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Prise d’une agitation compulsive, elle se mit à tâtonner maladroitement le long des portes, des cabines et des lavabos.

Désorientée, elle tournait sur elle-même dans le noir, les mains tendues en avant, essayant de se représenter la pièce. Elle se cogna contre une poubelle et se retrouva face à un mur carrelé.

Elle se guida en faisant courir ses mains le long de la paroi et se dirigea tant bien que mal vers la sortie. Arrivée à la porte, elle explora le battant du bout des doigts à la recherche de la poignée. Une fois trouvé le levier, elle ouvrit la porte et put enfin sortir des toilettes.

Sitôt passé le seuil, elle se figea de stupeur...

La Crypto était méconnaissable. TRANSLTR était une masse grise sous la lueur crépusculaire qui tombait du dôme.

Aucune lumière ne fonctionnait. Même les claviers électroniques des portes étaient éteints.

Les yeux de Susan s’accoutumèrent peu à peu à l’obscurité et elle constata que la seule source de lumière dans toute la Crypto provenait de la trappe ouverte dans le sol – la faible lueur rouge de l’éclairage de sécurité. Elle s’approcha avec précaution. Une vague odeur d’ozone flottait dans l’air.

– 204 –

Elle se pencha dans l’ouverture et scruta les sous-sols. Les conduits d’aération du fréon crachaient toujours des volutes de fumée dans le halo cramoisi, et en reconnaissant le bourdonnement aigu des générateurs, Susan comprit que la Crypto fonctionnait sur le circuit de secours. Dans la brume, elle aperçut Strathmore sur la plate-forme. Il était penché sur le garde-fou et fouillait du regard les profondeurs du puits grondant de TRANSLTR.

— Chef !

Aucune réponse. Susan se faufila sur l’échelle. L’air chaud provenant du sous-sol s’engouffra sous sa jupe. La condensation rendait les barreaux glissants. Elle atteignit finalement le caillebotis grinçant.

— Chef ?

Strathmore ne se retourna pas. D’une pâleur cadavérique, l’air choqué, il continuait à fixer le gouffre, comme tétanisé.

Susan suivit son regard. Pendant un moment, elle n’aperçut rien d’autre que les nuages de vapeur. Puis soudain, elle distingua une silhouette. Six niveaux plus bas. Une brève apparition entre deux nappes de brouillard, puis la vision s’évanouit. Une nouvelle trouée... là ! un pantin désarticulé... Trente mètres plus bas, le corps de Phil Chartrukian, étalé sur les ailettes de refroidissement du générateur principal, sa peau noircie et brûlée. Sa chute avait entraîné la coupure de l’alimentation générale.

Mais ce qui glaça Susan d’effroi, c’était moins l’image de Chartrukian gisant en contrebas, que la vue de quelqu’un d’autre, à mi-hauteur dans l’escalier, accroupi, tapi dans l’ombre. Ces épaules musclées étaient identifiables entre mille : Greg Hale !

– 205 –

58.

Le punk hurlait sur Becker.

— Megan est la copine de mon pote Eduardo ! Tu t’approches pas d’elle !

— Où est-elle ?

Le cœur de Becker battait la chamade.

— Va te faire foutre !

— C’est très important ! répliqua Becker.

Il agrippa la manche du gamin.

— Elle a un anneau qui m’appartient. Je lui donnerai de l’argent ! Beaucoup d’argent !

Deux-Tons s’arrêta net avant d’éclater d’un rire hystérique.

— Quoi ? Ce machin hyper-ringue est à toi ?

Becker plissa les yeux.

— Tu l’as vu ?

Deux-Tons acquiesça.

— Où est-il ?

— Aucune idée, gloussa Deux-Tons. Megan est passée ici pour essayer de le refourguer.

— Elle voulait le vendre ?

— T’inquiète, mec, elle n’avait aucune chance. T’as vraiment un goût de chiottes pour les bijoux.

— Tu es sûr que personne ne le lui a acheté ?

