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Walsch gratta sa gorge.

— L’Evans n’emportait pas de plongeurs avec lui. Il ne faisait des recherches qu’avec les instruments de bord.

— Je sais. Mais Sigmond pouvait fort bien posséder un équipement d’homme grenouille. Ce ne sont évidemment que des suppositions.

— Et Brown, le chimiste ? Kovask haussa les épaules.

— C’est un autre problème. Je vais vous quitter pour aller jeter un coup d’œil à Boby.

— Vous ne reviendrez pas ?

— Ce soir ? Certainement pas. Demandez aux hommes-grenouilles qu’ils recherchent les cantines de ce Sigmond. Si des fois l’eau avait pu les pénétrer, et que l’on trouve des traces de talc à l’intérieur. Mouillé, le talc forme de petits amas grisâtres.

— Entendu.

La vedette s’éloigna lentement en direction du radiophare. L’endroit était particulièrement dangereux. Kovask regardait la construction se rapprocher dans le double cercle de ses jumelles.

Le radiophare était monté sur quatre pilotis robustes. Un premier cube carré était posé sur les piliers. Un cube plus petit était posé sur le premier et lui-même surmonté par la tour métallique de l’antenne. Le tout avait une hauteur de vingt mètres environ.

Le rocher sur lequel il était construit était recouvert par la mer, mais on avait élevé une rugueuse plate-forme en béton, aux coins brisés.

La vedette, garnie de coussins pneumatiques put s’approcher de l’îlot. Un matelot sauta sur la plateforme incrustée de coquillages, noua l’amarre autour de l’anneau spécial. Kovask le rejoignit. Il avait demandé à être seul sur l’îlot pour éviter toute destruction de traces.

Une échelle de fer s’élevait jusqu’à la base de l’antenne. C’était dans le deuxième cube qu’une porte en fer permettait d’accéder à l’intérieur du radiophare. La pièce où étaient disposés les batteries, le poste-émetteur et l’avertisseur sonore, dont les trompes surgissaient aux quatre coins de la construction. Même une forte houle n’aurait pu dépasser le cube de la base.

Kovask remarqua autour de la serrure de la porte des éraflures dans l’aluminium. On avait forcé la serrure, avec succès certainement, puisque le poste n’avait pas fonctionné pendant six heures.

C’était la première preuve formelle d’un attentat criminel contre l’Evans II. Jusque-là, seules des suppositions nées d’éléments suspects avaient été formulées. Il en chercha d’autres, mais ne trouva pas.

Au pied de l’échelle, plusieurs coquillages étaient écrasés et il s’agenouilla, cherchant avec soin. Il trouva enfin. Un minuscule lambeau de caoutchouc noir. Il pouvait tout aussi bien avoir été arraché à la semelle d’un vérificateur du service d’entretien qu’aux palmes d’un homme grenouille.

Il remonta jusqu’à la porte en aluminium. Pourquoi ces éraflures, alors qu’on avait utilisé une fausse clé ? On avait même refermé la porte avec soin. Le visage grave il revint sur la plate-forme.

Le patron de la vedette attendait ses ordres.

— Puerto-Mensabé dit-il simplement.

Le soleil se couchait et ils dépassèrent de nombreuses barques qui ralliaient le petit port. La Vedette se rangea le long du wharf.

— En principe, à demain matin, dit Kovask en serrant la main du patron. Mais je vous demande d’être toujours sur le qui-vive et prêt à appareiller à n’importe quelle heure.

Il quitta les quais, se dirigea vers le village de pêcheurs. Il n’avait qu’une petite valise à la main. Il s’arrêta près d’un métis qui ravaudait des filets pour lui demander la maison des Morillo.

L’homme hocha gravement la tête, téta son cigare éteint.

— Vous êtes de la famille ?

— Non. Il faut que je le voie.

Le zambo murmura quelque chose, puis reprit sa navette.

— Vous verrez. Il y a du monde devant la maison. L’enterrement est pour demain.

Kovask sentit qu’il tenait enfin une piste.

— Je ne comprends pas dit-il.

— Ils sont morts tous les deux. Au retour de Las Tablas, le camion a versé dans un ravin. Le chauffeur est mort lui aussi et le camion a brûlé. Le señor Dominguin ne va pas être content d’apprendre ça quand il reviendra des États-Unis.

Machinalement, Serge demanda qui était le señor Dominguin et l’autre le regarda avec stupeur.

— Le señor Dominguin ? Mais …

Il chercha puis désigna le village des pêcheurs, celui des ouvriers agricoles, la conserverie, la distillerie et le port.

— Le señor Dominguin, c’est ça.

Kovask fit un détour et se fit indiquer le commissariat. Il parcourut un bon mille avant d’arriver à l’allée de palmiers. Par chance, le lieutenant Delapaz se trouvait là.

— Quelle bonne idée señor ! … Vous prendrez bien quelque chose de frais ?

L’Américain entra presque tout de suite dans le vif du sujet en parlant des Morillo. Le policier se rembrunit.

— Vous savez ? Terrible accident. Le chauffeur a dû être ébloui par le soleil couchant. Il y a deux heures que c’est arrivé, environ à dix kilomètres d’ici.

— Vous n’y êtes pas allé ?

L’homme soupira.

— Le camion est au señor Dominguin et il aime bien agir à sa guise. La señora Dominguin s’est rendue sur les lieux avec un de mes agents.

— Le camion est toujours dans le ravin ?

— Je croîs, fit l’autre réticent.

— Pourriez-vous m’y conduire ?

Delapaz se mordit les lèvres.

— La nuit va tomber dans quelques minutes et le ravin est très profond. Nous n’y verrons pas grand’chose.

— Je peux emprunter de puissantes torches marines au patron de la vedette.

Mais le policier avait encore raidi sa position.

— Je regrette, mais mon temps est pris pour la soirée.

Kovask se leva brusquement. Sa mâchoire s’était contractée, et dans ses yeux pâles les pupilles devenaient inquiétantes.

— Tant pis, je louerai une voiture pour me rendre là-bas. Où puis-je en trouver une ?

Mollement, Delapaz lui indiqua le garagiste local, du côté de son hôtel précisément. Kovask prit congé de lui en s’efforçant d’être affable. Il aurait besoin du policier dans l’avenir.

En moins d’une demi-heure il s’était fait une opinion sur Puerto-Mensabé. Le village et la plus grande partie de la terre appartenaient au señor Dominguin. Les moindres gestes des habitants étaient dictés par la volonté de ne pas déplaire à ce petit potentat.

Le garagiste, un jeune homme nommé Serena, était bouleversé par l’accident qui avait fait trois morts. Il avait bien un véhicule à louer, une Dodge datant de plusieurs années, sa propre voiture. Kovask ne discuta pas et lui versa dix dollars pour une journée.

Peut-être la garderai-je plus longtemps, dit-il à Serena.

La nuit était totalement tombée. Il alla emprunter divers objets au patron de la vedette, un rouleau de corde et une forte lampe électrique.

Dix minutes plus tard, il roulait sur la piste de Las Tablas.

CHAPITRE IV

La nuit était poisseuse et des milliers d’insectes venaient s’écraser contre le capot et le pare-brise, aveuglés par les phares. Kovask dut s’arrêter pour nettoyer la glace de la bouillie animale qui la recouvrait.

La piste était poussiéreuse, s’enfonçait dans des collines luxuriantes, suivait un ravin qui paraissait profond. Il ralentit encore, cherchant les traces de l’accident. Le sol était plat, sans ornières et nids de poule. Deux véhicules même importants pouvaient se croiser sans risques.