Выбрать главу

Il paraissait inquiet et Kovask lui tapa sur l’épaule.

— Ne vous bilez pas mon vieux ! … J’ai fait un stage dans les commandos, et c’est une profondeur que je puis supporter facilement.

L’un après l’autre ils se laissèrent glisser au bas de l’échelle, s’engloutirent. Le chef des hommes grenouilles, Jones, portait une puissante torche électrique. Kovask éprouva une certaine émotion quand il plana au-dessus de l’Evans II. Le navire avait heurté un récif à l’avant. En coulant il avait glissé tout le long. Son pont avait une inclinaison de quarante-cinq degrés environ.

Une énorme cloche à plongeur était collée à l’avant, et quelques hommes grenouilles s’agitaient dans les glauques profondeurs.

Pour pénétrer dans le poste de pilotage, on avait ôté une porte de ses gonds. Ils y accédèrent facilement et Palacin se dirigea d’abord vers la chambre de veille-radar. Il n’y resta que quelques minutes, rejoignit ses deux compagnons en secouant la tête.

Puis il s’approcha de l’asdic et l’ausculta soigneusement. Il finit par soulever les épaules en signe d’impuissance. Évidemment, sans démontage, il ne pouvait établir si l’engin avait été endommagé ou non. Dans la pièce de commandement, ils vérifièrent chaque appareil. C’est en se baissant sous une table que Serge Kovask discerna une tache blanchâtre. Il la prit avec précaution. C’était une feuille de papier saturée d’eau, mais sans la moindre trace d’écriture.

La chance voulut que Jones éclairât la pièce devant lui et, par transparence, il discerna quelques lignes brisées. Il fit signe à l’homme de s’approcher et tira Palacin vers lui. Du doigt, il lui désigna le graphique qui apparaissait en filigrane.

Derrière son masque, le petit officier ouvrait des yeux ronds. Il paraissait même très surexcité. Kovask se baissa, ramassa deux débris de verre et plaça la feuille entre. Il la confia à Jones, entraîna son compagnon vers le laboratoire.

Tout de suite Palacin remarqua le magnétostriction, parut tomber en arrêt. Visiblement l’appareil était en ordre de marche. Dans le choc, son rouleau transcripteur s’était déboîté et la longue bande de papier flottait dans la pièce comme pour une décoration funèbre. Ils essayèrent de le récupérer, mais le papier était de moins bonne qualité et se désagrégeait entre leurs doigts.

Jones ramassa une ardoise magique. Le mica avait protégé les chiffres disposés à la hâte par le dernier opérateur. Puis il indiqua les bouteilles d’air comprimé, fit comprendre qu’il était prudent de remonter.

Une demi-heure plus tard, les trois hommes étaient réunis chez le commander Walsch. Leurs trouvailles, le papier de l’asdic disposé entre les deux plaques de verre et l’ardoise magique, étaient sur une table.

Palacin examinait cette dernière avec obstination. Walsch alluma une forte lampe et, en appuyant la feuille contre le morceau de vitre, Kovask put reconstituer au crayon les lignes brisées du diagramme.

— De la folie ! Grogna le commander. Jamais vu un fond pareil ! C’est de l’anticipation ou quoi ?

— Pourtant l’asdic travaillait en profondeur n’est-ce pas, Palacin ?

L’officier approuva silencieusement.

Alors ? C’est comme s’il avait envoyé des échos sur une côte particulièrement rocheuse et encore …

Jones restait silencieux. Pourtant, quand Kovask se tut, il avança doucement.

— Curieux qu’ils se soient aussi servi du magnétostriction. Cela prouverait que l’asdic était en panne.

— Le radar, lui, m’a paru correct, dit Palacin. Mais je ne comprends pas bien ces calculs. Les distances données par les échos sont terriblement longues par moments. Trois milles, quatre milles. Rien de dangereux là-dedans, même modifiées par les indices de salinité et de température.