— Tu déconnes ou quoi ? Quatre cents biftons, pour cette merde... Je lui en ai proposé cinquante, mais c’était pas assez pour elle. Elle veut se payer un billet d’avion en stand-by.

Becker se sentit pâlir.

— Quelle destination ?

— Le Connecticut. Eddie voit rouge.

— Quoi ?

— Ouais. Elle veut retourner chez papa et maman. Elle en a marre de sa famille d’accueil en Espagne. Avec ces trois frères espagouins qui n’arrêtent pas de la draguer. Et pas d’eau chaude.

Becker sentit sa gorge se nouer.

– 206 –

— Quand part-elle ?

— Quand ? ricana-t-il Ça fait belle lurette qu’elle est partie maintenant. Elle est à l’aéroport. C’est le meilleur endroit pour troquer la bague... avec tous ces cons de touristes pleins de fric.

Elle compte s’envoler dès qu’elle l’aura vendue.

Becker se sentit soudain pris de nausée. Qu’est-ce que j’ai fait pour mériter ça... Il resta un moment abasourdi.

— Quel est son nom de famille ?

Deux-Tons réfléchit à la question mais resta sec.

— Quel avion doit-elle prendre ?

— Elle a parlé du vol Pétard.

— Le quoi ?

— Le vol spécial « yeux rouges », deux jours sans dormir –

Séville, Madrid, New York ! C’est comme ça que les étudiants appellent ce tortillard. Tout le monde le prend parce que ce n’est pas cher. Ils doivent tous fumer des pétards au fond de l’avion pour tuer le temps.

Becker poussa un grognement plaintif et se passa la main dans les cheveux.

— Tu connais l’heure du départ ?

— Deux heures du mat pétantes, tous les samedis. À l’heure qu’il est, le zingue est quelque part au-dessus de l’Atlantique.

Becker regarda sa montre. Elle indiquait une heure quarante-cinq. Il se tourna vers Deux-Tons, perplexe.

— Tu dis que l’avion décolle à deux heures ?

Le punk acquiesça en ricanant.

— Ouais mon pote, c’est foutu pour toi.

Becker pointa du doigt sa montre, avec colère.

— Mais il reste encore un quart d’heure !

Deux-Tons observa le cadran, visiblement troublé.

— Ben merde alors. D’habitude, quand je suis fait comme ça, il est quatre heures du mat !

— Quel est le moyen le plus court d’aller à l’aéroport ? le coupa Becker.

— Les taxis devant la boîte.

Becker saisit un billet de mille pesetas dans sa poche et le fourra dans la main de Deux-Tons.

– 207 –

— Merci, mec ! (le punk le héla) Si tu vois Megan, dis-lui salut de ma part !

Mais Becker avait déjà disparu.

Deux-Tons soupira et se dirigea en titubant en direction de la piste de danse. Il était trop ivre pour remarquer l’homme à la monture de fer qui lui emboîtait le pas.

Au-dehors, Becker fouilla du regard le parking. Aucun taxi en vue. Il courut vers un videur.

— Taxi !

L’homme secoua la tête.

Demasiado temprano.

Trop tôt ? Becker lâcha un juron. Mais il est deux heures du matin !

¡ Llámeme uno ! Appelez-en un !

L’homme dégaina un talkie-walkie. Il articula quelques mots et se tourna vers Becker :

Veinte minutos.

— Vingt minutes ? Et l’autobus ?

Le videur haussa les épaules.

— Départ dans trois quarts d’heure.

Becker leva les mains au ciel. Je rêve !

Le son d’un petit moteur lui fit tourner la tête.

Comme un bruit de tronçonneuse. Un grand gaillard et son amie, vêtue de chaînes, déboulèrent sur le parking sur une vieille Vespa. La jupe de la fille était complètement relevée en haut des cuisses. Elle ne semblait pas s’en apercevoir. Becker se rua sur eux. Je déteste les deux-roues ! Je ne vais quand même pas faire ça... Il héla le conducteur.