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Le géologue arriva en même temps que le jeune officier. Henderson étira la longue bande tandis que Hume sifflotait dans son dos.

— Incroyable ! Ce n’est pas du tout le profil de plateau. L’appareil est certainement détraqué.

— Nous entrons dans la zone des hauts-fonds. Entre quatre-vingts et cent cinquante. Tout devrait marcher à merveille. Certainement une lame de quartz en train de flancher.

Hume hocha sa tête sans répondre. O’Hara attendait. Henderson souffla brusquement.

— D’ici quelques milles, les fonds vont encore remonter et des récifs à fleur d’eau apparaîtront.

— Nous pouvons toujours nous servir du magnétostriction de Parker en cas de coups durs.

— O’Hara, nous devons être dans la zone d’émission de Boby 6, dit précipitamment le lieutenant-commander. Allez aux nouvelles et revenez vite.

Hume se tenait à la main courante nickelée, car les inclinaisons se faisaient plus fréquentes au centre du navire.

— Qui est Boby 6 ? Henderson ne se dérida pas.

— On appelle ainsi les radiophares. Le 6 n’est pas très loin et doit nous guider dans les récifs.

Hume bourrait sa pipe à petits coups précis de son pouce. Son visage était encore plus long et plus laid que de coutume. Il gardait les yeux fixés sur Henderson. Quand il eut allumé sa bouffarde, il demanda :

— C’est uniquement un radiophare, Commander ?

— Hélas oui ! Aucun faisceau lumineux ne le signale. Un dispositif spécial se met en marche dès que l’humidité de l’air dépasse une certaine limite, et actionne une sirène de brume. Mais par gros temps, on ne l’entend qu’à une centaine de mètres et évidemment …

— C’est trop tard ! Fit Hume.

— Nous serions en plein récif.

O’Hara entra en coup de vent. Cette fois son visage un peu poupin était livide.

— Commander … On n’entend toujours pas le radiophare.

Henderson rejeta sa tête bronzée.

— Le point ?

— Nous sommes dans la bonne route. Hume tirait de petits nuages de fumée.

— Quel est le rayon d’émission de Boby ? Demanda-t-il.

— Vingt-cinq milles environ. Il est inutile de le régler au-delà. Il brouillerait d’autres émissions et ne servirait à rien puisque la zone de récifs ne commence qu’à cinq milles de lui.

O’Hara fit un pas en avant.

— L’écran-radar …

— Envoyez le midship. Qu’il nous prévienne lorsqu’il aura le radiophare dans son faisceau. Qu’il essaye d’établir la distance qui nous en sépare.

O’Hara sortit rapidement.

— Ces radiophares sont alimentés par batteries ?

— Dans le cas de Panama 6 oui. Sinon un câble les relie à la côte. Celui qui nous concerne est éloigné en pleine mer. Normalement, les batteries sont changées tous les mois, mais elles peuvent durer le double et le mécanisme est étudié pour ne pas avoir de panne.

Le géologue, cramponné à la main courante, ne paraissait nullement se troubler des mouvements violents de l’Evans II. Il réfléchissait intensément.

— Les moyens de contrôle ?

Henderson secoua la tête. Ses rides paraissaient plus profondes sous l’éclairage brutal qui tombait du plafond.

— Les bâtiments qui en connaissent l’existence. Parfois un poste d’écoute.

— La sirène d’alarme dépend-elle aussi des batteries ?

— Je crois. Un spiral très fin subit l’influence de l’humidité, et un bilames établit le contact. Le klaxon se déclenche pendant vingt secondes, s’interrompt quatre ou cinq avant de reprendre.

Les dents serrées sur le tuyau usé de sa pipe, Hume frotta son menton contre le col de sa marinière.

— Ni radio ni sirène … Ce pourrait être grave, Commander ?

— Très grave.

Hume se dirigea vers la porte.

— Je vais faire mettre en route le magnétostriction, mais il faudra utiliser l’intercom pour vous communiquer les indications.

— Attendez. Je vais vous adjoindre O’Hara. Ce sera plus commode pour la transmission des relevés.

