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Il était normal, également, que Strathmore tienne tellement à laisser TRANSLTR tourner. Si Forteresse Digitale était destinée à devenir le nouveau bébé caché de la NSA, le commandant devait avoir la certitude qu’il était réellement incassable !

— Alors, Susan ? Vous désirez toujours vous en aller ?

demanda le commandant.

La jeune femme releva la tête. Assise ainsi, dans le noir, à côté du génial Trevor Strathmore, ses appréhensions venaient de s’envoler. Modifier Forteresse Digitale, c’était saisir la chance d’écrire une page d’histoire, de faire avancer le bien sur Terre.

Elle voulait être de cette bataille.

— C’est quoi la suite du programme ? répondit-elle dans un sourire.

Le visage de Strathmore s’illumina. Il se pencha et posa une main sur son épaule.

— Merci, Susan.

Un sourire, puis il reprit son air sérieux.

— On retourne au Nodal 3. Vous allez fouiller le terminal de Hale. Et moi, je vous couvre, ajouta-t-il en montrant son Beretta.

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Susan en eut la chair de poule.

— Ne peut-on pas attendre que David retrouve la copie de Tankado ?

Strathmore secoua la tête.

— Nous devons procéder à l’échange des algorithmes. Le plus tôt sera le mieux. Rien ne nous garantit que David arrivera à récupérer l’autre exemplaire. Si jamais la clé vient à tomber entre de mauvaises mains, il vaut mieux que nous ayons déjà fait la substitution. De cette manière, c’est notre version qu’on téléchargera.

Strathmore se leva, arme au poing.

Le commandant avait raison. Il fallait agir. Au plus vite.

Quand Susan se leva à son tour, ses jambes flageolaient.

Pourquoi n’avait-elle pas carrément assommé Hale pour de bon ? Elle regarda l’arme de Strathmore et eut soudain le vertige.

— Vous seriez prêt à tuer Greg ?

Strathmore s’arrêta devant la porte.

— Bien sûr que non. Mais j’espère qu’il est persuadé du contraire.

76.

Un taxi attendait, garé devant l’aéroport de Séville. Le compteur tournait. Derrière ses lunettes à monture de métal, le passager observait ce qui se passait dans le hall, de l’autre côté des baies vitrées. Il était arrivé juste à temps. Une jeune fille blonde aidait David Becker à s’asseoir. Apparemment, il souffrait. Il ne sait pas encore ce qu’est la vraie douleur, songea le passager.

La fille sortit de sa poche un petit objet et le remit à Becker.

Il le leva à la lumière pour l’examiner. Puis le glissa à son doigt.

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Ensuite, il donna à la fille une petite liasse de billets. Ils parlèrent encore quelques instants, et l’adolescente le serra un court instant dans ses bras. Elle lui fit un signe d’adieu, passa son sac sur l’épaule, et se dirigea vers les comptoirs à l’autre bout du hall.

Enfin, se dit l’homme à l’arrière du taxi. Enfin...

77.

Strathmore sortit de son bureau, son arme pointée devant lui. Susan lui emboîtait le pas. Hale était-il toujours dans le Nodal 3 ?

La lumière du moniteur derrière eux projetait des ombres fantomatiques sur la passerelle. Susan se rapprocha du commandant. Au fur et à mesure qu’ils s’éloignaient du bureau, la lumière déclinait. Bientôt, ils furent plongés dans le noir total. Le seul éclairage dans la Crypto provenait du ciel étoilé et du faible halo qui filtrait du trou dans la paroi vitrée du Nodal 3.

Strathmore tâtonnait, à la recherche de la première marche de l’escalier. Il changea son Beretta de main pour attraper la rampe sur sa droite. Il était sans doute un piètre tireur de la main gauche, mais il avait besoin de s’assurer pendant la descente. Tomber de cette hauteur était un coup à s’estropier à vie. Et Strathmore avait d’autres ambitions pour sa retraite que de la passer dans un fauteuil roulant.

Susan, à l’aveuglette, descendait derrière Strathmore, une main sur son épaule. Même à cinquante centimètres de lui, elle ne pouvait distinguer sa silhouette. À chaque nouvelle marche de métal, elle sondait l’obscurité de son pied pour repérer le bord.

Retourner dans le Nodal 3 ne lui disait rien qui vaille... Le commandant semblait convaincu que Hale n’aurait pas le

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courage de s’en prendre à eux, mais elle n’en était pas certaine.

Hale était en mauvaise posture. Les deux seules options possibles, pour lui, étaient s’échapper de la Crypto, ou aller en prison. Susan avait un mauvais pressentiment... ils auraient dû attendre l’appel de David et utiliser sa clé. Mais pourquoi n’avaient-ils aucune nouvelle de lui ? Pourquoi cela prenait-il autant de temps ? Susan chassa ses appréhensions de son esprit et continua d’avancer.

Strathmore descendait à pas de loup. Inutile de prévenir Hale de leur arrivée. Alors qu’ils étaient presque arrivés en bas de l’escalier, Strathmore ralentit, cherchant du pied l’extrémité du dernier échelon. Quand il le trouva, le talon de son mocassin claqua sur le carrelage noir. Suzan sentit, sous sa main, l’épaule du commandant se raidir... Ils pénétraient maintenant en zone dangereuse. Hale pouvait être n’importe où.

Loin devant, caché à présent derrière la silhouette de TRANSLTR, se trouvait le Nodal 3 : leur destination. Pourvu que Hale soit encore là-bas, songea Susan. Étendu sur le sol et gémissant de douleur. C’est tout ce qu’il méritait...

Strathmore lâcha la rampe et reprit son arme dans la main droite. En silence, il s’enfonça dans les ténèbres. Susan se cramponnait à son épaule. Si elle venait à perdre son guide, elle serait obligée de l’appeler. Et Hale les repérerait aussitôt... Alors qu’ils quittaient la sécurité de l’escalier, Susan songea à son enfance quand elle jouait, tard le soir, à chat perché. Elle venait de quitter son perchoir, et avançait à terrain découvert.

Vulnérable.

TRANSLTR se dressait comme une île dans ce vaste océan noir. Strathmore progressait de quelques pas, puis s’arrêtait, arme au poing, et tendait l’oreille. Le seul bruit audible était le ronronnement affaibli des générateurs en sous-sol. Susan avait envie de le tirer en arrière, de le ramener là-haut, sur la passerelle. Dans le noir, elle avait l’impression de voir partout des visages.

Ils étaient arrivés à mi-chemin de TRANSLTR. Soudain, quelque part dans la pénombre, tout près d’eux, des bips déchirèrent le silence. Strathmore pivota, et Susan perdit contact avec lui. Apeurée, elle tendit son bras, tâtonnant devant

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elle. Mais le commandant avait disparu. À la place de son épaule, elle étreignait le néant.

Les bips continuaient. Le son était tout près. Susan se retourna dans le noir. Il y eut un bruit de vêtements froissés, puis plus rien – le silence total. Susan se figea. Soudain, une vision de cauchemar lui apparut, comme dans ses terreurs enfantines. Un visage se matérialisa sous son nez. Un masque spectral aux tons verdâtres. Une figure démoniaque aux traits déformés, creusés par des flaques d’encre. Elle fit un bond en arrière. Elle voulut prendre la fuite, mais une main agrippa son bras.

— Ne bougez pas ! lui ordonna une voix.