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— Arrête tes salades ! Bien sûr que c’est grave ! Je ne sais pas ce qui se passe au juste, mais je peux te dire qu’on va droit au bouillon ! Et mes données ne puent pas ! Ça n’a jamais été le cas, et ça ne le sera jamais !

Elle s’apprêtait à raccrocher, mais elle n’en avait pas terminé :

— Et pour ta gouverne, Jabba... sache que Strathmore a shunté Gauntlet !

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100.

Hulohot montait à grands pas la rampe de la tour Giralda.

La seule lumière présente dans la spirale provenait d’ouvertures situées tous les cent quatre-vingts degrés. Il est fait comme un rat ! David Becker va mourir ! Hulohot progressait dans l’hélice, arme levée devant lui, dos collé au mur extérieur, au cas où Becker tenterait une attaque désespérée. Les bougeoirs en fer, longs d’un mètre cinquante et disposés à chaque étage, pouvaient faire office d’épieu... Mais en rasant ainsi la paroi, Hulohot verrait le danger arriver. Une lance ne faisait jamais le poids face à une arme à feu !

Hulohot avançait à une allure rapide, tout en restant prudent. La pente était raide ; des touristes y avaient laissé la vie. Ici, ce n’était pas l’Amérique : pas de panneaux pour prévenir du danger, pas de corde ni de chaîne pour se retenir, aucune mise en garde dégageant la responsabilité de la ville en cas d’accident.... C’était la vieille Espagne. Si vous étiez assez stupide pour tomber, c’était votre problème... Hulohot s’arrêta devant l’une des ouvertures percées à hauteur d’épaules, et regarda au-dehors pour se repérer. Il était sur la face nord, à peu près à mi-hauteur de la tour. Il reprit son ascension.

Il aperçut bientôt l’entrée de la pièce cubique qui servait de belvédère, juste après un dernier virage. Personne en vue sur l’ultime portion de rampe. David Becker n’avait rien tenté contre lui. Peut-être même ignorait-il qu’il était à ses trousses ?

Dans ce cas, Hulohot aurait l’avantage de la surprise. Un avantage presque superflu ! C’est lui qui tenait toutes les cartes en main. Même l’architecture de la tour jouait en sa faveur : la rampe menait au belvédère par l’angle sud-ouest. Hulohot pourrait avoir en ligne de mire les trois autres coins de la pièce sans que Becker puisse le surprendre par-derrière. Et, pour couronner le tout, l’ombre masquerait son arrivée.

La souricière parfaite pour la mise à mort...

Hulohot évaluait le nombre de pas qui le séparait de l’entrée. Il répéta mentalement la séquence du crime. S’il restait

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sur sa droite en approchant de l’ouverture, il pourrait voir l’angle gauche de la pièce avant d’entrer. Si Becker était là, il ferait feu. Sinon, il pivoterait, se plaquerait sur la paroi opposée et, sitôt passé le seuil, foncerait vers le coin sud-est du belvédère, le seul angle où pouvait encore se trouver Becker. Il sourit.

SUJET : DAVID BECKER — ÉLIMINÉ

L’heure était venue. Il vérifia son arme.

Et Hulohot s’élança. La pièce s’offrit à son regard. Personne dans le coin gauche. Comme prévu, Hulohot se plaqua contre la paroi intérieure de la rampe, surgit face au côté droit et tira dans la foulée. La balle ricocha sur la pierre nue et faillit le toucher au rebond. Hulohot poussa un feulement de stupeur en tournant sur lui-même. La pièce était vide. David Becker s’était volatilisé !

Trois niveaux plus bas, suspendu au-dessus de la cour des Orangers, David Becker se cramponnait à un appui de fenêtre sur la face sud de la Giralda, comme un culturiste ayant décidé de faire subitement une série de tractions. Lorsqu’il avait vu Hulohot se ruer vers la tour, Becker était redescendu de trois étages et s’était faufilé dans l’une des ouvertures. Juste à temps.