Quand l’enseigne revint, les trois hommes du poste devinèrent qu’il apportait du nouveau.

— Miller m’a appelé pour me montrer son écran. D’après ses calculs, nous ne sommes qu’à une dizaine de milles du radiophare. La transmission radar est excellente et …

Henderson jura au grand étonnement des autres. Il se départait rarement de son calme. Il sortit, suivi par O’Hara. Le navigateur jeta un bref coup d’œil à Hume mais ne fit aucune observation.

— Dites au Commander que je suis au laboratoire.

Tous les savants s’y trouvaient, à l’exception de Marscher, le biologiste.

— Henderson a complètement oublié l’heure du dîner ! Explosa Parker. Il est huit heures un quart.

— Nous risquons de nous passer de ce repas ce soir … Parker, on a besoin de vos lumières et de votre émetteur d’ultrasons.

— À cette heure ?

— Écoutez tous …

Rapidement, il brossa un exposé de la situation telle qu’il avait pu s’en rendre compte. Tous l’écoutaient avec stupéfaction. Depuis un mois qu’ils étaient à bord de l’Evans II, rien de tel ne s’était passé.

Quand Hume se tut et s’occupa de rallumer sa pipe, un long silence suivit. Ce fut le rouquin, Brown le chimiste, qui le coupa.

— Voulez-vous dire que nous risquons de nous jeter sur des récifs ?

— Pourquoi ne pas rester au large ?

— Avec le vent, la houle va s’amplifier dans les heures à venir. Il est plus sage de chercher un abri. Puerto-Mensabé est le plus proche. La route difficile, mais praticable même par gros temps.

— À condition que le radiophare et l’asdic fonctionnent, ce qui n’est pas le cas, susurra Parker, le visage luisant de transpiration.

La porte s’ouvrit et, dans une poussière d’embruns, Hugo Marscher, le biologiste, entra. Il portait avec dévotion une assiette contenant des corps blanchâtres.

— Pharamineux ! Des larves cypris de balanes dans la poche stomacale d’une dorade … congelée. Et deux d’entrés elles me paraissent en vie.

— Vous savez, dit Parker acide, l’hibernation a déjà fait pas mal de progrès et le problème qui nous préoccupe en ce moment risque de minimiser l’intérêt de vos bananes.

— Balanes ! Se rebiffa Marscher, mais pourquoi faites-vous ces gueules-là ?

Tous se tournèrent vers Hume qui donna un digest de son premier récit. Mais le biologiste s’occupait de ses larves cypris, comme s’il allait avoir le temps nécessaire de les examiner.

On frappa à la porte du laboratoire et O’Hara entra, vêtu de son ciré noir. Il ruisselait. De fait, le tangage était de plus en plus rude.

— À votre disposition, monsieur Hume.

— C’est surtout Parker qui aura besoin de vous.

Le petit homme chauve s’occupait dans son coin. Il chargeait l’appareil d’une bande enregistreuse. Il eut un regard réfrigérant pour l’enseigne.

— Je suppose que votre commandant désire des renseignements sur le relief le plus proche et non la profondeur à la verticale ?

Encore plus acre, il demanda à Brown ses rapports sur la salinité et commença ses calculs dès que les premières indications furent données sur la bande.

O’Hara déclencha l’intercom.

— Commander, à votre disposition.

— Bien. Dites à ces messieurs que le repas est servi, mais que je ne serai pas des leurs. Faites-vous porter un sandwich, O’Hara, car vous êtes là pour un bout de temps.

Seul Hume resta dans le laboratoire. Il fumait sa pipe, l’air absent. Il regardait faire les deux hommes. Parker calculait vite sur son ardoise magique, faisait les rectifications en tenant compte de la salinité et de la température. Il jetait de fréquents coups d’œil au compas gyroscopique monté sur le côté de son appareil. Tout paraissait marcher parfaitement. Les seuls échos enregistrés concernaient la profondeur. Dix minutes passèrent puis Parker poussa un grognement. Il fit ses calculs, les poussa sous le nez de O’Hara.