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— Peut-être parce que Tankado est meilleur que nous ?

— Possible.

Susan haussa les épaules, feignant de se désintéresser de la question.

— On s’est écrit plusieurs fois, lâcha Hale d’un ton détaché.

Tankado et moi. Tu le savais ?

Susan releva la tête et tenta de masquer son trouble.

— Non. Je l’ignorais.

— Ouais. Après que j’ai dénoncé la porte cachée dans Skipjack, il m’a écrit... pour me dire qu’on était deux frères d’armes dans le grand combat pour sauvegarder la vie privée du citoyen du nouveau monde numérique.

Susan masquait difficilement son étonnement. Hale connaissait personnellement Tankado !

— Il m’a félicité, poursuivait Hale, pour avoir révélé la supercherie... selon lui, c’était une atteinte directe aux droits fondamentaux des internautes du monde entier. Il faut bien admettre, Susan, que mettre une porte secrète dans Skipjack, c’était un coup bas de la NSA. Pouvoir lire les e-mails de n’importe qui... Si tu veux mon avis, Strathmore a bien mérité d’être pris la main dans le sac.

— Greg, lança Susan d’un ton cassant, en contenant sa colère. Le seul objectif de la NSA, c’était de pouvoir décoder les e-mails menaçant la sécurité nationale.

— Ah bon ? fit Hale d’un air innocent. Pouvoir espionner au passage tous les citoyens du pays, c’était quoi, alors ? Une petite cerise imprévue sur le gâteau ?

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— Nous n’espionnons pas les citoyens moyens, tu le sais très bien. Le FBI peut enregistrer les conversations téléphoniques, ça ne veut pas dire qu’ils écoutent tous les appels.

— S’ils avaient le personnel, ils le feraient !

Susan ne releva pas.

— Les gouvernements doivent avoir accès aux informations qui mettent en péril le bien commun.

— Mon Dieu ! lâcha Hale dans un soupir. On dirait que Strathmore t’a fait un lavage de cerveau. Tu sais parfaitement que le FBI ne peut pas écouter librement les gens... il leur faut le mandat d’un juge ! Alors que placer une porte secrète dans un standard de codage, cela revient à permettre à la NSA d’espionner n’importe qui, n’importe quand, n’importe où.

— Exactement... et ça devrait être le cas ! s’emporta Susan.

Si tu n’avais pas dénoncé l’entrée secrète de Skipjack, nous aurions accès à tous les messages cryptés, tous ! Et pas seulement ceux que TRANSLTR peut prendre en charge.

— Si je n’avais pas révélé l’existence de cette porte, rétorqua Hale, quelqu’un d’autre s’en serait aperçu un jour ou l’autre. J’ai sauvé vos fesses ! Tu imagines le scandale si la nouvelle était tombée alors que Skipjack était déjà en circulation ?

— Ce ne serait pas pire qu’en ce moment, objecta Susan.

Avec les paranos de l’EFF qui croient que nous mettons des entrées secrètes dans tous nos algorithmes.

Hale prit un ton hautain.

— Parce que ce n’est pas le cas ?

Susan lui jeta un regard glacial.

— De toute façon, reprit-il en se radoucissant, la question ne se pose plus aujourd’hui. Vous avez construit TRANSLTR. Vous l’avez, votre source d’information intarissable ! Vous pouvez décrypter tout ce que vous voulez – tout – et à votre guise. Et personne ne vient vous demander des comptes. Vous avez gagné.

Nous avons gagné, rectifia Susan. Aux dernières nouvelles, tu travailles toujours pour la NSA.

— Plus pour longtemps..., minauda-t-il.

— Ne me donne pas de fausse joie.

— C’est sérieux, Susan. Bientôt je vais rendre mon tablier.

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— Je ne m’en remettrai pas.

À cet instant, Susan brûlait de faire payer à Hale tous ses problèmes du moment. Elle aurait voulu lui cracher à la figure toute sa rancœur – Forteresse Digitale, ses problèmes avec David, son week-end en amoureux gâché... mais son collègue n’avait rien à voir là-dedans. Sa seule faute, c’était d’être horripilant. Susan devait rester forte. En tant que responsable de la Crypto, son rôle était de maintenir la paix dans les rangs, et d’éduquer parfois. Hale était jeune et naïf.

C’était trop bête. Le talent de Hale lui avait permis d’intégrer la Crypto, mais il n’avait toujours pas saisi l’importance de la mission de la NSA.

— Greg, commença-t-elle d’une voix tout à fait calme. Je suis plutôt sous pression aujourd’hui. C’est juste que ça me met hors de moi quand tu parles de la NSA comme d’un Big Brother high-tech. Cette agence a été fondée dans un seul but : assurer la sécurité de la nation. Il faut bien parfois secouer les arbres pour faire tomber les fruits pourris. Je suis persuadée que la plupart des citoyens sacrifieraient avec joie un peu de leur droit à l’intimité s’ils savaient qu’en échange nous pouvons avoir à l’œil les méchants.

Hale ne répondit pas.

— Les gens de ce pays seront bien obligés, un jour ou l’autre, de s’en remettre à quelqu’un, continua-t-elle. Il y aura toujours des individus mal intentionnés qui se glisseront parmi les citoyens honnêtes. Quelqu’un doit pouvoir les surveiller et séparer les bons éléments des mauvais. C’est notre rôle. C’est aussi notre devoir. Que cela nous plaise ou non, la frontière qui sépare la démocratie de l’anarchie est fragile. La NSA est là pour garder cette frontière.

Hale hocha la tête d’un air pensif.

Quis custodiet ipsos custodes ?

Susan le regarda avec de grands yeux.

— C’est tiré des Satires, de Juvénal. Ça veut dire : « Qui gardera les gardes ? »

— Comment ça ?

— Si c’est nous les gardiens de la société, alors qui nous surveillera pour s’assurer que nous ne sommes pas dangereux ?

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Susan opta pour le silence. Hale souriait.

— C’est comme ça que Tankado terminait tous ses courriers.

C’était sa maxime préférée.

32.

David Becker se tenait devant la porte de la suite 301. La bague était là, quelque part derrière ce panneau de bois mouluré. Il entendait des mouvements à l’intérieur de la chambre. Des voix feutrées. Il frappa. Une voix en allemand répondit :

Ja ?

Becker garda le silence.

Ja ?

La porte s’ouvrit brutalement et un visage tout rond le dévisagea.

Becker sourit poliment. Il ignorait le nom de l’homme.

Sind Sie Deutscher ? demanda-t-il. Vous êtes allemand ?

L’homme acquiesça, ne sachant comment réagir. Becker continua dans un allemand parfait.

— Puis-je vous parler un instant ?

L’homme semblait mal à l’aise.

Was wollen Sie ? Que voulez-vous ?

Becker aurait dû s’attendre à cette question avant de frapper effrontément à la porte d’un inconnu. Il chercha la meilleure approche...

— Vous possédez quelque chose dont j’ai besoin.

Mauvais choix ! L’Allemand fronça les sourcils, l’air menaçant.

Ein ring, enchaîna Becker. Sie haben einen Ring. Vous avez une bague.

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— Fichez le camp, grogna l’Allemand en commençant à pousser la porte.

Par réflexe, Becker glissa son pied dans l’interstice pour empêcher la fermeture. Il regretta immédiatement son geste.