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Tandis qu’il examinait le document, vérifiant les CMD

quotidiens, il imaginait Carmen Huerta s’enduisant le corps de miel et de confiture...

Trente secondes plus tard, il avait presque terminé. Le bilan de la Crypto était parfait – comme toujours.

Mais juste avant de passer à un nouveau dossier, quelque chose attira son regard. Au bas du dernier feuillet, le montant du CMD était faramineux. Il y avait tant de chiffres qu’ils débordaient sur la colonne suivante. Brinkerhoff regarda la somme, d’un air hébété.

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999 999 999 $ ? Il hoqueta. Un milliard de dollars ? Les images érotiques de la belle Carmen s’évanouirent sur-le-champ. Un code à un milliard de dollars ?

Pendant une minute, Brinkerhoff resta tétanisé sur son siège. Puis, soudain pris de panique, il se précipita dans le couloir.

— Midge ! Reviens !

44.

Phil Chartrukian, dans la salle de la Sys-Sec, bouillait de frustration. Les mots de Strathmore le poursuivaient. « Partez d’ici. Sur-le-champ. C’est un ordre ! » Il donna un coup de pied rageur dans la poubelle.

— Diagnostic, mon cul ! Depuis quand le directeur adjoint passe outre Gauntlet ?

Les gars de la Sys-Sec étaient payés pour protéger les systèmes informatiques de la NSA, et Chartrukian avait appris que la fonction exigeait deux qualités essentielles : être intelligent et très paranoïaque.

Ce n’est pas de la paranoïa ! songeait-il. Ce putain de compteur affiche plus de dix-huit heures d’activité ! C’était un virus. Chartrukian le flairait. C’était clair comme de l’eau de roche : Strathmore avait commis l’erreur de shunter Gauntlet et, à présent, il essayait de se couvrir en racontant une histoire de diagnostic à dormir debout.

Chartrukian n’aurait pas été aussi inquiet si TRANSLTR

seule avait été en danger. Mais ce n’était pas le cas. Contre toute apparence, la grosse bête à décoder ne fonctionnait pas en circuit fermé. Les gens de la Crypto étaient persuadés que Gauntlet avait pour seul but de protéger leur joujou, mais la Sys-Sec, heureusement, avait une vue d’ensemble. Les filtres

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antivirus de Gauntlet défendaient une place autrement plus stratégique : la grande banque de données de la NSA.

L’histoire de ce sanctuaire électronique avait toujours fasciné Chartrukian. Malgré tous les efforts du département de la Défense afin de garder Internet pour son seul usage, à la fin des années soixante-dix, la société civile s’y intéressa – les possibilités de l’outil étaient bien trop séduisantes. D’abord ce furent les universités qui s’immiscèrent sur le réseau. Puis ce fut au tour des serveurs commerciaux. Les vannes étaient alors ouvertes, et le grand public s’y engouffra. Au début des années quatre-vingt-dix, le bel Internet du gouvernement, jadis si sûr, était devenu une toile grouillante, croulant sous les e-mails et les sites pornographiques.

Après un certain nombre d’infiltrations au cœur du renseignement de la marine, qui pour n’être pas médiatisées n’en furent pas moins dramatiques, il apparut évident que les secrets d’État n’étaient plus en sécurité dans des ordinateurs connectés à la fourmilière Internet. Le président, en accord avec le département de la Défense, débloqua des fonds secrets pour créer un nouveau réseau, totalement sûr, qui remplacerait Internet, trop infesté, et ferait le lien entre les différentes agences de renseignement américaines. Pour prévenir de nouveaux piratages, toutes les données sensibles furent transférées dans un seul et unique lieu, ultrasécurisé : la grande banque de données, flambant neuve, de la NSA – le Fort Knox électronique des services secrets américains.

