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— Laisse-moi vérifier quelque chose...

– 182 –

Elle feuilleta les rapports, trouva le document qu’elle cherchait et examina les chiffres. Après un moment, elle secoua la tête.

— Tu as raison, Chad. TRANSLTR a tourné plein pot. La consommation d’électricité est même un peu au-dessus de la moyenne. Un peu plus de cinq cent mille kilowatts-heure depuis hier minuit.

— Alors, qu’est-ce que cela signifie ?

— Je ne sais pas. En tout cas, c’est bizarre.

— Tu es sûre que tes données sont bonnes ?

Elle lui lança un regard noir. Il y avait deux sujets sensibles chez Midge Milken, deux points à ne jamais remettre en question en sa présence... La fiabilité de ses données était l’un de ces deux-là. Brinkerhoff n’insista donc pas et attendit sagement qu’elle ait fini d’inspecter les chiffres.

Elle poussa un petit grognement.

— Les stat d’hier sont parfaites : deux cent trente-sept codes déchiffrés. Un CMD de huit cent soixante-quatorze dollars.

Temps moyen de décryptage par code, un peu plus de six minutes. Consommation d’électricité habituelle. Le dernier code lancé dans TRANSLTR date de...

Elle s’interrompit soudain.

— Qu’est-ce qu’il y a ?

— C’est curieux. La dernière entrée qui figure sur la liste remonte à vingt-trois heures trente-sept.

— Et alors ?

— TRANSLTR casse un code toutes les six minutes environ.

Le dernier code de la journée est généralement traité plutôt vers minuit. C’est comme s’ils étaient pressés de...

Midge s’arrêta net, sous le choc.

Brinkerhoff bouillait.

— Quoi ! ?

Midge fixait le document du regard, incrédule.

— Ce code... Celui entré dans TRANSLTR hier soir...

— Oui ?

— Il n’est toujours pas cassé. Son entrée est inscrite à vingt-trois heures trente-sept minutes et huit secondes... mais l’heure de fin du décryptage ne figure nulle part...

– 183 –

Midge parcourut nerveusement les feuillets.

— Rien ! Ni hier, ni aujourd’hui !

Brinkerhoff haussa les épaules.

— Peut-être font-ils tourner un gros diagnostic interne ?

Midge secoua la tête.

— Au point d’occuper la bête pendant dix-huit heures ? Ça ne tient pas debout. En plus, il est clairement indiqué qu’il s’agit d’un fichier extérieur. Il faut appeler Strathmore.

— Chez lui, un samedi soir ? bredouilla Brinkerhoff.

— A tous les coups, Strathmore est derrière tout ça. Je te parie qu’il est ici. Je le sens !

L’intuition de Midge était justement l’autre point à ne jamais mettre en doute...

— Suis-moi ! lança-t-elle en se levant. Je vais te prouver que j’ai raison.

Brinkerhoff suivit Midge jusqu’à son bureau ; elle s’installa derrière le clavier de Big Brother et ses doigts voletèrent au-dessus des touches à la manière d’une organiste virtuose.

Brinkerhoff contemplait les rangées d’écrans couvrant le mur, qui portaient tous le sceau de la NSA.

— Tu

peux

espionner

la

Crypto ?

demanda-t-il

nerveusement.

— Non. Ce n’est pas l’envie qui m’en manque, mais la Crypto est en black-out total. Pas de vidéos. Pas d’écoutes.

Nada. Ordre de Strathmore. J’ai seulement accès aux entrées-sorties et aux relevés d’activité de TRANSLTR. Et encore, il faut s’estimer heureux d’avoir ça. Strathmore souhaitait l’isolement total, mais Fontaine a insisté pour qu’on ait ce minimum.

— Il n’y a vraiment aucune caméra vidéo à la Crypto ?

— Pourquoi ? demanda-t-elle sans détourner les yeux de son moniteur. Tu cherches un coin un peu plus tranquille pour Carmen et toi ?

