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une chaise au fond de la salle, la tête entre les mains. Fontaine ignorait ce qui la mettait dans un tel état, mais l’heure était à l’action, non aux conjectures.

— Prenez une décision ! insista Jabba. Il est temps !

Fontaine se tourna vers Jabba :

— Très bien, voilà ma décision. On ne bouge pas. On attend.

La mâchoire de Jabba en tomba.

— Mais c’est...

— Un va-tout, l’interrompit Fontaine. Un va-tout que nous devons gagner.

Il prit le téléphone portable de Jabba et composa un numéro.

— Midge, c’est Fontaine. Écoutez-moi attentivement...

112.

— J’espère que vous savez ce que vous faites, chef, siffla Jabba. Il nous reste encore une chance de couper à temps, et vous allez la laisser passer...

Fontaine resta muet.

Comme en réponse, la porte du fond de la salle s’ouvrit et Midge entra en trombe. Elle se précipita vers l’estrade, hors d’haleine.

— C’est fait, monsieur le directeur ! Le standard nous le bascule ici.

Fontaine se tourna avec impatience vers l’écran. Quinze secondes plus tard, une image apparut sur le mur, tout d’abord neigeuse, déformée, puis elle se précisa. C’était une transmission en QuickTime, avec seulement cinq images par seconde. Deux hommes étaient dans le cadre. L’un d’eux avait le teint pâle et les cheveux rasés, l’autre était un blondinet tout

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bronzé. Ils étaient assis face à la caméra, comme deux présentateurs télé attendant le début du direct.

— Qu’est-ce que c’est que ces guignols ? lâcha Jabba.

— Taisez-vous, ordonna Fontaine.

Les deux hommes se trouvaient apparemment à l’arrière d’une camionnette. Autour d’eux, un fouillis de câbles électriques. La connexion audio démarra par un bruit blanc qui résonna dans la salle de contrôle.

— On a un retour audio, annonça un technicien derrière eux. Encore cinq secondes pour qu’ils nous reçoivent aussi.

— Qui sont ces personnes ? demanda Brinkerhoff mal à l’aise.

— Mes yeux, répondit Fontaine en regardant les deux hommes qu’il avait envoyés en Espagne.

Il avait agi ainsi par précaution. Fontaine avait compris la plupart des aspects du plan de Strathmore : la nécessaire, quoique regrettable, élimination de Tankado, la falsification de Forteresse Digitale, tout cela se tenait... Mais un point le chagrinait : l’engagement d’Hulohot. Hulohot était hautement qualifié, mais c’était un mercenaire. Pouvait-on lui faire confiance ? N’allait-il pas s’emparer du code pour son propre compte ? Fontaine tenait à garder Hulohot à l’œil, au cas où. Il avait donc pris les mesures qui s’imposaient.

113.

— Vous pouvez toujours courir ! s’emportait l’homme aux cheveux rasés, face à la caméra. Nous avons reçu des ordres !

Nous devons rendre des comptes au directeur Leland Fontaine en personne, et à lui seul !

Fontaine esquissa un sourire amusé.

— Je vois que vous ignorez qui je suis.

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— On s’en bat l’œil ! rétorqua le blond de plus en plus énervé.

— Je vais néanmoins éclairer votre lanterne, jeune homme...

Quelques secondes plus tard, les deux hommes, rouges de confusion, s’apprêtaient à faire leur rapport au directeur de la National Security Agency.

— M... Monsieur le directeur, bégaya le blond, je suis l’agent Coliander. Et voici l’agent Smith.

— Voilà qui est mieux, dit Fontaine. Je vous écoute.

Au fond de la salle, Susan Fletcher luttait contre la chape de solitude qui pesait sur ses épaules, mais elle n’était pas de taille.

Les yeux fermés, elle n’entendait plus rien ; il n’y avait plus que son chagrin, et ce sifflement dans ses oreilles. Tout son corps était engourdi. La frénésie régnant dans la salle de contrôle n’était qu’une agitation lointaine, provenant d’un autre monde.

Le petit groupe sur l’estrade écoutait attentivement le rapport de l’agent Smith.

— Comme vous l’avez ordonné, monsieur le directeur, nous sommes arrivés à Séville il y a deux jours pour suivre M. Ensei Tankado.

— Parlez-moi du meurtre, demanda Fontaine, impatient.

Les circonstances ?

— Nous surveillions Hulohot depuis l’arrière de la camionnette, à une distance d’environ cinquante mètres. Ça s’est passé en douceur. C’est un professionnel. Mais ensuite, ça a mal tourné. Des gens sont arrivés. Et Hulohot n’a pas pu récupérer l’objet.

Fontaine acquiesça. Les agents l’avaient déjà contacté alors qu’il était en Amérique du Sud pour lui dire que les choses ne s’étaient pas passées comme prévu. C’est pour cette raison qu’il avait écourté son voyage.

Coliander continua.

— Nous avons alors filé Hulohot, selon vos ordres. Mais il ne s’est jamais rendu à la morgue. Au lieu de ça, il a suivi la piste d’un autre type. Un civil, apparemment. Avec veste et cravate.

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— Un civil ?

Cela ressemblait bien à Strathmore, songea Fontaine...

veiller à impliquer le moins possible la NSA dans cette histoire.

— Les filtres FTP flanchent ! annonça un technicien dans la salle.

— Il nous faut l’objet, dit Fontaine d’un ton pressant. Où est Hulohot à présent ?

Smith jeta un regard par-dessus son épaule.

— Eh bien... Il est là, avec nous, monsieur.

Fontaine retint son souffle.

— Où ?

C’était la première bonne nouvelle de la journée.

Smith se pencha vers l’objectif de la caméra. L’image pivota vers l’arrière du camion, révélant la présence de deux corps inertes appuyés sur la paroi du fond. L’un d’eux était massif et portait de grosses lunettes à monture métallique. L’autre était jeune, avec des cheveux noirs en bataille ; sa chemise était tachée de sang.

— Hulohot, c’est celui de gauche, annonça Smith fièrement.

— Il est mort ? demanda Fontaine.

— Oui, monsieur le directeur.

Ce n’était pas le moment de demander des explications.

Fontaine jeta un regard vers les barrières de filtres qui s’amenuisaient.

— Agent Smith, articula-t-il d’une voix claire. Cet objet...

j’en ai grand besoin.

Smith prit un air penaud.

— En fait, nous ne savons toujours pas à quoi il ressemble.

Nous cherchons.

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114.

— Cherchez encore ! déclara Fontaine.

Sur des charbons ardents, le directeur regardait les deux agents qui fouillaient les corps à la recherche d’une liste de chiffres et de lettres.

Jabba était livide.

— Oh mon Dieu ! S’ils ne le trouvent pas, on est perdus !

— Les filtres FTP sont tombés ! cria une voix. Le troisième niveau est à nu !

Cette annonce déclencha un regain d’activité dans la salle de contrôle. Sur l’écran géant, l’agent au crâne rasé leva les bras d’un air fataliste.

— Monsieur, la clé n’est pas là. Nous les avons fouillés tous les deux. Leurs poches, leurs vêtements, leurs portefeuilles.

Aucune trace. Hulohot avait un Monocle, et nous l’avons examiné aussi. Mais il n’a jamais transmis quoi que ce soit qui ressemble à une succession de caractères aléatoires. Juste la liste des meurtres qu’il a commis.