Concrètement, les millions de photos, enregistrements, documents et vidéos les plus confidentiels du pays furent numérisés, et conservés dans de vastes unités de stockage, puis toutes les autres copies furent détruites. La banque de données était protégée par un réseau complexe d’alimentation de secours et de systèmes de sauvegarde multiniveaux. De plus, elle était enterrée à soixante-dix mètres de profondeur pour la mettre à l’abri des champs magnétiques et des éventuelles explosions.

Toutes les activités dans la salle des commandes étaient classées Top Secret Umbra... le plus haut degré de confidentialité du pays.

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Les secrets d’État n’avaient jamais été autant en sécurité.

Cette place imprenable abritait les plans concernant de nouvelles armes, les listes des témoins sous protection, les fausses identités des agents en mission, les projets de futures opérations d’infiltration, etc. La liste était sans fin. Cette fois, plus personne ne pourrait venir fureter dans les fichiers du renseignement américain.

Certes le stockage de ces informations n’avait d’intérêt que si elles restaient consultables. Le véritable exploit n’était pas de mettre à l’abri toutes les données secrètes, mais de les rendre accessibles aux seules personnes habilitées. Chaque document possédait donc un code de sécurité, et, selon son degré de confidentialité, était accessible à une classe spécifique d’agents gouvernementaux. Un commandant de sous-marin pouvait examiner les plus récentes photos satellites de la NSA concernant les ports de Russie, mais il ne pouvait avoir accès aux plans d’une opération antidrogue en Amérique du Sud. Les analystes de la CIA pouvaient consulter les dossiers des criminels répertoriés mais ne connaîtraient jamais les codes de lancement des missiles nucléaires, réservés au Président.

Les techniciens de la Sys-Sec, évidemment, ne savaient rien des informations contenues dans la banque de données, mais ils étaient responsables de leur pérennité. Toutes les banques de données, depuis celles des compagnies d’assurances jusqu’à celles des universités, subissaient les attaques constantes des hackers – et la BDD de la NSA ne faisait pas exception. Mais les programmeurs de Fort Meade étaient les meilleurs du monde.

Pour l’heure, personne n’avait jamais réussi à s’infiltrer dans le système – et il n’y avait aucune raison de penser que cela puisse arriver un jour.

Dans la salle de la Sys-Sec, Chartrukian ruisselait de sueur, ne pouvant se résoudre à quitter les lieux. Si TRANSLTR avait un problème, la banque de données risquait d’en avoir un aussi.

La désinvolture de Strathmore était incompréhensible.

Tout le monde savait que TRANSLTR et la BDD étaient liées de manière inextricable. Chaque nouveau code, une fois cassé à la Crypto, était acheminé, via quatre cent cinquante mètres de

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câbles de fibre optique, jusqu’à la banque de données afin d’être stocké en sécurité. Les portes d’accès à ce sanctuaire électronique étaient rares – et TRANSLTR était l’une d’entre elles. Gauntlet était son gardien, son gardien d’airain. Et Strathmore lui était passé entre les jambes !

Chartrukian entendait son cœur battre la chamade.

TRANSLTR était plantée depuis dix-huit heures ! L’idée qu’un virus, une fois pénétré dans TRANSLTR, puisse aller se balader dans les profondeurs de Fort Meade était un scénario par trop crédible.

— Je dois en informer quelqu’un, balbutia-t-il à voix haute.

Dans une situation pareille, la seule personne à appeler était le chef terrible de la Sys-Sec, le grand maître ès ordinateurs, deux cents kilos à la pesée et le père de Gauntlet. On le surnommait Jabba. À la NSA, c’était un demi-dieu – il rôdait dans les salles, éteignait mille départs de feux virtuels en maudissant les faibles d’esprit et les ignorants. Quand Jabba apprendrait que Strathmore avait contourné Gauntlet, les foudres de l’enfer s’abattraient sur la Crypto. Tant pis pour eux... Je n’ai pas le choix. Le jeune homme saisit le combiné et composa le numéro de portable de Jabba, sur lequel il était joignable vingt-quatre heures sur vingt-quatre.