins qu’il comprit. Son visage se pétrifia et il s’avança vers Mercedes Llanera.

Folle de terreur en présence des deux hommes, elle ouvrit la bouche sur un cri qui ne voulut pas sortir.

— La mère et la fille … Tu avais peur hein ? Elles étaient au courant ? La mère surtout … Sigmond avait dû lui faire quelques confidences, et comme il a disparu depuis plusieurs jours, elle devait être folle d’inquiétude. Tu as craint qu’elle ne se livre à quelques indiscrétions ? Tu les as assassinées, toutes les deux …

Mercedes s’écroula à genoux et se mit à sangloter. Pendant des heures elle avait dû se maîtriser, jouer le jeu. Kovask ramassa la robe de fillette.

— Ces taches de sang … À coups de couteau certainement ? Salope !

— Où sont-elles ? Demanda Sturgens se penchant vers la jeune femme prostrée.

— Le jardin … Au fond de la pelouse …

— Toute seule, tu es arrivée à les enterrer ? À qui espères-tu faire croire ça ?

— Si … Toute une journée j’avais arrosé l’endroit. J’ai creusé un mètre environ. Je ne voulais pas les laisser là … Mais il fallait que j’attende.

— Attendre quoi ? Aboya Sturgens.

— L’argent … On ne m’a payé que la moitié du prix convenu …

Kovask la souleva et la colla dans un fauteuil. Il se souvenait des aveux du captain Dikson.

— Je suppose qu’il n’y a pas eu que l’histoire de l’Evans II. Qu’as-tu encore vendu et à qui ?

— Tous les transferts de grosses unités …

— À qui ?

— Un certain Jorge, boîte postale 117 à San-Diego. C’est tout ce que je sais.

— Et l’argent ?

— Quand je rentrais le soir, je trouvais un paquet dans ma boîte aux lettres et les instructions nouvelles. C’est Jorge qui m’a ordonné d’attirer chez moi la femme et la fille de Sigmond et de les liquider, si je ne voulais pas être supprimée moi-même.

— Comment as-tu été contactée ?

Mercedes regarda autour d’elle avec désespoir. Sturgens la menaça du regard. Kovask avait une rigidité impressionnante.

— Ma famille est originaire de Panama … C’est au cours des vacances que j’ai passées là-bas, il y a trois ans …

Kovask et Sturgens se regardèrent. Trois ans déjà. D’innombrables renseignements avaient dû filer.

— J’ai une amie … Paula Tedou.

Kovask se pencha vers elle. Enfin un lien authentique entre les différents acteurs du drame.

— Continuez !

— Elle m’a avoué qu’elle travaillait pour l’Unitad et que cela lui rapportait beaucoup d’argent. En effet elle vivait luxueusement. Elle m’a démontré combien il était facile pour moi d’en faire autant. Je pouvais recevoir de cent à mille dollars par information.

— Combien pour l’Evans II ?

— Mille. Le maximum.

C’était que l’Unitad attachait une grosse importance au tuyau.

— Et puis ?

— On m’a demandé d’utiliser les services de Sigmond.

Sturgens se fit spécifier le rôle de Klein, le quartier-maître tombé malade.

— C’est exact, dit-elle d’une voix lasse. Klein est en dehors du coup.

Kovask alluma une cigarette.

— Quand avez-vous vu Paula Tedou pour la dernière fois ?

— L’an dernier aux vacances.

— Était-elle déjà la maîtresse du captain Dikson ?

Mercedes Llanera lui jeta un regard de bête traquée. Ils en savaient fort long.

— Oui … Depuis quelques mois.

— Il trahissait déjà ?

— Certainement … Paula a d’ailleurs d’autres amants. Même s’ils sont réticents, elle excelle pour leur tirer des renseignements.

Kovask se promit d’en toucher un mot au colonel Hilton, chef de la section spéciale de sécurité. Le brave homme serait confondu.