Brinkerhoff marmonna une parole inaudible.

Midge tapa encore quelques instructions.

— J’ouvre les infos concernant l’ascenseur de Strathmore...

Elle étudia un instant le relevé qui s’affichait à l’écran puis donna une petite tape sur son bureau, d’un air triomphal.

– 184 –

— Qu’est-ce que je disais ! Il est ici. À la Crypto. Regarde. Et ça fait un bout de temps... Il est arrivé hier matin à l’aube, et son ascenseur n’a pas bougé depuis. Aucune trace de sa carte magnétique à la porte principale. Il est toujours dans les murs.

CQFD !

Brinkerhoff laissa échapper un bref soupir de soulagement.

— Si Strathmore est là, ça veut dire que tout va bien, hein ?

Midge resta un moment silencieuse.

— Peut-être, concéda-t-elle.

— Comment ça, « peut-être » ?

— Nous devrions l’appeler pour en être tout à fait certains...

Brinkerhoff prit un ton plaintif.

— Midge, c’est le directeur adjoint... Je suis sûr qu’il contrôle parfaitement la situation. Inutile de couper les cheveux en quatre.

— Chad... arrête de te comporter comme un gamin. On fait notre boulot, un point c’est tout. Nous constatons un problème dans les stat, et nous demandons des éclaircissements. De plus, ajouta-t-elle, il est bon de rappeler à Strathmore que Big Brother veille au grain. Je tiens à ce qu’il y regarde à deux fois avant de se lancer dans un nouveau plan farfelu pour sauver le monde.

Midge décrocha le téléphone et commença à composer un numéro.

Brinkerhoff était mal à l’aise.

— Tu vas vraiment le déranger ?

— Moi, sûrement pas ! répliqua-t-elle en lui tendant le combiné. Mais toi, oui.

– 185 –

48.

— Quoi ? s’écria Midge, incrédule. Strathmore prétend que nos données sont fausses ?

Brinkerhoff raccrocha et acquiesça en silence.

— Strathmore nie que TRANSLTR travaille sur le même code depuis dix-huit heures ?

— Il a pris tout cela plutôt avec légèreté, déclara Brinkerhoff dans un sourire, soulagé d’avoir survécu à cette conversation téléphonique. Il m’a assuré que TRANSLTR tournait comme d’habitude. Qu’il cassait un code toutes les six minutes, au moment même où nous parlions. Il m’a remercié de m’être adressé à lui pour vérifier que tout allait bien.

— Il ment ! lâcha-t-elle d’un ton cassant. Cela fait deux ans que je gère les rapports d’activité de la Crypto. Je n’ai jamais vu une erreur de données.

— Il faut bien une première fois...

Elle lui jeta un regard furibond.

— Je refais toujours tous les calculs...

— Tu sais ce qu’on dit à propos des ordinateurs. Quand il s’agit de faire les mêmes erreurs, c’est là qu’ils sont d’une fiabilité à toute épreuve.

Elle se tourna vers lui, agacée.

— Ce n’est pas drôle, Chad ! Le directeur adjoint vient de nous balancer un mensonge gros comme une maison. Je veux savoir pourquoi !

Jamais je n’aurais dû parler du problème à Midge, songea Brinkerhoff avec amertume. La réaction de Strathmore avait fait passer tous ses signaux au rouge ! Depuis l’épisode Skipjack, chaque fois que la douce Midge suspectait quelque chose d’anormal, la biche devenait tigresse. Rien ne pouvait l’arrêter, jusqu’à ce que l’affaire soit résolue.

— Midge, les données sont peut-être erronées. Cela reste une éventualité, insista-t-il. Réfléchis... Comment une clé pourrait-elle occuper TRANSLTR dix-huit heures durant ? Ce serait du jamais vu. Allez, rentre chez toi. Il est tard.

– 186 –

Elle lui lança un regard hautain et fit claquer les documents sur son bureau.