Walsch servait à boire et veillait à ce que les verres soient remplis.

— L’asdic est composé de lamelles de quartz n’est-ce pas, Palacin ? Si une sur deux claque, ne pourrions-nous pas obtenir ce truc-là ?

Palacin grogna que c’était possible, mais se demandait par quel processus de court-circuit et de contacts.

— Si la pointe du stylet n’avait pas marqué profondément dans le papier, nous n’aurions jamais eu ce document en main dit l’agent de L’O.N.I. L’encre s’est diluée évidemment.

On frappa à la porte, et Walsch cria d’entrer. Un matelot lui tendit un message cacheté.

— Base de Panama. Quoi de cassé encore ?

Ses yeux s’arrondirent.

— Écoutez ça.

Il reprit son souffle tandis que les trois autres attendaient avec impatience.

— Dans la nuit du 8 au 9 janvier, le radiophare U.S. Pan 6 a été en panne pendant plusieurs heures, et certainement entre six heures et minuit. Et vous savez comment ils l’ont su ? Un navire en route vers Frisco qui vient tout juste de le signaler. Un cargo panaméen d’ailleurs, dont le capitaine a enfin réalisé qu’au retour il aurait certainement besoin de ce boby-là. Il se trouve à une dizaine de milles d’ici. Et je peux vous garantir qu’il marche, car il fait des interférences pour nos réceptions.

Soudain il rougit et se tourna vers Kovask.

— Désolé mon vieux ! Je n’avais pas vu que le message vous était adressé.

Kovask l’excusa d’un sourire, mais il rageait dans le fond. Il ne faisait jamais confiance à personne au cours d’une enquête. Il regarda Jones et Palacin.

— Je compte sur vous pour ne pas parler de ce détail ni de ceux que nous avons découverts par le fond.

Ils inclinèrent la tête tandis que le commander, de plus en plus embarrassé, lapait un dernier verre.

— Êtes-vous d’accord pour une nouvelle plongée au milieu de l’après-midi ?

Pour se réconcilier avec le bonhomme il ajouta :

— Quand nous aurons digéré cette fameuse tortue que nous promet le commander.

Mais Walsch gardait l’œil éteint. Peut-être comprenait-il qu’il n’était plus qu’une vieille ganache n’ayant pas tenu les promesses de sa jeunesse.

Kovask examina le message et nota le nom du bateau panaméen. Le Santa Flora.

CHAPITRE III

Immédiatement après le repas, Kovask signa une décharge au commissaire de bord et s’enferma dans la cabine du commander, avec le journal de bord du lieutenant-commander Henderson. La journée du 8 janvier comportait quelques indications sans importance, mais l’attention du lieutenant se fit plus vive au bas de la page.

À six heures, il recevait un flash météo de Panama l’informant qu’une forte houle venait de se former et se dirigeait vers l’Evans II. Elle devait l’atteindre une heure plus tard. Le navire était en route vers Puerto-Mensabé. Henderson ne cachait pas que la zone était dangereuse et hérissée de récifs, mais il avait confiance en ses appareils de bord et écrivait qu’ils allaient entrer dans quelques minutes dans la zone d’émission de U.S. PAN 6.

Un peu plus tard, l’enseigne de première classe O’Hara lui apprend que l’asdic lui paraît fonctionner anormalement. En lisant cela, Kovask hocha la tête. Leur trouvaille sous-marine se confirmait.

À sept heures, Henderson ne cache pas son anxiété en écrivant que le radiophare est muet. Il est pourtant certain d’être à proximité. À l’aide de son magnétostriction, le physicien Parker aidé de O’Hara va faire des relevés préventifs de la route. Le vent est assez violent, et la houle devient de plus en plus forte avec des trains d’ondes très violents.

À sept heures trente, le radiophare apparaît sur l’écran de radar. À moins de dix milles. Donc aucun doute, PAN 6 est déréglé. La côte est à trente milles environ.