un
court-circuit.
Depuis
ce
temps,
tout
dysfonctionnement informatique était appelé « bug » – petite bestiole.
— Manquait plus que ça ! pesta Susan.
Repérer un bug dans un programme pouvait prendre des jours. Il fallait éplucher des centaines de lignes d’instructions dans l’espoir de trouver une erreur minuscule. Cela revenait à chercher une petite coquille dans une encyclopédie tout entière !
Susan devait renvoyer son pisteur... Mais aux mêmes causes, les mêmes maux... Si elle ne réglait pas le problème, le programme allait, selon toutes probabilités, planter au même endroit.... Que faire ? Déboguer ? Mais cela prenait toujours beaucoup de temps, or, le temps leur était compté... Elle scrutait la fenêtre d’état, interdite, se demandant déjà quelle faute elle avait pu commettre, lorsque, soudain, elle réalisa qu’il ne pouvait s’agir d’un bug. Elle avait utilisé le même pisteur le mois dernier, sans aucun souci ! Les problèmes ne surgissent pas du néant...
Une remarque de Strathmore lui revint en mémoire :
« Susan, j’ai essayé d’envoyer votre mouchard moi-même...
mais les données qu’il m’a renvoyées ne tiennent pas debout. »
– 144 –
Les mots tournaient en boucle dans sa tête... « Les données qu’il m’a renvoyées... » Des « données »... Cela signifiait que le pisteur avait recueilli des informations... donc, que le programme fonctionnait. Les données étaient incohérentes, parce qu’il avait mal entré les critères de recherche – mais le mouchard avait fait son travail.
Il pouvait exister une autre explication qu’une erreur de programmation... Parfois, les causes étaient externes –
problèmes d’alimentation, particules de poussière sur un circuit, défaut de connexion. Les machines du Nodal 3 étaient si bien entretenues qu’elle avait totalement occulté cette éventualité.
Susan se leva et traversa la pièce pour se diriger d’un pas rapide vers une étagère volumineuse remplie de manuels techniques. Elle saisit un volume relié intitulé SYS-OP et commença à le feuilleter. Ayant trouvé ce qu’elle cherchait, elle revint avec le manuel devant son terminal et tapa quelques lignes d’instructions. Elle lança une recherche sur les tâches effectuées durant les trois dernières heures. Elle espérait trouver la trace d’une interruption externe – une commande d’annulation générée par un mauvais contact ou une puce électronique défectueuse.
Quelques instants plus tard, son ordinateur émit un signal.
Le cœur de Susan s’accéléra. Elle retint son souffle et étudia l’inscription.
ERREUR 22 TROUVÉE
L’espoir revint. Les nouvelles étaient plutôt bonnes.
Puisqu’une erreur avait été détectée, le problème ne venait pas de son pisteur. Apparemment, l’opération avait été interrompue suite à une anomalie externe. Par conséquent, il n’y avait guère de chances pour que l’événement se reproduise. À quoi correspondait une erreur 22 ? Les pannes matérielles étaient si rares dans le Nodal 3 qu’elle n’avait plus les numéros en tête.
Elle parcourut des yeux le manuel, étudiant la liste des codes d’anomalies.
19 : DISQUE DUR ENDOMMAGÉ
– 145 –
20 : SURTENSION
21 : PANNE MEDIA
Quand elle atteignit le numéro 22, elle s’arrêta net et resta un long moment à fixer la page, incrédule. Déconcertée, elle vérifia une nouvelle fois sur son écran.
ERREUR 22 TROUVÉE
Susan fronça les sourcils et se replongea dans le manuel du système d’exploitation. C’était insensé... L’explication donnée était :
22 : ANNULATION MANUELLE
35.
Becker, encore sous le choc, regardait fixement Rocío.
— Vendu ? Vous avez vendu la bague ?
La jeune femme acquiesça, ses cheveux tombant en cascades soyeuses sur ses épaules. Becker ne voulait pas y croire.
— Pero... Mais...
Elle haussa les épaules et précisa, en espagnol :
— À une fille près de la place.
Becker sentait ses jambes se dérober sous lui. Je suis maudit !
Rocío lui adressa un sourire timide et ajouta, en désignant l’Allemand :
— Il voulait la garder, mais je lui ai dit qu’il ne fallait pas.
J’ai du sang gitan dans les veines. Nous, les gitanes, en plus d’avoir les cheveux roux, sommes très superstitieuses. Une bague offerte par un mourant porte malheur.
– 146 –
— Vous connaissiez cette fille ? interrogea Becker.
Rocío haussa les sourcils.
— ¡ Vaya ! Vous tenez vraiment à cette bague !
Becker hocha la tête avec solennité.
— A qui l’avez-vous vendue ?
L’énorme Allemand était assis sur le lit, hébété. Sa soirée romantique était complètement gâchée et il ne comprenait pas pourquoi.
— Wovon sprechen Sie ? demanda-t-il nerveusement. De quoi parlez-vous ?
Becker ne lui prêta aucune attention.
— Je ne l’ai pas vraiment vendue, précisa Rocío. J’ai essayé, mais c’était une gamine et elle n’avait pas d’argent sur elle. Pour finir, je la lui ai donnée. Si j’avais deviné que vous feriez une offre si généreuse, je vous l’aurais réservée !
— Pourquoi avez-vous quitté la place ? Un homme venait de mourir. Pourquoi ne pas avoir attendu la police ? C’est à elle qu’il aurait fallu remettre la bague !
— Mon travail, c’est d’attirer les hommes, monsieur Becker.
Pas les ennuis ! De plus, le vieux semblait maîtriser parfaitement la situation.
— Le Canadien ?
— Oui. Il avait appelé une ambulance. Nous avons préféré partir. Je n’avais aucune raison d’attendre la police et de mêler mon client à cette histoire.
Becker acquiesça d’un air absent. Il ne parvenait pas à accepter ce coup de théâtre. Elle avait donné l’anneau !
— J’ai voulu aider ce malheureux, expliqua Rocío. Mais ce n’est pas sa santé qui l’inquiétait. C’était la bague ! Il nous l’agitait sous le nez, en la tenant avec ses trois petits doigts tordus. Et il tendait son bras dans notre direction, comme s’il voulait absolument qu’on prenne l’anneau. J’ai refusé, mais notre ami, ici présent, a finalement cédé et il a pris la bague. Et puis le type est mort.
— Et vous avez tenté de le réanimer en lui faisant un massage cardiaque ?
— Non. Nous ne l’avons pas touché. Monsieur avait les pétoches. Il est imposant comme ça, mais c’est une poule
– 147 –
mouillée, dit-elle à Becker avec un sourire malicieux. Ne vous inquiétez pas – il ne comprend pas un mot d’espagnol.
Becker fronça les sourcils. Encore une fois, il se demandait d’où provenait la marque sur la poitrine de Tankado.
— Les secours ont-ils essayé de le réanimer ?