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substitutions, boîtes de chiffrement, même les anagrammes.

Elle avait entré les lettres « SANSCIRE » dans son ordinateur en lui demandant de les réorganiser pour trouver d’autres portions de phrase cohérente. Tout ce qui en était ressorti était

« RIS EN SAC » pour ne pas parler d’associations encore plus saugrenues telles que « CRI NASSE », « SI CRANES », « NI CRASSE »... De toute évidence, Ensei Tankado n’était pas le seul à pouvoir écrire des codes incassables !

Les pensées de Susan furent interrompues par le son des portes qui coulissaient sur leur rail. C’était le commandant.

— Alors Susan, du nouveau ?

Strathmore s’arrêta net en apercevant Greg Hale :

— Tiens, bonsoir, monsieur Hale, lança-t-il en le fixant du regard. Nous sommes samedi. Que nous vaut cet honneur ?

Hale eut un petit sourire innocent.

— Conscience professionnelle. Histoire de justifier mon salaire...

— Je vois, grogna Strathmore.

Il sembla hésiter un instant. Finalement, il prit, comme Susan, la décision de ne pas ruer dans les brancards.

— Mademoiselle Fletcher, puis-je vous parler un instant – à l’extérieur ?

Susan marqua un temps d’arrêt, regardant tour à tour son écran et Greg Hale, à l’autre bout de la table ronde.

— Euh... oui, bien sûr, commandant. J’arrive tout de suite.

Elle pianota sur son clavier pour lancer ScreenLock. C’était un programme de confidentialité. Tous les terminaux du Nodal

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3 en étaient équipés. Comme les ordinateurs restaient allumés nuit et jour, ScreenLock permettait aux cryptologues de quitter leur poste de travail en étant sûrs que personne ne viendrait trifouiller dans leurs fichiers. Susan entra son code personnel à cinq caractères, et son écran devint tout noir. Il resterait ainsi inactif jusqu’à ce qu’elle tape à nouveau son mot de passe.

Une fois la chose faite, elle enfila ses chaussures et sortit avec Strathmore.

— Qu’est-ce qu’il fiche ici ? lui demanda Strathmore dès qu’ils furent à l’extérieur.

— Ça lui arrive souvent. Rien d’inhabituel.

Strathmore avait l’air inquiet.

— Il vous a parlé de TRANSLTR ?

— Non. Mais s’il affiche le compteur et voit qu’il tourne depuis seize heures, il va m’assaillir de questions.

Strathmore réfléchit un moment.

— Il n’a guère de raison d’ouvrir le compteur, mais on ne sait jamais...

Susan guettait sa décision.

— Vous voulez le renvoyer chez lui ?

— Non. Laissons-le tranquille.

Strathmore jeta un coup d’œil vers le bureau de la Sys-Sec :

— Chartrukian est parti ?

— Je ne sais pas. Je ne l’ai pas revu.

— Mon Dieu, soupira-t-il. Quel cirque !

Il passa sa main sur une barbe naissante qui ombrait ses joues après trente-six heures de travail ininterrompu.

— Aucune nouvelle de votre sonde ? Je tourne en rond, là-haut dans mon bureau.

— Rien encore. Et vous ? Des nouvelles de David ?

Strathmore secoua la tête.

— Je lui ai demandé de ne plus m’appeler jusqu’à ce qu’il ait récupéré la bague.

Susan le regarda avec étonnement.

— Mais s’il a besoin d’aide ?

— Je ne peux rien faire pour lui d’ici. Il ne doit compter que sur lui-même. De plus, je préfère éviter de lui parler sur des lignes non sécurisées, au cas où quelqu’un écouterait.

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Susan écarquillait les yeux, toute pâle.

— Qu’est-ce que vous voulez dire ?

Strathmore regretta immédiatement ses paroles. Il lui adressa un sourire rassurant.

— David va bien, ne vous inquiétez pas. Je suis juste quelqu’un de prudent.

Dix mètres plus loin, à l’abri des regards derrière les vitres teintées du Nodal 3, Greg Hale se tenait devant le terminal de Susan. L’écran était noir. Il jeta un regard vers Strathmore et Susan. Puis il prit son portefeuille et en sortit une petite carte répertoire qu’il consulta.

Tout en vérifiant que les deux autres continuaient leur conversation, Hale entra, avec précaution, cinq caractères sur le clavier de Susan. Une seconde plus tard, l’écran était réactivé.

— Bingo ! gloussa-t-il.

Cela n’avait pas été bien difficile de voler les codes personnels de l’équipe du Nodal 3. Les claviers des terminaux étaient tous identiques, et détachables. Hale avait emporté le sien chez lui un soir pour y installer une puce qui enregistrait toutes les frappes. Ensuite, il arrivait à la première heure à la Crypto, échangeait son clavier modifié contre celui d’un collègue, et attendait. A la fin de la journée, il procédait à l’opération inverse et récupérait les données stockées dans la puce. Même si des milliers de signes apparaissaient, trouver le code d’accès était élémentaire ; la première chose que tapaient les cryptologues le matin, c’était leur code personnel, pour débloquer leur terminal. Un jeu d’enfant, donc : le code d’accès était les cinq premiers caractères de la liste.

C’était finalement assez comique, songeait Hale en regardant l’écran de Susan. Il avait volé les codes ScreenLock de ses collègues par pure facétie. Mais, à présent, il se félicitait d’avoir eu cette riche idée : car le programme affiché sous ses yeux n’était pas banal !

Hale le parcourut rapidement. Il était écrit en LIMBO, un langage qui ne lui était pas familier. Mais une évidence lui sauta aux yeux : il ne s’agissait pas d’un diagnostic. Trois mots, seulement, étaient compréhensibles – trois mots édifiants :

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PISTEUR EN RECHERCHE...

— Un pisteur ? lâcha-t-il à voix haute. Qu’est-ce que Susan peut bien chercher ?

Hale eut un mauvais pressentiment. Il examina un moment l’écran, puis prit sa décision... Malgré ses lacunes, Hale savait que le LIMBO s’inspirait largement de deux autres langages de programmation – le

C

et

le

Pascal – qu’il

maîtrisait

parfaitement. Après avoir vérifié que Strathmore et Susan étaient toujours en pleine conversation au-dehors, Hale improvisa. Il entra quelques commandes en Pascal modifié et enfonça la touche ENTER. À son grand soulagement, la fenêtre d’état du pisteur afficha exactement ce qu’il avait espéré.

SUSPENDRE L’ACTIVITÉ DU PISTEUR ?

A toute vitesse, il pianota : oui.

SUSPENSION CONFIRMÉE

A nouveau : oui.

Quelques instants après, l’ordinateur émit un bip.

PISTEUR ANNULÉ

Hale esquissa un sourire de satisfaction. Le terminal de Susan avait envoyé un message au pisteur, pour lui donner l’ordre de s’autodétruire prématurément. Il ignorait ce que pistait au juste Susan, mais une chose était sûre, elle risquait d’attendre longtemps le résultat de sa recherche !

Soucieux de ne laisser aucune trace de sa manœuvre, Hale navigua habilement jusqu’au journal d’activité et effaça toutes les commandes qu’il venait d’effectuer. Puis il entra à nouveau le code personnel de Susan. L’écran redevint noir.

Quand Susan Fletcher retourna dans le Nodal 3, Greg Hale était assis bien sagement derrière son ordinateur.

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30.