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— Ça doit faire du joli à bord, dit quelqu’un.

Kovask imaginait sans peine l’affolement général. Il était satisfait de son plan et espérait que les marines maîtriseraient l’équipage sans endosser la moindre perte.

— Vous appréciez, hein ? Lui souffla Clayton.

— Pleinement !

— Cette fois, il pivote totalement.

— Dans deux minutes, il sera en plein dans les eaux territoriales.

Les flammes roulaient maintenant en un immense mascaret de feu, et la demi-couronne avait fait place à une fantastique muraille.

— Ça vaut les feux d’artifices du 4 Juillet, sur le Canal, affirma l’inspecteur.

Le Coban grossissait visiblement. Kovask distinguait parfaitement son profil. Il piquait droit sur eux.

— Pourvu qu’ils ne tentent aucune manœuvre désespérée une fois dans les eaux territoriales.

— J’y pense, dit Clayton. S’il s’était trouvé un autre bâtiment dans les parages ?

— Le cas était prévu et la zone a été soigneusement fouillée par les radars, je vous en donne ma parole.

Une nouvelle fois, le haut-parleur nasilla. Le ton de la voix. Avait changé :

— Ici escorteur côtier « Caroline ». Le commandant de bord, lieutenant Hanover, au capitaine commandant le cargo Coban … Vous venez de pénétrer dans les eaux territoriales … Ordre vous est donné de mettre en panne et de permettre à l’officier d’inspection l’accès de votre pont. Il n’y aura pas d’autre semonce.

Presque aussitôt, un coup de canon éclata à l’avant de l’escorteur.

— Le commando est certainement à bord, dit Kovask.

Wouters, le délégué du gouverneur, lui tendit une paire de jumelles. On distinguait bien des silhouettes sur le pont du cargo, mais il était impossible de savoir ce qui s’y passait réellement.

La vedette glissa en direction du cargo. Au large, l’incendie paraissait décroître peu à peu, mais tes flammes étaient encore suffisantes pour éclairer la scène.

— Ici Caroline … Par signaux optiques, le sergent-chef commandant la section de marines nous fait savoir qu’ils sont en partie maîtres de la situation. Seuls, quelques hommes réfugiés dans le gaillard d’avant tirent par les hublots de pont. Ils vont utiliser les grenades lacrymogènes.

Quand la vedette accosta le long de l’échelle de coupée, tout paraissait calme à bord. Le sergent-chef s’approcha du commodore pour le rapport.

— Vingt-trois personnes à bord, commodore. Quatre tués et plusieurs blessés.

— Chez vous ? S’inquiéta l’officier supérieur.

— Quelques blessés sans gravité. Ils ont commencé à tirer en refluant vers le gaillard d’avant. Mais l’équipage notait pas armé. Il s’agit en fait de gardes du corps. Nous avons séparé les officiers de bord et les matelots du reste de la troupe.

Kovask apprécia pleinement. Les marines avaient collé la fine équipe dans le carré des officiers. Quand il entra, il reconnut d’abord la femme.

— Señora Dominguin ! Fit-il ironique.

— C’est une honte ! Siffla-t-elle. Vous vous en mordrez sérieusement les doigts. Nous sommes très bien placés dans notre pays pour …

Kovask regardait un homme au teint olivâtre, au regard sournois. Gras et répugnant, ce ne pouvait être que le roitelet de Pueblo-Mensabé.

— Señor Dominguin, je suppose ?

Un homme blond essayait de se dissimuler derrière les autres. Kovask le désigna aux marines.

— Celui-ci, aux fers immédiatement … Le traître Sigmond, renégat de la Navy. Faites taire cette femme.

Le commodore entrait, suivi de tous les autres.

— Le compte y est, lieutenant ? — Je crois.

— Nous venons d’avoir une vue d’ensemble du matériel. Votre ami Wilhelm est affairé et très passionné.