L’instant suivant, le tueur passait à sa hauteur, mais il était trop pressé pour remarquer les phalanges agrippées au rebord de la fenêtre.

Une fois dans cette posture, Becker remercia le ciel : pour améliorer son service au squash, il faisait vingt minutes d’exercices quotidiens sur le Nautilus – une machine qui développait les biceps. Malheureusement, malgré sa musculature, Becker avait toutes les peines du monde à se hisser sur le rebord. Ses épaules étaient douloureuses. Sa blessure semblait une lame brûlante en train de le couper en deux. La pierre brute de l’appui de fenêtre offrait peu de prises et lui écorchait les doigts comme du verre pilé.

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Dans quelques secondes, le tueur allait rebrousser chemin.

Venant cette fois du palier supérieur, il apercevrait forcément les doigts de Becker cramponnés au rebord.

Ce dernier ferma les yeux et banda ses muscles. S’il s’en sortait vivant, ce serait un miracle. Il était sur le point de lâcher prise. Il regarda vers le sol... sous ses pieds, un gouffre de la taille d’un stade de football ! Une chute et c’était la mort assurée. La douleur à son flanc s’amplifiait encore. Des pas résonnaient dans la tour. Des pas lourds, pressés, qui venaient dans sa direction. C’était maintenant ou jamais. Il serra les dents et tira de toutes ses forces sur ses bras.

La pierre lui râpa la peau des poignets quand il se hissa. Les pas, au-dessus, étaient rapides. Becker tendit son bras à l’intérieur de la fenêtre, cherchant à tâtons le montant pour s’y agripper. Il pédalait contre le mur, essayant de repérer une prise pour ses pieds. Son corps était lourd comme du plomb ; il avait l’impression qu’une corde invisible était attachée à sa ceinture, et qu’à l’autre extrémité quelqu’un le tirait en arrière pour l’entraîner dans le vide. Tenir, lutter contre cet ennemi imaginaire... Il poussa sur ses coudes. Si Hulohot arrivait, il ne pouvait pas le manquer : sa tête dépassait de la fenêtre, comme un condamné, le cou sous le couperet de la guillotine. Il poussait sur ses jambes, se tortillait comme un diable pour se faufiler dans l’ouverture. Son corps était à moitié passé. Son torse pendait dans la cage de la rampe. Les pas étaient tout près.

Becker prit appui sur les jambages de pierre et, d’une puissante impulsion, il se propulsa à l’intérieur et tomba violemment sur les dalles.

Hulohot entendit la chute de Becker juste sous lui. Il bondit, son arme levée. Il aperçut une fenêtre. C’était donc ça ! Hulohot se plaqua contre le mur extérieur, pour optimiser son angle de vue sur la rampe. Une fraction de seconde, il entr’aperçut les jambes de Becker. Rageant de frustration, il tira. La balle ricocha sur les parois.

Veillant à raser la face externe pour gagner quelques précieux degrés de vision, Hulohot s’élança à la poursuite de sa proie. Mais Becker restait invisible ; il devait avoir un demi-tour

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d’avance et courir comme un dératé au plus près de la paroi intérieure. Hulohot suivait le train. Une seule balle suffirait.

Même si Becker parvenait à atteindre la sortie, il n’avait nulle part où se mettre à couvert. Hulohot pourrait lui tirer dans le dos pendant qu’il tenterait de traverser le patio. La traque se déroulait en une spirale vertigineuse. Bientôt sonnerait l’hallali !

Hulohot prit finalement la corde pour aller plus vite. Oui, il gagnait du terrain... Il apercevait à présent l’ombre de Becker passant devant chaque fenêtre. Plus bas. Plus vite. Ne faire qu’un avec la spirale. Becker était toujours à l’orée de la rampe suivante. Hulohot surveillait l’ombre devant lui, tout en regardant où il mettait les pieds.