— Mercedes Llanera, votre amie est morte. Le choc l’atteignit superficiellement. Trop égoïste pour — se lamenter sur les autres. Kovask éprouva un certain plaisir à lui préciser :

— Et vos petits amis de l’Unitad lui ont réservé une fin atroce. Ils l’ont décapitée.

Cette fois elle encaissa difficilement. Ils la virent accomplir des prodiges de volonté pour ne pas s’évanouir comme toute femme normale.

CHAPITRE X

L’interrogatoire de Mercedes Llanera se poursuivit dans les locaux de la Navy-police jusqu’à minuit. Kovask s’interrompit quelques minutes, mangea des sandwiches et avala un dopant pour lutter contre le sommeil. Depuis quarante-trois heures il n’avait pas fermé l’œil. Dans l’avion il s’était assoupi une heure.

La jeune femme ne leur apprit rien de plus ou presque. Elle ignorait où se trouvait Sigmond et paraissait surprise que le chimiste Edgar Brown soit mêlé à cette affaire. Sturgens emmena Kovask dans son petit appartement. Ils fumèrent une dernière cigarette avant de se partager le lit et le divan.

— La poste centrale sera surveillée dès les premières heures. Si le mystérieux Jorge se présentait, il serait immédiatement arrêté.

Kovask hocha la tête d’un air dubitatif.

— Je ne crois pas qu’il vienne se fourvoyer dans le piège. J’ai même l’impression que mon rôle se termine ici, et que la suite n’intéresse que vos services. Demain je prends le Bœing à sept heures. Je serai au début de l’après-midi à Panama.

Il secoua la cendre de sa cigarette dans la poterie indienne placée entre eux.

— Je ne pars pas seul. David Wilhelm vient avec moi.

Sturgens ne parut même pas surpris.

— Voilà pourquoi vous êtes resté absent une bonne heure en fin de soirée ?

— Je l’ai très facilement persuadé. Il emporte quelques appareils, mais j’espère trouver les autres sur place. Il le fait avec l’intention visible de venger son patron, Edgar Brown, avec ses moyens personnels.

Le lendemain à une heure précise de l’après-midi, Kovask et Wilhelm débarquaient dans la fournaise panaméenne. L’avion était climatisé et le chimiste soupira en sortant son mouchoir. La sueur les recouvrait instantanément.

— Comment vivre dans une étuve pareille ? Mes appareils ?

— Ils seront transportés à l’Amirauté. Ne vous inquiétez pas.

Il ne fut pas étonné de ne pas découvrir Clayton derrière les barrières réservées au public. L’inspecteur devait être toujours à Puerto-Mensabé.

— Je vais vous laisser au génie maritime. Vous leur indiquerez les appareils dont vous avez besoin, et je repasserai vous prendre deux heures plus tard.

Le même taxi le conduisit aux Services de Sécurité. Il était à peine deux heures et le colonel Hilton n’était pas encore arrivé. Il patienta un quart d’heure. Le chef de la Section spéciale ne parut pas très heureux de le revoir. Ils s’enfermèrent dans son bureau.

— Depuis vingt-quatre heures tous les services sont alertés. Ceux de l’hydrographie, des écluses, du dragage, du balisage et j’en passe.

— Parfait. Clayton ?

— L’inspecteur est à Puerto-Mensabé en compagnie de deux hommes. Je lui ai donné pleins pouvoirs. Il est parti à l’aube hier, en voiture. Je n’ai aucune nouvelle. Vous savez que l’Evans II est renfloué et qu’ils sont en train de le remorquer à petite vitesse ? Deux nœuds à l’heure. Plus de quarante heures avant qu’ils n’arrivent. Pendant ce temps, les experts démontent tout à bord.

— Je ne suis pas passé à l’Amirauté. Je ne crois pas qu’on découvre quelque chose qui puisse nous intéresser à bord du navire.