Les autres n’étaient que des comparses, des gardes du corps. Plusieurs portaient des pansements provisoires.

— Les morts sont dans le gaillard d’avant, précisa le sergent-chef.

Le commodore se pencha vers Kovask.

— Mission réussie et sans gros ennuis … Mes félicitations ! Vous comptez mener l’interrogatoire demain ?

— Tout de suite … Je veux dire une fois à terre. Il faut éclaircir certains points.

— Si nous pouvions mettre la main sur Ponomé … Ce serait la meilleure des choses.

Kovask alla à son tour visiter le matériel. Il resta songeur devant l’immense parabolique de l’émetteur. La céramique avait plusieurs mètres de haut.

— Presque quatre mètres, dit Wilhelm qui frétillait d’aise au milieu de ce désordre. Vous avez vu le treuil ? Cette pièce doit peser plusieurs milliers de kilos et je me demande quelle fonderie a pu le couler …

— Vous vous le demandez ? C’est signé … Quelle puissance a fait des progrès énormes dans ce domaine, ces dernières années ? Qui utilise des fusées balistiques à base de céramique ?

Wilhelm avait les yeux ronds.

— Ne cherchez pas plus loin … Aussi surprenant que cela vous paraisse, il n’y a que les Soviétiques pour avoir fourni cet appareillage à l’Unitad. Malgré certaines divergences politiques. Vous venez avec nous ou bien vous restez ? Nous allons gagner la terre avec la vedette.

Wilhelm passa sa langue sur ses lèvres comme un gosse gourmand.

— Si vous m’y autorisiez … Je resterais bien. Kovask éclata de rire et rejoignit Clayton.

Ce dernier paraissait sombre.

— On va encore passer la nuit à interroger ces salopards ? Vivement que vous preniez le Bœing du retour. Je vous accompagne à Tecumen avec des fleurs, puis je vais roupiller quarante-huit heures de riffle.

Le commodore s’entretenait avec le capitaine du cargo. Ce dernier prétendait que son bâtiment avait été loué pour six mois par le señor Dominguin, et il se réfugiait derrière sa nationalité guatémaltèque.

Chisholm suivit le lieutenant sur la coursive.

— L’ennui, c’est qu’il a en partie raison. On ne peut relever contre lui que le refus de mettre en panne … Nous pourrons garder quelque temps le bateau et son équipage, mais nous devrons ensuite le restituer … Et contre Dominguin ? Quelles charges ?

— Ils ont tiré sur la section de Marines.

— Oui, évidemment, mais ce n’est pas suffisant.

Kovask alluma une cigarette. — Je compte particulièrement sur Sigmond. Il a vécu dans leur sillage pendant une semaine.

Il doit savoir des tas de choses passionnantes. Dominguin est certainement responsable de forfaits et crimes commis sur le territoire de la Zone.

— Et si ce premier-maître refuse de parler ?

Kovask sourit.

— Je crois qu’il parlera … N’oubliez pas que sa femme et sa fille ont été tuées par ceux-là même qu’il servait. Un homme ne peut pas supporter ça. Enfin, il y a l’agression contre le L. 4002. Certainement commandé par Dominguin ?

Le visage du commodore s’éclaira.

— J’oubliais, en effet … L’état du jeune enseigne est très grave et, s’il meurt, ces gens-là doivent être durement châtiés.

Le ton de Kovask devint un murmure :

— Nous devons les tenir au secret quelque temps. Empêcher que la politique n’utilise leur arrestation. Quand nous aurons toutes les preuves, nous pourrons y aller carrément.

Chisholm paraissait rêveur.

— Décapiter l’Unitad, c’est remporter une belle victoire. Il va falloir jouer serré.

Sur la mer, seules quelques flaques de fuel brûlaient encore. L’air humide était saturé de fumée et tous avaient le visage et les mains noircis. Solidement encadrés par les Marines, Dominguin et sa femme descendirent la passerelle de coupée et pénétrèrent dans la vedette.