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les rapports des scans lancés par Chartrukian, comme l’historique du compteur de TRANSLTR. On efface tout. Toutes les traces de Forteresse Digitale. Elle n’est jamais entrée ici.

Nous récupérons la clé de codage que détient Hale et on prie pour que David retrouve celle de Tankado.

David... Susan s’efforça de ne pas trop songer à lui et de rester concentrée sur la situation présente.

— Je me charge de l’ordi de la Sys-Sec, annonça Strathmore.

Les relevés du compteur de TRANSLTR, le résultat des tests antivirus lancés par Chartrukian et tout le tremblement. De votre côté, occupez-vous du Nodal 3. Effacez les e-mails de Hale. Tout ce qui concerne ses liens avec Tankado ainsi que la moindre allusion à Forteresse Digitale.

— Entendu, répondit-elle avec gravité. Je vais effacer son disque dur et tout reformater.

— Non ! répliqua Strathmore. Surtout pas. Hale y a sans doute caché une copie de la clé. Il me la faut.

Susan resta un instant bouche bée.

— Vous voulez la clé ? Mais je croyais que l’objectif était justement de la détruire ?

— Bien sûr. Mais je veux une copie. Pour craquer ce fichu code et jeter un œil au programme de Tankado.

Susan partageait la curiosité de Strathmore, mais un pressentiment lui disait de ne pas ouvrir Forteresse Digitale, malgré tous les trésors qui pouvaient se trouver dans ses murs.

Pour l’instant, l’algorithme était emprisonné dans son caveau de chiffrement – totalement inoffensif. Mais dès qu’il serait décrypté...

— Chef... ne serait-il pas plus prudent de...

— Je veux cette clé, répondit-il.

Susan devait bien admettre que, depuis qu’elle avait entendu parler de Forteresse Digitale, sa curiosité de scientifique avait aussi été piquée au vif. Comment Tankado était-il parvenu à l’écrire ? La simple existence de ce programme de chiffrement remettait en question les règles les plus fondamentales de la cryptographie. Susan regarda Strathmore du coin de l’œil.

— Et vous détruirez l’algorithme immédiatement après ?

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— De la première à la dernière ligne.

Susan fronça les sourcils. Récupérer la clé de Hale n’allait pas être une mince affaire. Repérer une suite alphanumérique inconnue sur un des disques durs du Nodal 3 revenait à retrouver une chaussette perdue dans une chambre de la taille du Texas. Les recherches dans les ordinateurs ne donnaient de bons résultats que lorsqu’on savait précisément ce qu’on cherchait. Or, le détail de cette clé était totalement inconnu. Par chance, la Crypto ayant régulièrement à résoudre ce genre de problèmes, Susan et quelques collègues avaient développé un logiciel particulier de recherche par comparaison. Cela consistait à demander à l’ordinateur d’examiner chaque chaîne de caractères présente sur son disque dur, de les comparer à un énorme dictionnaire, et de signaler chaque groupe qui semblait dénué de sens ou généré de façon aléatoire. C’était un travail délicat, car il fallait sans cesse affiner les paramètres, mais c’était possible.

Susan était la candidate idéale pour ce travail. Elle poussa un long soupir, en se demandant si elle avait pris la bonne décision.

— Si tout se passe bien, j’en ai environ pour une demi-heure.

— Alors, au travail.

Strathmore posa une main sur son épaule et la guida dans l’obscurité jusqu’au Nodal 3. Au-dessus d’eux, un beau ciel étoile scintillait derrière le dôme. David voyait-il les mêmes étoiles de Séville ?

Arrivés devant la double porte vitrée du Nodal 3, Strathmore poussa un juron. Le clavier d’ouverture était éteint, et les portes closes.

— Pas de courant ! J’avais oublié.

Le commandant examina les panneaux coulissants. Il plaqua ses paumes à plat sur les vitres, puis poussa de chaque côté, en essayant de les écarter. Ses mains moites glissaient sur le verre. Il les essuya sur son pantalon et fit une nouvelle tentative. Cette fois, les portes s’écartèrent un peu et une minuscule fente apparut entre les deux vantaux.

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Susan s’approcha et l’aida à tirer. L’écart était maintenant de deux centimètres environ. Pendant un moment, ils tinrent bon, mais la pression du mécanisme était trop forte. Les battants se rejoignirent d’un seul coup.

— Attendez, dit Susan en changeant de position pour venir se placer devant Strathmore. C’est bon, on essaie encore.

A nouveau, ils poussèrent de toutes leurs forces. Mais l’ouverture ne dépassait toujours pas deux centimètres. Un faible rayon de lumière bleutée leur parvenait de l’intérieur du Nodal 3 ; les ordinateurs étaient toujours allumés. Considérés comme des organes vitaux de TRANSLTR, ils bénéficiaient, eux aussi, du courant auxiliaire.

Susan planta ses escarpins Ferragamo dans le coin du chambranle pour avoir un meilleur appui. Les portes commencèrent à bouger. Strathmore changea d’angle d’attaque, il referma les mains sur le panneau gauche, et y concentra toute son énergie tandis que Susan poussait sur le battant opposé.

Lentement, avec difficulté, les vantaux commencèrent à s’écarter. L’ouverture mesura bientôt près de trente centimètres.

— Tenez bon ! lâcha Strathmore, haletant sous l’effort. On y est presque.

Susan glissa son épaule dans l’interstice et recommença à pousser, cette fois mieux positionnée. Les portes résistaient néanmoins, comme deux béliers rétifs. Sans attendre, la mince Susan se faufila plus encore dans l’ouverture. Strathmore voulut l’en empêcher, mais elle était décidée. Susan voulait s’échapper de la Crypto et, connaissant le commandant, elle savait qu’ils ne bougeraient pas d’ici tant qu’ils n’auraient pas retrouvé cette satanée clé ! Coincée à mi-corps dans la fente, entre les deux battants, elle s’arc-bouta de toutes ses forces. Les portes s’écartèrent un peu, mais revinrent à la charge, comme si elles refusaient de se laisser faire. Les mains de Susan ripèrent et les panneaux, aussitôt, fondirent sur elle. Strathmore tenta de les retenir, mais il n’était pas de taille. Susan plongea, in extremis, avant que les mâchoires de verre ne se referment sur elle ; les portes s’entrechoquèrent dans un claquement ; elle était passée.

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Strathmore parvint à écarter un tout petit peu les battants.

Son œil apparut dans le minuscule interstice.

— Susan ? Vous allez bien ?

La jeune femme se releva et s’épousseta.

— Ça va.

Elle regarda autour d’elle. Le Nodal 3, éclairé seulement par la lumière des écrans d’ordinateurs, était désert. Les ombres bleutées donnaient au lieu un air fantomatique. Elle se retourna vers Strathmore. Son visage paraissait blafard et maladif sous l’éclairage bleu.

— Susan. Accordez-moi vingt minutes pour effacer toutes les traces à la Sys-Sec. Dès que j’aurai fini, je monterai à mon bureau et je désactiverai TRANSLTR depuis mon ordinateur.

— Je compte sur vous, répondit-elle en regardant les imposantes portes vitrées.

Tant que TRANSLTR monopoliserait l’énergie du circuit auxiliaire, elle serait prisonnière du Nodal 3. Strathmore lâcha les panneaux qui se refermèrent. Par la vitre, Susan regarda le directeur adjoint disparaître dans les ténèbres.

63.