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— Mes données sont exactes ! Mon instinct me le dit.

Brinkerhoff fronça les sourcils. Même le directeur ne remettait plus en question l’instinct de Midge Milken – c’était un mystère, mais elle mettait toujours dans le mille.

— Il y a anguille sous roche, déclara-t-elle. Et j’ai bien l’intention de la débusquer.

49.

Becker, affalé de tout son long dans le bus, se releva péniblement et se laissa tomber dans un siège vide.

— Joli vol plané, Dugland ! ricana le jeune aux cheveux tricolores.

Becker plissa les yeux dans la lumière blafarde. C’était celui qu’il avait pris pour sa punkette. Becker considéra d’un air maussade la collection de coiffures bigarrées qui parsemaient les rangées.

— Que se passe-t-il ? gémit-il, en désignant d’un geste les autres passagers. Ils ont tous les cheveux...

— Bleu, blanc, rouge ! termina l’ado.

Becker hocha la tête, en essayant de ne pas trop regarder la perforation infectée sur la lèvre supérieure du garçon.

— C’est pour Judas Taboo, lâcha le gamin d’un air d’évidence.

Becker ne comprenait pas. Le jeune punk cracha dans le couloir central de l’autobus, visiblement dégoûté par l’ignorance de Becker.

— Judas Taboo, quoi ! Le plus grand depuis Sid Vicious. Il s’est fait sauter le caisson ici, il y a un an, jour pour jour. C’est son anniversaire.

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Becker acquiesça vaguement. Il ne voyait pas le rapport.

— Taboo avait les cheveux comme ça le jour où il a dégagé.

(L’ado cracha à nouveau.) Un vrai punk se doit d’avoir les cheveux bleu blanc rouge, aujourd’hui.

Becker resta un moment silencieux. Au ralenti, comme s’il avait été drogué, il se retourna et regarda les passagers du bus.

Tous des punks. Et la plupart le dévisageaient. Tous les fans ont les cheveux bleu blanc rouge, aujourd’hui, se dit-il.

Becker se releva et enfonça le bouton d’appel. Il était temps de sortir de là. Il appuya une nouvelle fois. Aucun effet. Une troisième fois encore, plus énergiquement. Toujours rien.

— Ils ont débranché le système sur le 27, expliqua le jeune en crachant encore. Pour pas qu’on les emmerde avec.

— Ça veut dire que je ne peux pas descendre ?

L’adolescent était hilare.

— Pas avant le terminus !

Cinq minutes plus tard, le bus cahotait le long d’une route de campagne non éclairée. Becker se tourna de nouveau vers le gamin derrière lui.

— Il ne s’arrête donc jamais cet engin ?

— Encore quelques kilomètres.

— Où allons-nous ?

Le visage de l’adolescent se fendit d’un large sourire.

— Tu le sais vraiment pas, Dugland ?

Becker haussa les épaules. L’adolescent partit d’un grand rire hystérique.

— Oh, putain. Tu vas adorer ça !

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50.

À quelques mètres de la coque de TRANSLTR, Phil Chartrukian lisait un avertissement, écrit en lettres blanches, sur le sol.

SOUS-SOLS DE LA CRYPTO

ACCÈS STRICTEMENT RÉSERVÉ

AU PERSONNEL AUTORISÉ

Il ne faisait évidemment pas partie du personnel autorisé...

Le jeune technicien jeta un coup d’œil en direction du bureau de Strathmore. Les rideaux étaient toujours tirés. Il avait vu Susan se diriger vers les toilettes, donc rien à craindre de ce côté-là.

Restait Hale. Chartrukian surveilla le Nodal 3. Hale était-il en train de l’observer derrière les vitres teintées ?

— Et puis merde ! grogna-t-il.

Sous ses pieds, le contour de la trappe, encastrée dans le sol, était bien visible. Chartrukian tripotait la clé qu’il venait de subtiliser dans l’armoire de Jabba.

Il s’agenouilla, inséra la clé dans l’orifice ad hoc, et actionna la serrure. De l’autre côté, le pêne se désengagea en émettant un cliquetis. Chartrukian tourna ensuite le gros bouton à ailettes de la fermeture extérieure. Après avoir jeté un dernier regard par-dessus son épaule, il s’accroupit et tira de toutes ses forces sur la poignée. Le panneau était petit, un mètre carré environ, mais pesait très lourd. Quand la plaque pivota enfin, le technicien fut déséquilibré et tomba sur les fesses.

Un souffle d’air chaud le frappa en pleine face. Il reconnut, sur sa peau, le picotement du fréon. Un nuage de vapeur s’échappa de l’ouverture, coloré en rouge par la lumière de service au-dessous. Le bourdonnement des générateurs, d’ordinaire étouffé, se fit grondement. Le jeune homme se pencha au-dessus du trou et scruta l’obscurité. Cela ressemblait davantage à une porte des enfers qu’à la trappe de visite d’un ordinateur. Une échelle étroite menait à une première plate-

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forme. Au-delà, il y avait des escaliers, mais les volutes cramoisies l’empêchaient d’en voir davantage.

Greg Hale se tenait effectivement derrière la vitre du Nodal 3. Il observait Phil Chartrukian qui se glissait dans l’ouverture menant aux sous-sols. Pendant un moment, la tête du technicien semblait avoir été tranchée et oubliée sur le sol de la Crypto, puis, lentement, elle sombra dans les tourbillons de fumée.

— Voilà une initiative bien téméraire..., murmura Hale.

Il savait ce que fomentait Chartrukian. L’extinction manuelle s’imposait s’il pensait que TRANSLTR était infectée par un virus. Malheureusement, c’était aussi le plus sûr moyen de voir un bataillon de techniciens investir la Crypto dans les dix minutes. Les actions d’urgence déclenchaient l’alerte générale au central. Hale ne pouvait se permettre de voir la Sys-Sec passer au peigne fin la Crypto. Il quitta le Nodal 3 et se dirigea vers la trappe. Il fallait arrêter Chartrukian.

51.

Jabba ressemblait à un têtard géant. Tout comme la créature du film d’où lui venait son surnom, il était chauve, informe et luisant. En sa qualité d’ange gardien des systèmes informatiques de la NSA, Jabba passait de service en service pour bichonner ses machines, une pince et un fer à souder à la main en réaffirmant son credo : mieux valait prévenir que guérir ! Sous le règne de Jabba, aucun ordinateur de la NSA n’avait jamais été infecté ; et il avait la ferme intention de faire perdurer l’état de grâce.

Le repaire de Jabba était un poste de travail enfoui sous terre, qui surplombait la banque de données ultrasecrète de la

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NSA. Puisque c’était à ce niveau qu’un virus causerait les pires dégâts, Jabba y passait le plus clair de son temps. Toutefois, à ce moment précis, Jabba prenait une pause et dégustait, en surface, une pizza calzone à la cafétéria de la NSA, ouverte vingt-quatre heures sur vingt-quatre. Il s’apprêtait à attaquer sa troisième part quand son portable sonna.

— J’écoute ! dit-il en s’étranglant, la bouche pleine.

— Jabba, roucoula une voix. C’est Midge.

— La reine des statistiques ! s’écria le géant avec chaleur.

Il avait toujours eu un faible pour Midge Milken. Elle était drôle, vive d’esprit, et c’était la seule femme avec qui il avait des rapports de séduction.

— Alors, comment ça va ?

— Ça pourrait être pire.

Jabba s’essuya la bouche.

— T’es encore dans les murs ?